Nemmouche devant 4 anciens otages français de l’Etat islamique en Syrie
Les témoignages ont été réclamés par l'accusation et les organisations juives, partie civile au procès, pour éclairer la personnalité de l'accusé et ce qu'il a fait en Syrie
D’anciens otages français du groupe Etat islamique en Syrie ayant reconnu Mehdi Nemmouche comme un de leurs geôliers sont attendus jeudi au procès du jihadiste pour la tuerie du Musée juif de Bruxelles en 2014, des témoignages qui pourraient encore fragiliser sa défense – déjà très mal en point.
Sont cités comme témoins devant les assises à partir de 09h00 (08h00 GMT) Didier François, Nicolas Hénin, Edouard Elias et Pierre Torres, tous journalistes enlevés puis séquestrés à Alep (nord de la Syrie) entre juin 2013 et avril 2014.
Seuls MM. Hénin et François ont confirmé leur venue auprès des magistrats belges. La présence des deux autres est incertaine.
Les quatre témoignages ont été réclamés par l’accusation et l’avocate d’un collectif d’organisations juives partie civile au procès, afin d’éclairer la personnalité de l’accusé et ce qu’il a fait en Syrie entre janvier 2013 et février 2014.
De leur côté, les avocats de Mehdi Nemmouche ont dénoncé « une manœuvre », « un procès dans le procès », alors que la séquestration fait l’objet d’une procédure distincte en France, dans laquelle le jihadiste a été inculpé fin 2017.
Les témoignages interviennent à un moment où la défense est fragilisée. Les experts se sont succédé à la barre pour battre en brèche les doutes concernant les preuves, soulevés par les conseils de Nemmouche (ADN sur la porte du musée, empreintes sur les armes, etc).
Un expert du jihadisme a estimé mercredi que le groupe Etat islamique (EI) n’avait « pas intérêt » en mai 2014 à revendiquer la tuerie du musée juif de Bruxelles car il n’était pas encore dans une logique de guerre avec les Occidentaux en zone irako-syrienne.
Le 1er février, la cour d’assises a visionné pendant de longues heures les vidéos de l’accusé en garde à vue après son arrestation à Marseille six jours après la tuerie.
Elles montrent un homme goguenard, arrogant avec les enquêteurs, une image ne collant pas du tout avec celle d’un suspect « accusé à tort », a souligné l’accusation.
Car le jihadiste de 33 ans, un délinquant multirécidiviste radicalisé en prison, nie le quadruple assassinat qu’il est accusé d’avoir perpétré au Musée juif le 24 mai 2014, peu après son retour de Syrie.
Au cours de l’enquête sur la séquestration d’Alep, trois des quatre journalistes l’ayant reconnu ont brossé le portrait d’un gardien « autoritaire », « violent », voire « tortionnaire » de prisonniers.
« Il rêvait des assises »
« Je n’oublierai jamais sa capacité de violence et sa capacité de danger », s’est souvenu à la radio Europe 1 Didier François le 10 janvier, jour de l’ouverture du procès bruxellois.
Mehdi Nemmouche « s’amusait à nous écraser les ongles avec une pince en acier », a-t-il confié. « Mais ce n’était rien à côté de ce qui se passait pour les prisonniers syriens qui, eux, étaient vraiment torturés, enchaînés », a-t-il ajouté.
Pour le journaliste, le jihadiste « faisait partie des gardes francophones de la police islamique de Daech » (acronyme arabe de l’Etat islamique). L’intéressé a toujours refusé de s’expliquer sur ce séjour en Syrie.
Aux yeux de Michèle Hirsch, avocate des organisations juives, le témoignage des otages est « extrêmement important » pour que magistrats et jurés comprennent ce qui a pu motiver le tueur présumé du Musée juif. Et quelle a été l’influence de Mohamed Merah, « son idole » d’après l’avocate.
En 2012, Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Gabriel Sandler, Aryeh Sandler, Myriam Monsonégo et Jonathan Sandler ont été tués entre le 11 et le 19 mars par Mohamed Merah.
Devant ses otages français, l’année suivante, Mehdi Nemmouche évoque ces crimes avec admiration, a-t-il été rapporté aux enquêteurs.
S’exprimant peu publiquement sur cette détention, Nicolas Hénin a raconté avoir été « maltraité » par Nemmouche, désigné comme « Abou Omar le cogneur », lorsqu’il était retenu dans un hôpital d’Alep transformé en prison par l’Etat islamique.
Au début de l’enquête, cet ex-reporter de guerre (désormais reconverti dans le conseil sur la lutte antiterroriste) avait précisé avoir été, avec ses confrères, « en contact » avec le jihadiste « de juillet à décembre 2013 ».
Il a aussi assuré que Nemmouche « voulait être reconnu et rêvait des assises ». « Il disait ‘Lorsque je serai sur le banc des accusés, vous viendrez témoigner' », a relevé un autre otage.