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L’UE met en garde Israël contre le projet d’introduire la peine capitale

Peter Stano et Annalena Baerbock s'opposent au projet de loi en cours d'adoption à la Knesset dans un contexte de recrudescence des attentats terroristes palestiniens

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, à la Knesset à Jérusalem, le 5 février 2023. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, à la Knesset à Jérusalem, le 5 février 2023. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)

Alors qu’Israël étudie un projet de loi qui permettrait aux tribunaux d’imposer la peine de mort pour les terroristes reconnus coupables, un diplomate européen a averti que son adoption porterait atteinte aux relations entre Israël et l’Union européenne (UE).

Le plénum de la Knesset a approuvé mercredi le projet de loi en première lecture, une proposition que le parti d’extrême-droite Otzma Yehudit du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, réclame depuis longtemps. Il doit encore être examiné par le cabinet de sécurité de haut niveau, qui est susceptible d’y apporter des modifications.

« Ça va changer la donne et ça aura un impact négatif sur les relations », a déclaré le porte-parole de la Commission européenne lors d’une conversation avec le Times of Israel.

« Cela entraînerait un certain changement de perception et un changement du côté démocratique, un pas de plus vers les États aux positions plus autoritaires », a poursuivi le fonctionnaire.

Selon certaines informations, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud, cherche à retarder la législation, et la Procureure générale serait très susceptible de s’y opposer. Les partis ultra-orthodoxes ont également exprimé certaines réserves.

Le porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères, Peter Stano, n’a pas voulu faire de commentaires sur la loi israélienne qui n’a pas encore été adoptée, mais il a déclaré au Times of Israel que les 27 États membres avaient « une opposition forte et sans équivoque à la peine de mort en tout temps et en toutes circonstances ».

Le porte-parole de la Commission européenne, Peter Stano, en septembre 2020. (Autorisation)

« Il s’agit d’une peine cruelle et inhumaine, qui représente un déni inacceptable de la dignité et de l’intégrité humaines, et qui ne parvient pas à dissuader le crime », a poursuivi Stano. « C’est une punition définitive qui rend irréversibles les erreurs potentielles de la justice. »

Il a ajouté que l’UE œuvre en faveur de l’abolition de la peine de mort dans les pays où elle est encore pratiquée.

D’autres hauts fonctionnaires européens ont exprimé des préoccupations similaires cette semaine. À Berlin, aux côtés de son homologue Eli Cohen, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a fait part de sa « préoccupation particulière » à l’égard du projet de loi.

La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, à droite, écoutant son homologue israélien Eli Cohen lors d’une conférence de presse après une réunion au ministère des Affaires étrangères à Berlin, en Allemagne, le 28 février 2023. (Crédit : AP Photo/Markus Schreiber)

« Nous avons aboli cette peine », a déclaré Baerbock, ajoutant que l’Allemagne « en discute avec tous les pays qui appliquent encore la peine de mort, y compris les États-Unis », et qu’elle s’est avérée inefficace comme moyen de dissuasion.

Baerbock a fait remarquer que les Allemands apprennent à l’école qu’Israël – bien que « menacé comme aucun autre pays par le terrorisme » – n’a procédé à aucune exécution depuis 1962, date à laquelle le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann a été pendu (l’armée israélienne avait également exécuté un officier de Tsahal en 1948 sur la base d’accusations – très discutables – de trahison).

Dans le même temps, l’existence de la peine de mort n’empêche pas nécessairement les pays démocratiques d’entretenir des liens solides avec l’UE. Bien que la délégation de l’UE à Washington condamne publiquement les exécutions aux États-Unis, ils continuent de coopérer sur toute une série de questions et leurs échanges représentent à ce jour le plus grand marché commercial bilatéral du monde.

L’instauration de la peine de mort pour les terroristes condamnés figurait déjà en bonne place dans le programme de la coalition de droite radicale avant même qu’une série d’attentats terroristes palestiniens ne fassent 14 morts ces dernières semaines, dont deux dimanche et un lundi. Cette vague de terrorisme, qui intervient dans un contexte d’escalade des tensions meurtrières en Cisjordanie, a relancé les appels à une action punitive plus sévère contre les terroristes palestiniens ainsi qu’à des mesures de dissuasion plus sévères.

« Après l’assassinat de deux citoyens israéliens lors d’un attentat terroriste palestinien, il n’y a rien de plus symbolique que de voter une loi sur la peine de mort pour les terroristes », avait déclaré Ben Gvir dimanche.

« C’est une loi morale et juste qui existe dans la plus grande démocratie du monde » – une référence aux États-Unis – « et qui devrait évidemment exister dans un pays où les citoyens sont frappés par une vague de terrorisme. »

Les forces de sécurité israéliennes sécurisant la scène de la fusillade terroriste lors de laquelle sont morts Halel Menachem et Yagel Yaakov Yaniv, en haut à gauche, à Huwara, en Cisjordanie, près de Naplouse, le 26 février 2023. (Crédit : Nasser Ishtayeh/Flash90)

Les médias israéliens ont rapporté la semaine dernière que la Procureure générale Gali Baharav-Miara était prête à s’opposer au projet de loi au motif qu’il pose d’importantes difficultés constitutionnelles et qu’il va à l’encontre des déclarations d’Israël sur la question dans les forums internationaux et de la tendance internationale à limiter le recours à la peine de mort.

Le site d’information Ynet a cité un extrait de l’avis juridique prévu par Baharav-Miara, affirmant que la loi n’aurait pas d’effet dissuasif, surtout lorsque les auteurs sont motivés par une idéologie et prêts à accepter d’être tués de toute façon. Elle aurait également affirmé que le seul pays occidental qui applique encore la peine de mort est les États-Unis, et que même dans ce pays, seuls 31 États sur 50 l’appliquent encore, sept l’ayant supprimée au cours des dix dernières années.

La Procureure générale Gali Baharav Miara lors d’une cérémonie d’accueil, à Jérusalem, le 8 février 2022 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le code pénal israélien prévoit la peine capitale, mais seulement pour des cas excessivement rares. Les politiciens de droite, y compris certains dans l’opposition actuelle, ont longtemps poussé pour une loi imposant la peine de mort aux terroristes, mais les efforts ont traîné en longueur faute de soutien suffisant et en raison de problèmes juridiques. En 2017, le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, avait proposé un projet de loi permettant à un tribunal d’exécuter tout terroriste dont l’attaque aurait entraîné la mort d’une victime israélienne, et l’ancienne ministre de la Justice, Ayelet Shaked, avait fait pression pour que la peine capitale soit imposée pour toute attaque entraînant la mort d’un enfant.

En 2016, le Procureur général de l’époque, Avichaï Mandelblit, avait soumis au gouvernement un avis juridique dans lequel il soutenait qu’une peine de mort ne dissuade pas les terroristes qui savent déjà qu’ils ont de bonnes chances de mourir au cours de leur attaque.

En 2018, Netanyahu avait autorisé les députés à faire avancer un projet de loi sur la peine de mort malgré l’opposition des experts. À l’époque, le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Nadav Argaman, avait déclaré aux députés de la Knesset qu’il était catégoriquement contre cette mesure.

« Ce n’est pas utile », avait alors déclaré Argaman. Néanmoins, un sondage réalisé en 2017 avait révélé que plus de 70 % des Israéliens juifs soutenaient la proposition dans une certaine mesure.

L’Arabe israélien Karim Younis porté par des amis et par des proches suite à sa libération après 40 années passées en prison pour avoir kidnappé et assassiné un soldat israélien à Ara, une ville du nord d’Israël, le 5 janvier 2023. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Ben Gvir a rappelé les grandes célébrations du mois dernier – en l’honneur des terroristes palestiniens libérés après 40 ans d’emprisonnement pour avoir tué un soldat – comme preuve de la nécessité d’exécuter les terroristes condamnés.

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