L’interdiction de voyager de Trump bloque les vrais demandeurs d’asile, prévient l’AJC
L'opposition de l'un des plus grands groupes juifs du monde survient après que le président a interdit l'entrée aux citoyens de 12 pays, citant l'attaque de Boulder. D'autres groupes juifs font part de leur malaise face à ses politiques

JTA — L’American Jewish Committee (AJC) s’est prononcé contre le nouveau décret du président américain Donald Trump interdisant aux voyageurs en provenance de 12 pays d’entrer aux États-Unis. Selon Trump, ce sont des incidents comme l’attaque perpétrée cette semaine à Boulder, dans le Colorado contre des manifestants pour la libération des otages israéliens qui rendent ce type de mesure nécessaire.
Cette prise de position de l’une des plus grandes organisations juives au monde intervient dans un contexte où plusieurs groupes juifs rapportent un malaise croissant face aux politiques mises en œuvre par la Maison Blanche, souvent justifiées par la crainte d’une recrudescence de l’antisémitisme. L’AJC et d’autres importants groupes juifs ont également critiqué la décision de Trump de réduire le financement des universités où se tenaient des manifestations pro-palestiniennes, et de pénaliser ces établissements.
« Nous sommes profondément attristés par l’augmentation du nombre d’attaques antisémites violentes aux États-Unis, et nous apprécions que l’administration essaie d’actionner autant de leviers que possible pour la contrer. Mais nous craignons que la Proclamation générale publiée ce 4 juin ne cherche à résoudre le problème d’une manière dépourvue de lien apparent avec le problème sous-jacent. Nous craignons aussi qu’elle n’ait un impact négatif sur d’autres politiques de longue date concernant l’immigration et les réfugiés », a fait savoir le groupe dans un communiqué jeudi.
Cette ordonnance restrictive « empêchera ceux qui ont besoin d’un véritable asile d’entrer aux États-Unis, conformément à la tradition américaine de longue date d’accueillir ceux qui sont contraints de quitter leur pays pour échapper à la guerre, à la persécution ou à une catastrophe naturelle », a ajouté le groupe.
D’autres organisations juives ont également pesé contre cette interdiction. L’organisation juive HIAS d’aide aux réfugiés et aux immigrants a fait par de sa « consternation » face à la nouvelle interdiction. « Il est absurde de laisser supposer qu’interdire à certains individus d’entrer aux États-Unis simplement à cause de leur pays d’origine pourra nous protéger d’une quelconque manière », a déclaré dans un communiqué Naomi Steinberg, vice-présidente de la politique américaine et du plaidoyer du groupe, mercredi.
Amy Spitalnick dirige le Jewish Council on Public Affairs, un groupe qui critique ouvertement l’administration Trump. Elle a publié une déclaration dénonçant l’interdiction peu de temps après l’annonce de celle-ci par le locataire de la Maison Blanche, mercredi.
« Les peurs et préoccupations légitimes de la communauté juive ne doivent pas être exploitées pour détruire les fondements de la démocratie, ou pour promouvoir des politiques discriminatoires et contraires à la Constitution », a-t-elle expliqué. « Agir ainsi ne fait qu’exposer davantage les Juifs – et toute autre communauté – au danger. »

Certains grands groupes juifs ne se sont pas immédiatement exprimés sur l’interdiction. L’Anti-Defamation League, dont le dirigeant Jonathan Greenblatt a pris la parole lors d’une veillée en hommage aux victimes organisée à Boulder mardi soir, n’a pas encore commenté l’ordonnance de Trump. Le groupe s’était toutefois opposé à une interdiction de voyager similaire instaurée par Trump au cours de son premier mandat, et qui avait été largement interprétée comme ciblant les musulmans. À l’époque, Greenblatt la qualifiait « d’exemple clair de sectarisme antimusulman ».
Le groupe de coordination Jewish Federations of North America, immédiatement après la fusillade dans un musée juif à Washington, DC, avait publié une liste de priorités politiques. Eric Fingerhut, dirigeant du groupe, avait appelé à la prise en compte de ces priorité, incluant notamment l’augmentation du financement fédéral pour sécuriser les institutions juives. Le groupe ne s’est pas non plus immédiatement exprimé sur la nouvelle interdiction de voyager.
L’ordonnance de Trump instaure une interdiction pure et simple de voyager depuis 12 pays, en grande majorité musulmans – Afghanistan, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Myanmar, Somalie, Soudan et Yémen – et restreint drastiquement les voyages en provenance de 7 autres (Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan et Venezuela).

Le suspect de l’attaque survenue dimanche à Boulder, au cours de laquelle 15 personnes ont été blessées, est un ressortissant égyptien. Il était initialement entré aux États-Unis avec un visa de tourisme, qui avait expiré. L’homme aurait vécu longtemps au Koweït. Ni l’Égypte ni le Koweït ne figurent sur la nouvelle ordonnance d’interdiction de Trump. Certains des pays mentionnés – notamment l’Iran, le Venezuela et Cuba – accueillent de petites communautés juives. Sept cents Juifs iraniens ayant été autorisés à venir aux États-Unis en tant que réfugiés voient actuellement leur procédure d’immigration mise en attente.
Trump s’est justifié en citant l’attaque de Boulder, déclarant dans une vidéo que « la récente attaque terroriste survenue à Boulder, dans le Colorado, a souligné les dangers extrêmes posés à notre pays par l’entrée de ressortissants étrangers qui ne sont pas correctement contrôlés, ou qui viennent en tant que visiteurs temporaires et restent après l’expiration de leur visa. »
Dans sa déclaration, l’AJC a souligné que le groupe soutenait certains aspects de la position de Trump, notamment le fait que « l’entrée de ressortissants étrangers qui ne sont pas correctement contrôlés, ainsi que ceux qui restent malgré l’expiration de leur visa peuvent constituer des menaces pour la sécurité nationale ».