L’OCDE prévoit un rebond de l’économie en Israël pour 2025 et préconise des réformes
L’organisme appelle Israël à réduire les inégalités, à supprimer les subventions aux yeshivot et à renforcer compétitivité et productivité hors du secteur high-tech
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une reprise de l’économie israélienne cette année, tout en se montrant plus prudente que les prévisions locales quant au rythme de cette croissance, soulignant que les dépenses liées à la guerre pourraient continuer à peser sur les finances publiques.
Dans son Étude économique 2025, l’OCDE appelle Israël à concentrer ses efforts sur la réduction des inégalités socio-économiques. Parmi les recommandations figurent la suppression des subventions aux étudiants des yeshivot, la réduction des formalités administratives, ainsi que le renforcement de la compétitivité et de la productivité dans des secteurs autres que la high-tech, dans le but de faire baisser le coût élevé de la vie.
« La levée des obstacles au commerce intérieur et extérieur — par la réduction des formalités administratives et l’assouplissement des procédures aux frontières — renforcerait la productivité, augmenterait les revenus et contribuerait durablement à la baisse des prix à la consommation », a déclaré Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE. « Compte tenu des tendances démographiques, les performances économiques à long terme dépendront de réformes visant à combler les lacunes en matière d’infrastructures, à améliorer les résultats éducatifs et à favoriser l’intégration de la population israélienne sur le marché du travail. »
Selon l’OCDE, ce coût élevé continue de nuire au niveau de vie en Israël et d’attiser les tensions sociales. Israël est classé quatrième dans la liste des pays développés où le coût de la vie est le plus élevé. L’organisation met en cause plusieurs facteurs : la géographie, les barrières commerciales et une réglementation particulièrement stricte du marché des produits et services essentiels.
L’organisation estime qu’Israël doit assouplir la réglementation stricte encadrant les marchés de produits et réduire les obstacles techniques au commerce, afin de faciliter l’entrée de nouvelles entreprises et de stimuler la concurrence.
La conclusion de nouveaux accords de libre-échange permettrait également de réduire les coûts liés aux échanges commerciaux, selon l’OCDE.
« L’économie reste fortement influencée par les conflits, qui ont frappé l’investissement et les exportations, tandis que les dépenses liées à la guerre ont grimpé en flèche », indique l’OCDE dans son rapport.
« La croissance devrait redémarrer à mesure que l’environnement économique se normalisera. »
En supposant une accalmie des combats à Gaza et au Liban, l’OCDE prévoit une croissance de 3,4 % en 2025 et de 5,5 % en 2026 pour Israël — des taux supérieurs aux prévisions de croissance mondiale de l’organisation (3,1 % en 2025 et 3 % en 2026). Toutefois, les prévisions de croissance de l’OCDE pour 2025 sont inférieures aux 4 % prévus par la Banque d’Israël et aux 4,4 % du ministère des Finances.
« Les politiques économiques doivent maintenir la stabilité, et une croissance solide passe par la maîtrise de l’inflation, la limitation des déficits budgétaires, tout en finançant les dépenses futures », a affirmé l’organisation. « La performance économique profiterait grandement de réformes ciblant les lacunes en matière d’infrastructures, et visant à améliorer les résultats scolaires ainsi que l’intégration sur le marché du travail des citoyens ultra-orthodoxes et arabes. »

L’économie israélienne a progressé d’environ 1 % en 2024, contre 1,8 % en 2023 et 6,3 % en 2022, avant le déclenchement de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas. Le taux de croissance enregistré l’an dernier a dépassé les prévisions, bien que le conflit avec le Hamas et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, ait entraîné une forte hausse des dépenses publiques, tant militaires que civiles, et pesé sur les exportations ainsi que sur les investissements.
L’OCDE a salué la résistance de l’économie israélienne tout au long des 17 mois de guerre, qu’elle attribue à « une situation budgétaire saine avant le conflit, une gestion monétaire habile, un système financier solide, ainsi qu’à un fort potentiel de croissance grâce à des taux d’emploi élevés et à un secteur high-tech dynamique ».
« Le rapport de l’OCDE témoigne de la résilience de l’économie israélienne et du travail considérable accompli ces dernières années », a déclaré le ministre des Finances, Bezalel Smotrich. « Il souligne les défis majeurs, mais aussi des opportunités de croissance et de progrès.
« Nous continuerons à travailler en coopération avec l’organisation afin de garantir la stabilité économique et de promouvoir des réformes bénéfiques pour les citoyens israéliens », a-t-il ajouté.
L’OCDE a toutefois mis en garde contre les effets de la guerre, qui a entraîné une forte hausse des dépenses militaires, creusé le déficit budgétaire et freiné l’investissement ainsi que les exportations.
Les dépenses de guerre ont fait grimper le déficit budgétaire à près de 7 % du PIB en 2024. La Banque centrale et les agences de notation, qui ont toutes abaissé la note de crédit d’Israël l’année dernière, ont critiqué le gouvernement pour avoir augmenté les dépenses militaires sans compenser dans d’autres secteurs. La Banque d’Israël prévoit un déficit budgétaire de 4,7 % et un ratio dette/PIB de 69 % en 2025. Le gouvernement s’est fixé un objectif de 4,9 % du PIB.

« Une politique monétaire prudente et une discipline budgétaire, reposant sur les impôts les moins distorsifs pour réduire le déficit, sont essentielles pour sortir des turbulences économiques liées aux conflits », a déclaré l’OCDE.
Pour augmenter les recettes publiques tout en préservant l’équilibre budgétaire, l’organisation recommande notamment la fin des exonérations de TVA, une hausse des taux de la taxe carbone, ainsi qu’une fiscalité accrue sur les boissons sucrées et les articles en plastique à usage unique.
L’OCDE alerte aussi sur le faible taux d’activité de certaines populations, notamment les hommes ultra-orthodoxes (Haredim) et les femmes arabes israéliennes, qui freine le potentiel de croissance du pays.
« De nombreux Haredim (ultra-orthodoxes) et femmes arabes israéliennes restent en dehors du marché de l’emploi », souligne le rapport. « Compte tenu des tendances démographiques, les déterminants clés de la trajectoire de croissance d’Israël dans les dizaines d’années à venir seront la part des Haredim dans l’emploi et les niveaux de productivité des postes qu’ils occuperont. »
Le rapport appelle également le gouvernement à supprimer les mesures dissuasives qui freinent l’entrée sur le marché du travail, y compris les subventions aux étudiants de yeshivot, et recommande que les politiques conditionnent les aides à la garde d’enfants à l’emploi des pères, en plus de celui des mères.
En outre, le financement des établissements scolaires devrait être lié à l’enseignement des matières fondamentales et « égaliser le financement des écoles arabes avec celui des autres écoles présentant des caractéristiques socio-économiques similaires ».

« Le tronc commun est insuffisamment enseigné dans les écoles ultra-orthodoxes, et largement absent de nombreuses écoles arabes, ce qui nuit aux perspectives d’emploi, de productivité et de revenus des élèves », estime l’OCDE. « Améliorer leur insertion professionnelle et salariale renforcerait la viabilité budgétaire du pays. »
Par ailleurs, l’OCDE souligne que l’économie israélienne pourrait tirer pleinement parti de son secteur de l’intelligence artificielle (IA) déjà bien établi, en adoptant une régulation souple et en renforçant les liens entre l’enseignement supérieur et les entreprises de l’IA.
« L’IA est devenue un pilier central des nouvelles activités technologiques en Israël, représentant près de la moitié des nouvelles start-ups et des levées de fonds du secteur », note l’organisation.
« Elle joue donc un rôle crucial dans les performances du secteur high-tech, moteur essentiel des exportations et de la croissance du PIB. »
Toutefois, pour nourrir ce vivier de talents et accompagner la croissance de l’industrie, l’OCDE recommande d’élargir l’offre d’enseignement supérieur dans les domaines des mathématiques, de la statistique, de l’informatique et de la physique.