L’Italie et une entreprise israélienne de logiciels espions cessent leur coopération
Selon une commission parlementaire italienne, le gouvernement a utilisé le logiciel espion Paragon avec l'aval des procureurs pour lutter contre l'immigration illégale, le terrorisme et la criminalité
ROME, Italie (Reuters) – Selon un rapport parlementaire publié lundi, l’Italie et le fabricant israélien de logiciels espions Paragon ont mis un terme au contrat qui les liait, suite aux rumeurs selon lesquelles le gouvernement italien aurait utilisé les produits de cette entreprise pour pirater les téléphones de ses opposants.
Les deux parties ont déclaré avoir cessé toute forme de collaboration, chacune à sa manière, ce qui n’a pas manqué de de leur attirer d’abondantes critiques de la part des partis d’opposition italiens, tandis que la fédération de journalistes FNSI pressait les procureurs de diligenter uneenquête afin d’établir les faits.
Un responsable du service de chat WhatsApp de Meta avait déclaré en janvier dernier que le logiciel espion avait été utilisé contre des dizaines d’utilisateurs, dont, en Italie, un journaliste et des membres d’une ONG spécialisée dans le sauvetage en mer des migrants de Méditerranée, très critiques de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni.
En février dernier, le gouvernement italien avait fait savoir que sept utilisateurs italiens de téléphones portables avaient été suivis par le logiciel espion. À l’époque, le gouvernement avait nié toute implication dans des activités illicites et assuré avoir demandé à l’Agence nationale de cybersécurité (AQL) d’enquêter sur l’affaire.
Ce lundi, la commission parlementaire de la sécurité – COPASIR – a indiqué que les services de renseignement italiens avaient dans un premier temps suspendu puis totalement résilié leur contrat avec Paragon suite au tollé médiatique.
On ignore à ce stade à quelle date le contrat a effectivement pris fin. Le COPASIR a toutefois rappelé que, le 12 février dernier, le gouvernement avait déclaré devant le Parlement qu’il était toujours actif.

La commission a ajouté qu’elle n’avait aucune preuve que Francesco Cancellato, cible présumée et rédacteur en chef du site d’investigation Fanpage, ait été surveillé par logiciel espion de Paragon, comme il s’en est ouvert à Reuters et d’autres médias.
Dans une déclaration citée par Fanpage, Paragon indique avoir cessé de fournir des logiciels espions à l’Italie lorsque la possible implication de Cancellato est venue sur la place publique, ajoutant que le gouvernement a décliné son offre d’enquête conjointe pour établir la réalité des faits.
La société n’a pas répondu à la proposition de commentaires de Reuters.
L’opposition italienne presse le gouvernement de clarifier la question devant le Parlement tandis que le cabinet de Meloni refuse tout commentaire.
Le rapport de la COPASIR signale que les services de renseignement intérieur et extérieur italiens se sont attachés les services de Paragon, respectivement en 2023 et 2024, utilisés sur un nombre très limité de personnes et avec l’aval du Parquet.
L’agence de renseignement extérieur a utilisé le logiciel espion pour rechercher des fugitifs, lutter contre l’immigration illégale, le terrorisme, le crime organisé, la contrebande de carburant et le contre-espionnage, sans oublier la sécurité intérieure, a indiqué la COPASIR.

La commission a ajouté que les membres de l’organisation caritative Mediterranea avaient eux aussi été espionnés, « non pas en leur qualité de militants des droits de l’homme, mais en lien avec leurs activités et l’immigration irrégulière », avec l’aval du gouvernement.
Selon le rapport, le sous-secrétaire Alfredo Mantovano, l’homme de confiance de Meloni en matière de renseignement, a autorisé l’emploi du logiciel espion Paragon sur les militants de Mediterranea, Luca Casarini et Beppe Caccia, le 5 septembre 2024.
Mantovano n’a, pour l’heure, pas fait de commentaire.
Le mois dernier, un juge sicilien avait ordonné que six membres de l’organisation caritative Mediterranea, dont Casarini et Caccia, soient jugés pour aide à l’immigration illégale – une première concernant des membres de l’équipage d’un navire de sauvetage. Tous ont nié avoir commis des actes répréhensibles.