Une réserve naturelle touchée par une fuite de pétrole en 2014 en danger
L’écosystème pourrait s’effondrer car la faune et les jeunes plants d’acacias ne guérissent pas, conclut le programme de surveillance de 5 ans de la réserve naturelle d'Evrona
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Une réserve naturelle du sud d’Israël qui a été victime d’une fuite de pétrole conséquente il y a sept ans ne montre aucun signe de régénération et son écosystème pourrait s’effondrer, à moins qu’on ne trouve des moyens de purifier le sol pour permettre aux graines d’acacia de recommencer à germer, selon les conclusions d’une étude de surveillance de cinq ans publiée jeudi.
Le 3 décembre 2014, quelque 5 millions de litres de pétrole brut se sont déversés d’un oléoduc de la Europe Asia Pipeline Company dans la réserve naturelle d’Evrona, dans le désert d’Arava.
La fuite a eu lieu près de Beer Ora, à environ 20 kilomètres au nord d’Eilat, lors de travaux de maintenance en vue de la construction d’un nouvel aéroport à Timna.
Après les premières mesures pour pomper et évacuer le plus de pétrole possible, un programme de surveillance de la réserve sur cinq ans a été mis en place en 2016 sous la direction de HaMaarag, l’organisation scientifique nationale chargée de collecter des données sur l’état des écosystèmes et de la biodiversité en Israël.
L’objectif était d’évaluer l’évolution depuis la fuite de pétrole de 2014. Au cours de ce programme de surveillance, les scientifiques ont également découvert des preuves d’une fuite de pétrole antérieure de 1975 qui n’avait jamais été traitée.
Les conclusions de cette étude, annoncées lors d’une conférence en ligne jeudi, montrent que les niveaux de pétrole brut sont encore très élevés dans les zones touchées par la fuite de 1975, ainsi que par celle de 2014, et que la réhabilitation n’a pas eu lieu même après près d’un demi-siècle.
L’une des observations les plus inquiétantes est que, bien que les acacias matures ne présentent pas de dommages à long terme, la germination des graines d’acacia dans les zones polluées en 1975 et 2014 est restée très limitée. Et ceux qui ont réussi à germer ne sont pas parvenus à se développer.
Les acacias sont des espèces clés dans les environnements désertiques extrêmes, et une grande partie de l’écosystème en dépend.
En raison de la vulnérabilité de la réserve, après la fuite l’Autorité israélienne de la nature et des parcs a décidé de lancer un projet pilote sur site, qui utilise des bactéries pour décomposer le pétrole. Les résultats ont été encourageants : les concentrations de pétrole ont diminué de 77,6 %. L’année dernière, cette méthode biologique a été renouvelée dans toute la réserve. Mais selon des échantillons de sol, la baisse du pétrole qui a résulté n’était que de 46,4 % – ce qui est insuffisant pour permettre aux graines d’acacia de germer.
« Sans la germination des acacias, l’écosystème va subir des changements importants et pourrait même s’effondrer complètement », indique le rapport final du programme de surveillance. « L’Autorité israélienne de la nature et des parcs testera d’autres méthodes de nettoyage des sols et de réhabilitation des processus écologiques dans la réserve. »
De même, aucune régénération réelle n’a été observée après le déversement de 2014 parmi les groupes d’animaux sauvages tels que les insectes chauves-souris et les arthropodes (animaux invertébrés avec un exosquelette).
Comme la conférence l’a mis en évidence, les dommages étendus et continus sont évidents à tous les niveaux de la chaîne alimentaire.
« L’écosystème de la réserve d’Evrona a été gravement endommagé par la pollution par les hydrocarbures », a déclaré le coordinateur du projet de surveillance, le Dr Rael Horwitz. « Un site voisin, contaminé dans un cas très similaire il y a 46 ans, est lui aussi encore extrêmement endommagé. »
« Sans intervention extrême sur le terrain, le système ne pourra pas être réhabilité. Cependant, toute intervention crée de nouvelles complexités qui affectent directement et indirectement l’écosystème. Une surveillance continue est nécessaire afin de superviser les effets sur l’écosystème des actions d’interface prévues pour la restauration de la réserve. »
Le rapport révèle que la fuite de pétrole à Evrona est la seule fuite dans un environnement désertique extrême documentée dans le monde, de sorte qu’il n’y a aucune comparaison possible avec d’autres efforts de réhabilitation. Les mesures prises par Israël aideront d’autres pays confrontés à des catastrophes similaires.
Le Dr Yehoshua Shkedy, scientifique en chef à l’Autorité israélienne de la nature et des parcs, a déclaré : « Les opérations initiales pour pomper le pétrole et l’évacuer de la réserve ont considérablement réduit les dommages environnementaux, mais ont laissé environ 145 dunams de terres imbibées de mazout. »
« Le programme de surveillance de la réserve est le plus important jamais mis en place en Israël et examine l’écosystème à tous les niveaux : le sol, les bactéries du sol, les plantes, les invertébrés de nombreux groupes, les reptiles, les oiseaux et les chauves-souris.
En 2018, le ministère de la Protection de l’environnement a évalué les dégâts à Evrona à 281 millions de shekels. En 2019, il a conclu un accord selon lequel la société publique Eilat Ashkelon Pipeline Company, également connue sous le nom de Europe Asia Pipeline Company (EAPC), verserait 100 millions de shekels de compensation.
L’année dernière, les procureurs de l’État ont annoncé que l’EAPC, ainsi que cinq cadres supérieurs actuels et anciens de l’entreprise, pourraient être jugés, en attendant une audience, pour leur rôle présumé dans la fuite de pétrole.
HaMaarag travaille avec des scientifiques de tout le pays. Indépendant et financé par des fonds privés, il représente un partenariat entre le ministère de la Protection de l’environnement, l’Autorité israélienne de la nature et des parcs, et le Fonds national juif du KKL. Il est basé au Musée d’histoire naturelle Steinhardt de l’Université de Tel Aviv.