Marche anti-Israël à Londres ; Colère après que Hyde Park couvre un mémorial de la Shoah
La police a arrêté deux protestataires ; une marche de Campaign Against Antisemitism a été finalement annulée pour des raisons de sécurité
Une foule de manifestants anti-israéliens a défilé à Londres, dans la journée de samedi, pour dénoncer Israël – à l’occasion d’un mouvement de protestation similaire à ceux qui ont été organisés à de nombreuses reprises dans les rues de la capitale britannique depuis l’attaque barbare commise par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, un assaut qui avait déclenché la guerre à Gaza.
La police métropolitaine a arrêté deux protestataires. L’un d’entre eux portait une pancarte arborant une croix gammée.
L’autre est soupçonné d’avoir tenu des propos racistes à l’encontre d’un groupe de partisans d’Israël qui contre-manifestaient sous le slogan « Assez, c’est assez », critiquant la prise en charge des manifestations de la part de la police. Les forces de l’ordre essuient des critiques croissantes depuis une semaine, après qu’un agent a déclaré au chef du mouvement Campaign Against Antisemitism, Gideon Falter, qu’il ne pouvait pas traverser la rue alors envahie par les participants à un défilé pro-palestinien, parce qu’il était « trop ouvertement Juif ».
Campaign Against Antisemitism avait aussi prévu de marcher dans la ville, au même moment où avait lieu le rassemblement pro-palestinien de samedi – une marche qui a été finalement annulée pour des raisons de sécurité.
Selon le Telegraph, le mouvement de protestation anti-israélien de samedi a été l’occasion, pour certains participants, de brandir des affiches où des messages antisémites étaient écrits, affirmant notamment que l’armée israélienne récoltait les organes des Palestiniens et que les sionistes contrôlent les médias. Une autre pancarte remerciait le commissaire de la police de Londres, Mark Rowley, qui avait pris la défense de l’agent qui avait été à l’origine des paroles controversées sur l’apparence « ouvertement juive » de Gideon Falter.
« Merci à Rowley pour t’être dressé contre les politiciens orduriers qui cèdent au chantage de la cellule pédo du Mossad Jeffrey Epstein ! Protégez Mark Rowley », disait cette affiche, selon des témoins.
Parmi les participants au défilé, le député d’extrême-gauche Jeremy Corbyn, dont le mandat à la tête du parti du Labour avait été marqué par des accusations d’antisémitisme lancée à son encontre et à l’encontre de ses partisans. Était également présente la Première ministre d’Irlande du nord, Michelle O’Neill, dont le parti nationaliste Sinn Fein est un critique de longue date de l’État juif.
Alors que le défilé traversait le centre de Londres, des images ont montré le mémorial de la Shoah, à Hyde Park, recouvert d’une bâche bleue. Lord Mann, conseiller du gouvernement sur la question de l’antisémitisme, a déclaré qu’il avait recommandé à la police et aux responsables des parcs et des espaces verts de prendre cette initiative pour protéger le site.
« Nous pourrions prendre le risque de voir le mémorial vandalisé, ce qui serait une offense supplémentaire faite à l’égard de la communauté juive et des autres communautés », aurait déclaré Mann, selon le Telegraph. « Cela aurait été une bonne chose que les organisateurs du rassemblement prennent le temps de s’arrêter pour se recueillir devant le monument ».
Un porte-parole des Parcs Royaux a indiqué, pour sa part, que « le mémorial de la Shoah de Hyde Park est régulièrement bâché lorsqu’il y a différents événements – et nous le faisons en guise de précaution. Nous travaillons étroitement avec la police pour garantir la sécurité de tous les visiteurs du parc ».
La police de Londres a insisté sur le fait qu’elle n’avait joué aucun rôle dans cette décision prise de bâcher le monument après la publication, en Une du Daily Mail, d’une photo montrant une voiture de police garée à proximité du monument dissimulé aux regards, un cliché qui était accompagné de la légende : « La police a tellement peur de la populace antisémite qu’elle en couvre même la Shoah ».
« C’est un titre inexact qui ne fait qu’attiser les inquiétudes ressenties par la communauté », a commenté la police. « Il s’agit d’une précaution prise par l’autorité chargée des parcs royaux lors d’un certain nombre d’événements variés ».
Hyde Park sert de terminus aux marches anti-israéliennes qui ont pu avoir lieu, majoritairement le week-end, depuis le début de la guerre qui oppose le Hamas et Israël à Gaza.
Noemi Ebenstein, survivante de la Shoah, a parlé au Daily Mail de cette décision prise de recouvrir le monument : « C’est une honte. En voyant cela, on a l’impression qu’ils ont gagné. Ces gens qui haïssent les Juifs, ces négationnistes de la Shoah, on les laisse gagner parce qu’on les craint ».
Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah, a exprimé pour sa part son inquiétude profonde, faisant remarquer que ce sont plusieurs monuments et autres mémoriaux qui ont été récemment dissimulés aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Il a fait remarquer que ces monuments de commémoration était « le rappel solennel des horreurs sans parallèle qui ont été perpétrées pendant l’un des chapitres les plus sombres de l’Histoire de l’Humanité ». Yad Vashem a ajouté que ces sites « témoignent des millions de vies innocentes qui ont été perdues », rappelant qu’ils sont autant « de symboles d’espoir que de telles atrocités ne pourront plus jamais se reproduire et qu’elles ne se reproduiront jamais ».
« La décision prise de recouvrir des monuments de commémoration de la Shoah par crainte de la recrudescence de l’antisémitisme dans le monde est profondément troublante », a continué Yad Vashem qui a fait remarquer qu’en dissimulant ces rappels tragiques de l’Histoire, « nous ne faisons que traiter les symptômes sans nous attaquer à ce qui est au cœur du problème ». Le Centre de commémoration israélien a « imploré » les autorités à s’attaquer au problème à la racine qui sont « la haine et l’antisémitisme : ce sont de vraies questions qui sont en train de gangréner le tissu moral de notre société ».
Yad Vashem a finalement appelé « tous les individus, toutes les communautés et tous les gouvernements à garder vivante la mémoire de la Shoah » et à « œuvrer activement en faveur d’un monde enfin libéré de la haine et des discriminations ».
Look how the Holocaust memorial in London had to be covered up and guarded by the police today because of the pro-Pal march. Even the memory of Jewish victims of genocide aren’t safe from these people. Stop gaslighting. pic.twitter.com/WMmKpsQ21u
— Heidi Bachram ????️ (@HeidiBachram) April 27, 2024
Avant la marche de samedi, la police avait indiqué que le coût, pour les forces de l’ordre, de la prise en charge des manifestations avait atteint approximativement les 38,5 millions de livres.
La police de Londres a eu des difficultés à contenir les tensions attisées par la guerre qui oppose actuellement Israël et le Hamas. Les résidents juifs de la ville disent se sentir menacés par ces mouvements de protestation pro-palestiniens et anti-israéliens dont les participants arpentent les rues de la capitale.
De plus, la police a expliqué que 450 arrestations avaient été faites depuis le début de ces rassemblements. 193 personnes ont été appréhendées pour des délits antisémites.
La majorité de ces délits a impliqué des pancartes, des slogans ou des expressions de haine antijuive, ont noté les forces de l’ordre.
Le vice-commissaire de la police métropolitaine, Matt Twist, a indiqué aux médias britanniques que ses hommes étaient déployés pour faire respecter la loi, pendant les marches, « sans crainte et sans faire de faveur », tout en faisant remarquer que ces rassemblements « sont une cause d’inquiétude et d’incertitude particulières pour les communautés juives ».
Le haut-responsable a toutefois noté que le mouvement de protestation n’avait pas atteint le seuil où il pourrait être considéré comme présentant le risque d’entraîner « des troubles à l’ordre public sérieux. » Si les défilés palestiniens ont été largement pacifiques, un responsable britannique de l’antiterrorisme avait estimé, le mois dernier, qu’ils transformaient des rues de Londres en « une zone interdite aux Juifs ».
Des manifestants ont par ailleurs glorifié le Hamas lors de ces marches, et des actes et slogans antisémites ont été signalés.
Les Juifs britanniques disent avoir été victimes de violences verbales de la part des soutiens pro-palestiniens, depuis le 7 octobre. Des incidents de violences physiques ont également été enregistrés.