L’INPA va enlever 30 000 m³ de terre imbibée de pétrole dans une réserve au sud
Cette mesure fait suite à des années de recherche d'autres méthodes pour extraire le pétrole brut qui s'était déversé à Evrona, près d'Eilat, en 2014, mais pas que
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
À première vue, le sol de la réserve naturelle d’Evrona, à une vingtaine de kilomètres au nord d’Eilat, dans le sud d’Israël, est d’un beige sableux plus ou moins uniforme.
Mais si l’on enlève les minces graviers et le sable apportés par les crues soudaines le long de certains cours d’eau saisonniers, on y découvre un brun foncé.
Nitzan Segev, l’écologiste de l’Autorité israélienne de la nature et des parcs (INPA) pour la vaste zone qui s’étend de la mer Morte à Eilat, aime faire couler de l’eau sur le sol pour illustrer le problème. L’eau reste en surface dans une flaque grasse, car le sol est contaminé par le pétrole brut.
Les faibles précipitations dans cette région (en moyenne 25 millimètres par an, soit un peu plus de 2,5 cm) ne peuvent pas s’infiltrer. Il en résulte que peu de plantes peuvent germer.
Après avoir testé de multiples méthodes de nettoyage du sol, sans résultat acceptable, l’autorité a décidé d’en retirer environ 30 000 mètres cubes (10 600 tonnes) cet été, une fois que les permis auront été signés et que la menace de pluie et de crues soudaines sera passée.
Ces travaux seront financés par une partie des 100 millions de shekels que la société responsable de la contamination, Europe Asia Pipeline Company, avait accepté de payer en 2019 à titre de dommages-intérêts pour régler une action en justice collective.
La marée noire de 2014 et celle qui l’a précédée
Evrona abrite quelque 250 gazelles, ainsi que des acacias et des arbustes vivaces propres au désert hyperaride. C’est également une halte importante pour les oiseaux migrateurs.
Le 3 décembre 2014, quelque 5 millions de litres de pétrole brut se sont déversés dans la réserve à partir d’un oléoduc appartenant à la société publique Europe Asia Pipeline Company (EAPC) – anciennement Eilat Ashkelon Pipeline Company, contaminant près de 15 hectares de canaux d’eau saisonniers. La fuite a eu lieu près de Beer Ora, à environ 20 kilomètres au nord d’Eilat, lors de travaux de maintenance en vue de la construction de l’aéroport de Ramon.
Au cours des premières tentatives désespérées de pomper et évacuer le plus de pétrole possible, un inspecteur de l’INPA à bord d’un véhicule qui creusait une fosse pour récupérer un peu de brut a découvert des preuves d’une précédente fuite. Celle-ci a été examinée et remontée à 1975, lorsque le même tuyau s’est rompu, à un endroit différent, provoquant l’inondation et la contamination de 8 000 à 10 000 mètres cubes dans des canaux d’eau d’une superficie d’environ 150 hectares.
Aucune mesure corrective n’avait été prise à l’époque.
HaMaarag, le programme national d’évaluation des écosystèmes, a mené un programme de surveillance quinquennal à Evrona à partir de 2016. Il a lancé un deuxième programme de surveillance quinquennal l’année dernière.
Parmi les conclusions des recherches menées sur les zones de déversement de 1975 et de 2014, on constate non seulement que le pétrole est toujours présent à des profondeurs variables, mais aussi que si les acacias les plus anciens, dotés d’un système racinaire profond, ont réussi à survivre, il n’y a pratiquement pas d’arbres plus jeunes, ce qui indique des problèmes de germination et de développement des semis.
Les acacias sont des espèces clés dans les environnements désertiques extrêmes, et une grande partie de l’écosystème en dépend. Parmi eux, les gazelles, qui se nourrissent et s’abreuvent principalement de feuilles d’acacia en été.
Selon un article publié en 2017 dans le Journal of Environmental Quality, la disparition des acacias pourrait avoir des « effets en cascade sur l’ensemble du réseau trophique » et entraîner « une perte drastique de biodiversité ».
Donner une chance au renouveau
Différentes approches de décontamination ont été testées sur des parcelles pilotes de la réserve. L’une d’entre elles, qui utilise des bactéries pour décomposer le pétrole, a finalement été retenue, avec un taux de réussite de 70 % dans le cadre du projet pilote. Cependant, lorsqu’elle a été appliquée à la quasi-totalité de la zone contaminée en 2014, les taux moyens d’assainissement n’ont atteint que 30 à 50 %, selon Segev, de l’INPA.
Le retrait du terreau a d’abord été évité par crainte d’altérer les gradients délicats le long desquels l’eau s’écoule vers les plantes, ou de nuire à la banque de semences, a expliqué Segev.
Aujourd’hui, l’enlèvement prévu cet été de quelque 30 000 mètres cubes (10 600 tonnes) a été considéré comme l’option la moins problématique.
« Les gens craignaient que les grosses machines de déblaiement endommagent les pentes, et que les petites machines passent beaucoup de temps à travailler et dérangent les gazelles », a expliqué Segev.
« Mais après tous les contrôles [avec de nombreux chercheurs sur le site], nous constatons que les gazelles ne se sont pas enfuies, ce qui était la plus grande crainte, et nous pensons que les avantages [de l’extraction de la terre] l’emporteront sur les nuisances. Rien ne pousse ici, les graines ne germent pas, alors mieux vaut enlever la terre et donner une chance au renouveau. »