L’État demande à la Cour suprême un délai pour la démolition de Khan al-Ahmar
Rejetant les demandes des ministres ultranationalistes, le gouvernement affirme que les conséquences sécuritaires et diplomatiques prévalent sur la volonté de la Cour
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le gouvernement a demandé à la Haute Cour de justice de rejeter les requêtes réclamant la démolition immédiate du camp bédouin illégal de Khan al-Ahmar en Cisjordanie, assurant que le gouvernement rasera le village, mais que lui seul est en mesure de décider du moment où il le fera.
Après avoir promis à plusieurs reprises de procéder à l’évacuation du village palestinien et de relocaliser ses habitants sur un autre site, les ministres du gouvernement ont refusé lundi de fournir des précisions sur la date à laquelle Khan al-Ahmar serait démoli.
Le gouvernement a affirmé qu’il avait toujours l’intention d’évacuer le village palestinien vétuste situé à l’est de Jérusalem-Est, en Cisjordanie, mais il a fait valoir qu’une telle action aurait des conséquences diplomatiques et sécuritaires et ne justifiait donc pas l’intervention d’un tribunal, une position directement opposée à celle des ministres ultranationalistes qui ont demandé la destruction du hameau situé dans le désert.
L’État a introduit sa réponse un jour après la date butoir qui lui avait été fixée, en raison de la forte opposition à cette position du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, ainsi que d’autres personnalités d’extrême-droite.
Ces deux ministres ont, par le passé, appelé à plusieurs reprises à la démolition immédiate de Khan al-Ahmar et ont exigé un entretien avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ainsi qu’avec le ministre de la Défense Yoav Gallant et d’autres responsables sur cette question.
Leur opposition n’a cependant pas eu beaucoup de poids, puisque l’État a demandé de rejeter les requêtes, au lieu de fournir à la Cour un calendrier pour la démolition de Khan al-Ahmar.

Ni Smotrich ni Ben Gvir n’ont répondu aux demandes de commentaires sur la manière dont le gouvernement allait procéder.
Cela fait des années que Khan al-Ahmar est la source de critiques virulentes émanant de la droite israélienne et du mouvement d’implantation. Les détracteurs fulminent contre la démolition des avant-postes illégaux israéliens en Cisjordanie, et se plaignent en même temps d’une application insuffisante de la loi pour lutter contre les constructions palestiniennes illégales.
En 2018, la Haute Cour a statué que rien n’empêchait le gouvernement de faire exécuter les ordres de démolition émis par l’Administration civile du ministère de la Défense en 2009 contre les structures de Khan al-Ahmar, un village minuscule abritant moins de 200 résidents devenu célèbre dans le monde entier en raison de la bataille autour de son sort.

Suite aux pressions internationales, l’État a demandé de nombreux délais pour la mise en œuvre de ces ordonnances.
En février, la Cour a vivement réprimandé le gouvernement pour avoir traîné les pieds sur la question et n’avoir pas fourni de réponse ou de solution substantielle depuis si longtemps.
Dans sa réponse à la Haute Cour lundi, le gouvernement a affirmé sa position, à savoir que Khan al-Ahmar devait effectivement être évacué et démoli, mais que la question n’était pas de savoir s’il fallait le faire, mais quand et comment.

Il a toutefois fait valoir que seul le gouvernement était habilité à décider de la question.
« Les demandeurs n’ont fourni aucune raison qui justifierait l’intervention de la Cour dans le large pouvoir discrétionnaire dont dispose l’échelon politique en ce qui concerne la manière et le calendrier d’application des ordres de démolition dans l’enceinte [de Khan al-Ahmar] », ont écrit les avocats de l’État dans leur réponse aux requêtes demandant une décision de justice définitive ordonnant à l’État de démolir le campement.
« La position de la classe politique… est que les questions de délais et de méthodes de mise en œuvre des ordres [de démolition] sont conditionnées à des considérations politiques et sécuritaires vastes et variées. En tant que telle, et en tenant compte des informations classifiées sur lesquelles ces considérations sont basées, la position de l’échelon politique est que la décision concernant cette question devrait être laissée entre leurs mains », a soutenu le gouvernement.

L’État a ajouté que les délais de démolition « représentent une question complexe et sensible, dont les conséquences dépassent les simples lois sur la construction et la planification », et a ajouté que l’évacuation du camp pourrait avoir des conséquences « pour les relations extérieures et la sécurité d’Israël ».
L’organisation de droite Regavim, qui est l’un des demandeurs exigeant que Khan al-Ahmar soit immédiatement détruit, a denoncé la position du gouvernement, déclarant que « le gouvernement israélien a fabriqué un plateau en argent sur lequel nous allons offrir à l’Autorité palestinienne un État au cœur d’Israël : l’avant-poste illégal connu sous le nom de Khan al-Ahmar. »
Khan al Ahmar est situé juste à l’est de Jérusalem-Est, près de la grande implantation de Maale Adumim.

L’État affirme que les structures, principalement des cabanes et tentes de fortune, ont été construites sans permis et constituent une menace pour les habitants du village en raison de leur proximité avec une autoroute.
Les habitants palestiniens de Khan al-Ahmar, membres de la tribu Jahalin, disent être arrivés dans la région dans les années 1950, alors qu’elle était sous domination jordanienne, après avoir déjà été déplacés pendant la guerre d’indépendance de 1948.
L’État a aménagé où pourraient s’installer les résidents du hameau à une quinzaine de kilomètres à l’Ouest de Khan al-Ahmar, aux abords de la ville palestinienne d’Abu Dis, près de Jérusalem, où ont été installées des structures rudimentaires variées et les infrastructures nécessaires à un système d’assainissement ainsi qu’à l’approvisionnement en eau et en électricité.
Mais les Nations unies, l’Union européenne et d’autres instances internationales ont averti que le déplacement forcé des habitants de Khan al-Ahmar violerait le droit international et pourrait même constituer un crime de guerre, le déplacement d’une population placée sous occupation étant interdit par la loi internationale.