Israël en guerre - Jour 531

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L’Espagne et l’Autorité palestinienne tentent de raviver le sommet de paix de Madrid de 1991

Une rencontre bilatérale devrair avoir lieu d'ici la fin de l'année mais, en l'absence des Israéliens et des Américains, les chances de réussite sont faibles, estiment les experts

Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à gauche, et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, avant une déclaration conjointe au palais de la Moncloa à Madrid, en Espagne, le 19 septembre 2024. (AP Photo/Paul White)
Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à gauche, et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, avant une déclaration conjointe au palais de la Moncloa à Madrid, en Espagne, le 19 septembre 2024. (AP Photo/Paul White)

MADRID – En visite officielle durant deux jours à Madrid, le mois dernier, le chef de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas a obtenu de l’Espagne la promesse d’organiser un sommet bilatéral entre l’Espagne et l’AP d’ici la fin de cette année.

Abbas souhaitait s’assurer le soutien des dirigeants espagnols, à commencer par le Premier ministre, Pedro Sánchez, et le roi Felipe VI, pour organiser la médiation des futurs pourparlers de paix israélo-palestiniens, héritiers des négocations menées dans la capitale espagnole il y a de cela trente ans.

Le sommet n’a pas encore de date assignée, mais le moment choisi par Abbas pour sa visite était on ne peut plus stratégique, juste avant la 79e Assemblée générale des Nations Unies à New York, dominée par le conflit à Gaza.

Cette visite faisait par ailleurs suite à une autre réunion, organisée le 13 septembre à Madrid entre l’Espagne, les membres du Groupe de contact arabo-islamique sur Gaza (composé des ministres des Affaires étrangères de l’AP, d’Arabie saoudite, Égypte, Indonésie, Jordanie, Qatar et Nigeria sans oublier les secrétaires généraux de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique) et des représentants des autorités européennes.

Cette réunion avait pour objet de promouvoir une solution à deux États – approche déjà au cœur de la Conférence de Madrid de 1991 et des accords d’Oslo qui ont suivi.

Fait remarquable, Israël était absent de cette réunion.

Le processus de paix est certes moribond depuis des années, mais l’Espagne estime que les récents développements régionaux rendent plus que jamais nécessaires et urgents de tels pourparlers.

La conférence du 13 septembre, la deuxième du genre après celle, dans un format comparable, en mai dernier, a suivi de peu la reconnaissance par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège d’un État palestinien.

Mais la mise à l’écart d’Israël de la table des négociations soulève des questions sur la viabilité de l’entreprise.

De gauche à droite, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le Premier ministre espagnol Felipe Gonzales et le président américain George H.W. Bush posent devant des délégués à la fin de la première session de la conférence de paix au Moyen-Orient, au Palacio Real de Madrid, en Espagne, le 30 octobre 1991. Derrière Bush se trouvent le Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, à gauche, ainsi que le Secrétaire d’État américain James Baker III, à droite. Les autres personnes ne sont pas identifiées. (AP Photo/Jerome Delay)

Échos de l’histoire et réalité du moment

La conférence de Madrid de 1991, organisée par l’Espagne et co-parrainée par les États-Unis et l’Union soviétique, a été un moment charnière de la diplomatie du Moyen-Orient. Après cette conférence, des négociations multilatérales ont eu lieu entre Israël, une délégation conjointe palestino-jordanienne et des pays arabes, Syrie et Liban en tête.

Mais en raison de dynamiques régionales très différentes – le déclin de l’influence américaine et un gouvernement israélien de droite très différent de celui, pacificiste, des années 1990 – pareil résultat serait peu probable aujourd’hui.

« Ni le gouvernement actuel du [Premier ministre] Benjamin Netanyahu ni celui de ses prédécesseurs n’ont été particulièrement enclins à la paix », estime Ghaith Al-Omari, ex-conseiller de l’équipe de négociation de l’AP entre 1999 et 2001.

À la veille de la conférence de paix de Madrid, environ 50 000 Israéliens, principalement de gauche, se sont rassemblés à l’hôtel de ville de Tel Aviv, en Israël, le 26 octobre 1991, pour encourager la délégation israélienne aux pourparlers de paix de Madrid à parvenir à la paix avec ses voisins. (Crédit : AP Photo/Staff/Harnik)

Le massacre du 7 octobre 2023 qui a coûté la vie à 1 206 hommes, femmes et enfants en Israël et fait 251 otages enlevés par des terroristes dirigés par le Hamas lors d’une attaque d’une rare violence, n’a fait qu’aggraver les tensions régionales, les violences et la méfiance mutuelle.

« Ces sentiments dominants impliquent des exigences israéliennes plus affirmées en matière de sécurité, ce qui limite d’autant les chances de compromis », explique Al-Omari au Times of Israel.

Une initiative qui laisse sceptique

Malgré l’engagement espagnol de longue date en faveur d’une solution à deux États, les experts doutent de la viabilité de la reprise des pourparlers de paix et de l’efficacité de Madrid pour assurer la médiation.

La société espagnole connaît « un changement générationnel et une polarisation toujours plus forte », estime l’analyste politique espagnol Daniel Bashandeh.

À gauche : l’analyste politique espagnol Daniel Bashandeh. (Autorisation) À droite : l’ex-conseiller aux négociations de l’AP, Ghaith Al-Omari. (Avec l’aimable autorisation du Washington Institute)

Le regain d’antisémitisme, après un temps de reflux, est désormais un problème majeur pour les communautés juives d’Espagne et les expatriés israéliens. Plusieurs organisations ont demandé aux autorités espagnoles de lutter contre ce phénomène, inquiètes que des personnalités politiques de tout premier plan soient d’accord avec des organisations ouvertement antisémites.

Les relations entre Madrid et Jérusalem se sont dégradées ces derniers mois, en particulier après la condamnation par l’Espagne de la campagne militaire israélienne à Gaza destinée à neutraliser la menace du Hamas et obtenir la libération des otages suite à l’attaque du 7 octobre. Elles se sont encore dégradées lundi lorsque Sanchez a demandé à l’UE de suspendre l’application de l’accord de libre-échange conclu avec Israël à cause de la guerre à Gaza et au Liban.

L’Espagne a cessé de vendre des armes à Israël au lendemain du massacre du 7 octobre et a récemment invité la communauté internationale à suivre son exemple suite aux blessures accidentelles infligées à plusieurs Casques bleus de la FINUL ayant refusé d’évacuer une zone de combat dans le sud-Liban, en dépit des mises en garde de Tsahal.

En représailles aux critiques de l’Espagne et à sa reconnaissance de la Palestine, son ambassadeur en Israël a été rappelé en novembre et le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a officiellement fait part de son mécontentement aux autorités espagnoles et restreint les services offerts par le consulat espagnol de Jérusalem aux Palestiniens de Cisjordanie.

Les relations bilatérales se sont particulièrement détériorées en juin dernier lorsque l’Espagne s’est, la première au sein de l’UE, rangée du côté de la plainte contre Israël pour génocide déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice.

Si l’Espagne peut en effet « tenter de promouvoir une solution à deux États », son influence est de facto limitée car elle « n’a pas le pouvoir de conduire la normalisation », explique Bashandeh au Times of Israel.

Les membres palestiniens de la délégation jordano-palestinienne arrivent à Madrid en agitant des rameaux d’orme en signe de paix, devant le Palacio Real, à Madrid, le 28 octobre 1991, au début de la conférence de paix. (Crédit : AP Photo/STF/Shing)

Le scepticisme est également de mise côté palestinien.

Al-Omari dit ainsi de l’initiative de paix de l’Espagne qu’elle est « pleine de bonnes intentions mais au final peu raisonnable et crédible », en raison de la complexité croissante du conflit et des tentatives d’Abbas de « prouver son utilité », contestée par le Hamas en Cisjordanie.

Bashandeh met par ailleurs en cause les divisions palestiniennes, expliquant que « la difficulté pour identifier une autorité légitime complique les négociations et pourrait influencer le rôle de l’Espagne sur la diplomatie au Moyen-Orient ».

Tracer la voie

En dépit de ces relations tendues avec Jérusalem et des difficultés géopolitiques, M. Bashandeh assure que Madrid souhaite être un « tiers constructif lors de futures négociations », suggérant que l’administration espagnole pourrait prendre les accords d’Abraham de 2020 comme modèle.

Les positions de ses signataires arabes modérés se sont sans doute durcies en raison des actions militaires israéliennes à Gaza, au Liban et ailleurs, mais, affirme Al-Omari, elles « n’excluent pas un engagement constructif » et pourraient bien montrer la voie à suivre, même en ce moment.

Pour autant, les experts continuent d’y voir un pari risqué.

En l’absence de soutien ou d’implication forte de la part des principaux acteurs régionaux, la reprise d’authentiques pourparlers de paix semble bien peu probable et Al-Omari rappelle que les précédents sommets se sont tous terminés sur un échec.

« La diplomatie exige du réalisme. Les initiatives espagnoles sont louables mais seules des mesures pragmatiques et réellement fondées – bien loin des grands gestes – feront avancer le processus de paix », conclut-il.

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