Israël en guerre - Jour 465

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Analyse

L’opération militaire met-elle l’AP en danger ?

« Pourquoi Israël coince Abbas ? » se demande un membre du Fatah alors que les islamistes se félicitent déjà de la victoire

Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Des Palestiniens durant des affrontements avec les forces de sécurité israéliennes pendant les recherches des trois adolescents disparus le 22 juin 2014 dans ville de Ramallah en Cisjordanie (Crédit : Issam Rimawi/Flash 90)
Des Palestiniens durant des affrontements avec les forces de sécurité israéliennes pendant les recherches des trois adolescents disparus le 22 juin 2014 dans ville de Ramallah en Cisjordanie (Crédit : Issam Rimawi/Flash 90)

En visite en Arabie saoudite avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas la semaine dernière, un journaliste d’un journal local a demandé au ministre des Affaires étrangères Riyad al-Maliki de justifier la coopération sécuritaire avec Israël.

« Dès le début, nous avons considéré la coopération de sécurité comme un intérêt pur des Palestiniens », a répondu Maliki. « Cela nous aide à maintenir la sécurité à l’intérieur de la Palestine et à empêcher une intervention israélienne au niveau sécuritaire. »

Au moment où l’interview a été diffusée dimanche, l’opération « Gardiens de nos frères » était toujours en cours, avec les soldats de l’armée rétablissant une présence militaire dans toutes les grandes villes de Cisjordanie après des années de quasi-absence. L’affirmation confiante de Maliki sur l’autonomie palestinienne ne pouvait guère sonner plus creux.

L’opération israélienne à double but, visant à ramener les adolescents kidnappés et à porter un coup fatal aux infrastructures du Hamas en Cisjordanie, suscite une critique palestinienne grandissante. Mais la société palestinienne dirige de plus en plus sa rage et sa frustration contre l’Autorité palestinienne et ses institutions plutôt que contre le Hamas déjà affaibli.

Alors que les forces militaires et les Palestiniens se sont affrontés à l’entrée de Ramallah, samedi soir, des manifestants se sont également dressés dans le centre-ville contre la sécurité palestinienne, bombardant à coups de pierres le poste de police palestinien sur la place Manara.

Alors que l’opération israélienne s’est intensifiée et que le nombre de morts palestiniens a augmenté, le terme de
« coopération sécuritaire » – à une époque la cible préférée des critiques du Hamas et du Jihad islamique – est devenu un mot à la mode chez les Palestiniens pour désigner tout ce qui est corrompu et pourri dans l’Autorité palestinienne d’Abbas.

Un utilisateur palestinien de Facebook a tenté de justifier la passivité de la sécurité palestinienne face à l’armée, commentant la photo d’une Mercedes de l’AP avec le pare-brise arrière brisé – probablement par des manifestants en colère – dans la ville d’El-Bireh en dehors de Ramallah.

« Les gens se demandent où la police était quand l’incursion [de l’armée] à Ramallah a eu lieu la nuit dernière », a écrit Imad Khatib. « Ils étaient à leur siège sous occupation, tout comme le reste d’entre nous ! Vous voulez qu’ils tirent sur l’armée ? S’ils l’avaient fait, quelques secondes plus tard le poste de police aurait été bombardé au-dessus de leurs têtes et vous auriez écrit sur votre page Facebook ‘Dieu ait pitié de leurs âmes’, rien de plus ».

Même les Palestiniens modérés sont de plus en plus cyniques au sujet de la coopération d’Abbas avec Israël. Nasser Lahham, le rédacteur en chef de Maan, l’agence de presse indépendante basée à Bethléem, a écrit dimanche que
« l’objectif principal de l’opération israélienne est d’affaiblir l’Autorité palestinienne et de nuire à sa base, de sorte qu’il ne devienne pas un Etat. Mais Israël empêchera son effondrement pour qu’il continue à servir, et servir même plus ».

« Chaque enfant sait maintenant qu’Israël dirige Deheisheh [camp de réfugiés près de Bethléem], et non la Force de sécurité préventive [palestinienne] », a écrit Lahham.

Avec le changement d’humeur palestinien, l’Autorité palestinienne a également rapidement changé sa politique. En quelques jours, la direction palestinienne est passée d’une condamnation sans équivoque de l’enlèvement et de l’affirmation de la coopération sécuritaire avec Israël à une attaque cinglante contre l’Etat juif en plus d’une demande diplomatique pour mettre fin à l’opération – et non en recourant au dialogue avec Israël, mais plutôt en faisant des appels urgents aux institutions internationales.

« Le but [de l’opération] est clair : détruire l’Autorité palestinienne et y mettre fin », a déclaré Mohammed Al-Madani, un responsable du Fatah chargé par Abbas du dialogue palestinien avec la société israélienne.

« Il est destiné à exporter la crise du Premier ministre [israélien] Benjamin Netanyahu dans la rue palestinienne… Nous ne savons pas où les choses iront si l’opération continue comme ça ».
Madani s’est moqué de l’idée que l’opération « Gardiens de nos frères » soit dirigée contre le Hamas, pas l’AP.

« Le Hamas est présent dans la rue ici ? Le Hamas n’a pas de présence officielle sur le terrain », a-t-il déclaré au Times of Israel, ajoutant que les institutions et les civils ciblés par l’armée n’ont aucun lien avec le mouvement islamique. « Malheureusement, ce que le gouvernement et l’armée [israélienne] font c’est de viser le peuple palestinien et l’Autorité palestinienne ».

« Quel est le but de placer le président Abou Mazen [Abbas], l’Autorité palestinienne, et la direction palestinienne dans un coin, où ils sont incapables de faire quoi que ce soit face à ces attaques quotidiennes barbares ? », se demande-t-il.

Le danger potentiel auquel fait face Abbas a été préssenti par le président israélien Shimon Peres, qui a salué dimanche Abbas pour avoir « risqué sa vie » en prenant une position publique contre l’enlèvement.

Dans une critique qui n’est pas si tacite de l’antipathie de Netanyahu envers Abbas, Peres a déclaré que le discours d’Abbas en Arabie,
« était clair sur la paix, était clair sur la terreur, et qu’il avait risqué sa
vie », et qu’il ne s’agissait pas « d’une position simple ». Peres a affirmé qu’il ne connaissait « personne d’autre du côté arabe qui l’aurait fait ».

Mais le brigadier général Shalom Harari, un ancien conseiller aux Affaires arabes pour le ministère israélien de la Défense et membre à l’Institut international pour la lutte contre le terrorisme à IDC Herzliya, a déclaré qu’Abbas était loin d’être naïf en restant publiquement en faveur de la coopération sécuritaire avec Israël.

« Est-ce que ces incursions militaires aident l’Autorité palestinienne ? Non », déclare Harari au Times of Israel. « Mais des déclarations positives sur la coopération avec Israël stimulent sa position avec les Américains et les Européens, qui sont les principaux contributeurs [financiers] de l’AP. Un milliard de dollars par an de financement ne l’affaiblit pas, ça la rend plus forte ».

Abbas n’aurait pas déclaré que la coordination sécuritaire avec Israël est « sacrée » s’il pensait que sa vie serait en danger, a ajouté Harari. « Il pèse le pour et le contre de ces déclarations, sachant qu’il peut perdre dans un domaine mais gagner dans un autre ».

Mais même au sommet de la sécurité d’Israël, certains soulignent les limites de la force israélienne en Cisjordanie. Deux jours seulement après l’enlèvement, l’ancien directeur du Shin Bet, Yuval Diskin, a mis en garde contre l’utilisation excessive du pouvoir contre Abbas et l’Autorité palestinienne. Il serait beaucoup plus prudent, a fait valoir Diskin, de rendre les enlèvements moins intéressants pour le Hamas en changeant la loi qui permet actuellement à la libération massive de prisonniers palestiniens, tout en renforçant en même temps la position d’Abbas par le gel des activités d’implantation pendant les négociations.

« J’ai lu des rapports d’experts recommandant l’utilisation de la force contre Abu Mazen – et les Palestiniens en général – pour résoudre tous les problèmes. Je n’accepte pas cela », a écrit Diskin sur sa page Facebook le 14 juin. « Nous devons trouver les jeunes disparus… mais les déclarations sur l’utilisation de plus de force, comme si nous n’avions pas, et ne continuons pas à utiliser la force sur une base régulière, [ont tort]. Qui peut mieux attester de cela que moi, qui a été là pendant tant d’années? Affirmer que l’utilisation de plus de force et le problème serait résolu n’est rien d’autre que du populisme de bas
étage ».

Le Hamas, pour sa part, a utilisé la frustration palestinienne contre Abbas en Cisjordanie pour renforcer son propre ordre du jour de la résistance armée contre Israël. « Une lntifada a été lancée en Cisjordanie occupée », s’est vanté l’ancien Premier ministre de Gaza, Ismael Haniyeh, lundi, à l’enterrement de ministre de la Santé du Hamas Moufid Mukhalalati.

Mouchir al-Masri, un député du Hamas de Gaza, a ajouté que l’histoire a prouvé que les incursions israéliennes en Cisjordanie ne font que renforcer son mouvement.

« L’opération Rempart en 2002 est le meilleur exemple », a déclaré Masri à l’agence de presse Bayan affilié au Hamas dimanche.

« Elle visait tous les dirigeants du Hamas et de la résistance, mais [quatre] ans plus tard, le Hamas a remporté les élections municipales et législatives. Cela prouve que les gens se mobilisent autour des héros et les lions, et ne se tournent pas vers ceux qui pratiquent la coordination de la sécurité ou qui s’accrochent à des négociations inutiles qui nuisent à notre cause ».

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