Les Syro-Arméniens d’Alep retournent en Arménie
Plus de cent ans après leurs ancêtres qui fuyaient le génocide, ils font le chemin inverse pour échapper à la guerre

Lorsque Salbi Jabakhchuryan a fui les combats dans la ville syrienne d’Alep pour trouver refuge en Arménie, elle a fermé la porte de la maison et emporté la clé. Comme cent ans plus tôt ses ancêtres qui avaient fait le chemin inverse pour fuir le génocide arménien.
« La vie était bien meilleure en Syrie, mais nous apprécions bien plus la sécurité que nous avons trouvée en Arménie », résume Salbi. Quatre ans après sa fuite de Syrie, avec son fils Kaits, elle tient désormais l’un des restaurants les plus populaires d’Erevan, situé en face du siège du gouvernement.
« Dans nos deux restaurants à Alep, nous cuisinions des plats chauds et épicés, mais les Arméniens préfèrent des plats moins relevés. Alors, nous nous sommes adaptés », explique Kaits, 28 ans.
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La guerre en Syrie a provoqué l’une des pires crises des réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Près de la moitié de la population syrienne a été déplacée et quatre millions de personnes ont fui vers la Turquie, la Jordanie, le Liban et l’Europe.
Avec six réfugiés syriens pour 1 000 habitants, l’Arménie, ex-république soviétique de trois millions d’habitants, est proportionnellement le troisième plus important pays d’accueil pour les réfugiés, selon le Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies (UNHCR).
Et on estime à près de 18 000 le nombre d’Arméniens de Syrie ayant fui leur pays pour revenir trouver refuge sur la terre de leurs ancêtres, dans le Caucase, où leur connaissance de la langue et des traditions arméniennes leur a permis de mieux s’intégrer que les réfugiés syriens dans d’autres pays.
Entre 60 000 et 100 000 Arméniens avaient fui au Proche-Orient pour échapper au génocide sous l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, certains de leurs descendants font le chemin inverse pour fuir la guerre en Syrie. Ils font partie des chrétiens d’Orient, un ensemble de très anciennes communautés chrétiennes dont le sort en Syrie et en Irak inquiète le pape François en visite en Arménie de vendredi à dimanche.
« Besoin d’aide »
Si les autorités arméniennes ont pris des mesures pour faciliter leur « retour », le petit pays peine à faire face à un tel afflux.
« Le gouvernement a simplifié le processus de naturalisation, couvre les coûts d’assurance santé et a alloué des fonds pour l’éducation. Il paye même les loyers jusqu’à ce qu’un membre de la famille trouve un travail », explique Firdus Zakaryan, à la tête d’une commission gouvernementale chargée des réfugiés venant de Syrie.
« Mais notre petit pays ne peut pas porter ce poids seul, nous avons besoin d’une aide financière internationale », ajoute-t-il.
Pour faire face, l’Arménie, avec l’aide de l’ONU, a mis en place un modèle de micro-crédit pour aider les réfugiés à créer des entreprises.
« Nous donnons des cours pour familiariser les réfugiés syriens avec les lois et la réglementation fiscale. Nous fournissons des outils et des équipements à ceux qui veulent créer un petit commerce », explique Anahit Hayrapetian, coordinateur pour l’UNHCR.
« Des dizaines de nouveaux restaurants syriens et de cafés ont littéralement transformé le monde culinaire de la capitale », se réjouit-il.
« Ils étaient bien établis en Syrie et respectueux des lois. Ils étaient de riches marchands, des artisans, des médecins », explique M. Zakaryan.
Retour aux sources
Le départ n’a été facile pour personne. Levon Keochkerian a décidé de fuir avec sa mère âgée lorsqu’une bombe a détruit son atelier d’orfèvrerie à Alep.

« Notre voyage vers l’Arménie n’était en rien plus sûr que la vie sous les bombes à Alep », témoigne l’orfèvre de 47 ans, qui est arrivé à Erevan l’année dernière. « Mais finalement, ma mère et moi sommes en sécurité ici. Nous devons désormais reconstruire notre vie de zéro », soupire-t-il.
Chaque matin, il tente de vendre sur le marché des objets qu’il a réussi à sauver des ruines de son échoppe: des assiettes, des calices, tous fabriqués en Syrie, mais avec des ornements traditionnels arméniens.
« Toute ma vie, j’ai œuvré pour préserver et développer l’art ancien de l’orfèvrerie arménienne », lance-t-il fièrement. « Et maintenant, je suis revenu sur cette terre sacrée où sont nées ces traditions ».
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