Netanyahu a choisi la normalisation plutôt que l’annexion
Ce Premier ministre, qui a tant divisé notre démocratie, a admirablement agi en faisant la paix avec les EAU, et s'inscrit sur une très courte liste, aux côtés de Begin et Rabin
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

À la différence des deux précédents accords de paix d’Israël, l’accord annoncé jeudi avec les Émirats arabes unis ne supprime pas de l’équation régionale un voisin direct ayant une implication passée dans des guerres provoquées dans le but de nous détruire. Il ne comporte pas un adversaire de grande taille, peuplé ou surtout militairement puissant.
Mais son importance est néanmoins profonde, et il était légitime pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, détaillant l’accord aux Israéliens jeudi soir, de s’ajouter à la courte liste des Premiers ministres israéliens qui ont élargi le cercle de paix d’Israël : Begin (1979, Égypte), Rabin (1994, Jordanie), Netanyahu (2020, Émirats arabes unis).
À son habitude, le Premier ministre tente de gagner sur tous les fronts. Il salue l’accord qu’il a conclu avec le prince héritier Mohammed Ben Zayed pour la normalisation complète des relations, tout en insistant simultanément sur le fait que la contrepartie – « Israël suspendra sa déclaration de souveraineté sur les domaines définis par la Vision du Président pour la Paix », comme indiqué jeudi dans une déclaration conjointe des États-Unis, d’Israël et des Émirats arabes unis – n’a aucune signification à long-terme. L’extension de la souveraineté aux 30 % de la Cisjordanie alloués à Israël dans le cadre du plan de paix du gouvernement de Trump de janvier « reste sur la table », a déclaré Netanyahu. Le président Donald Trump a simplement demandé un « arrêt temporaire » de cette décision dans le cadre de l’accord avec les Émirats arabes unis, a-t-il ajouté. « Il n’y a pas de changement dans mon plan … c’est moi qui l’ai mis sur la table … Je n’ai pas retiré la souveraineté de la table », a-t-il martelé, avec l’insistance désolée de celui qui proteste trop, si je puis me permettre.

Le président américain lui-même contredit cette position, déclarant lors de sa propre conférence de presse, interrogé sur le plan unilatéral d’annexion de Netanyahu, qu’« Israël a accepté de ne pas faire cela. Plus que simplement rayé de l’ordre du jour, ils ont accepté de ne pas le faire, et je pense que c’était très important et je pense que c’était une grande concession de la part d’Israël… » Avant que lui et l’ambassadeur en Israël David Friedman ne reviennent à la formulation spécifique de l’accord, et soulignent que le terme « suspendre » soit utilisé. « Je ne peux pas parler du futur », a conclu Trump.
Et, en effet, qui le pourrait ?
Mais l’essentiel, c’est que l’annexion est suspendue et la normalisation des rapports est au goût du jour.
Netanyahu tente naturellement d’atténuer les dégâts que cette simple équation fait à sa base pro-annexion. Pourtant, le fait est que le Premier ministre avait le choix – appliquer la souveraineté à des morceaux bibliques de la Judée-Samarie, au prix de l’aliénation des alliés d’Israël et de l’autonomisation de ses ennemis; ou abandonner ce pari unilatéral et travailler avec l’administration américaine pour renforcer la reconnaissance régionale de l’État juif.
Il a choisi ce dernier. Et il devrait en être félicité.
Pas le « deal du siècle »
L’accord Israël-Émirats arabes unis n’est pas « l’accord du siècle ». Il n’est même pas tout à fait clair qu’il s’agisse d’un accord pour l’instant. La déclaration conjointe déclare que le président américain, le Premier ministre israélien et le prince héritier des Émirats arabes unis « ont accepté l’entière normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis ». Mais une cérémonie de signature officielle, a déclaré Trump, devra avoir lieu, probablement dans les trois semaines.
En supposant que le processus soit correctement achevé, il est naturel de penser que d’autres États de la région suivront ; Bahreïn, Oman, le Soudan et le Maroc ont tous été mentionnés. Jared Kushner, conseiller principal et gendre de Trump, a déclaré vendredi que des relations officielles avec l’Arabie saoudite, une victoire incontestable, étaient désormais inévitables. « Je pense qu’il est inévitable que l’Arabie saoudite et Israël aient des relations entièrement normalisées et qu’ils puissent faire beaucoup de choses ensemble », a-t-il prédit. Vraisemblablement, il connait le futur.

Cependant, même une précipitation vertigineuse d’alliances avec Israël de tous ces pays ne constituerait toujours pas la « paix au Moyen-Orient » que Trump a déclaré être en cours. La vision que le président avait dévoilée à la Maison Blanche en janvier était centrée sur le conflit israélo-palestinien. Et les Palestiniens – l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas basée en Cisjordanie, et le groupe terroriste du Hamas au pouvoir à Gaza, ont rapidement dénoncé l’acceptation d’Israël par les EAU comme une trahison méprisable.
De toute évidence, imperturbable par le fait que l’Autorité palestinienne n’ait aucune relation avec son administration depuis qu’il a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et transféré l’ambassade américaine, Trump a néanmoins affirmé que les Palestiniens « veulent vraiment faire partie de ce que nous faisons. Et je vois, finalement… la paix entre Israël et les Palestiniens. Je vois cela arriver. Je pense que lorsque ces pays très grands, puissants et riches entreront, je pense que les Palestiniens suivront, tout naturellement. »
Abbas fait tout pour suggérer qu’une telle confiance et un tel optimisme sont erronés. S’associant à l’Iran et à la Turquie, il montre toute sa détermination à résister aux exhortations des EAU à faire usage de la suspension de l’annexion pour engager des pourparlers.

Lors de sa conférence de presse de jeudi, Kushner a précisé que l’acceptation par Netanyahu d’une « solution à deux États avec les Palestiniens » et de la carte conceptuelle de la vision américaine sur l’attribution du territoire avait joué un rôle essentiel pour persuader les EAU et d’autres partenaires potentiels pour la paix « qu’Israël tenait vraiment à aller de l’avant et à faire la paix ».
En revanche, affirme-t-il, les acteurs régionaux étaient consternés par le rejet catégorique du plan américain par les Palestiniens.
Au lendemain du dévoilement de son plan en janvier, le gouvernement de Trump a souligné à plusieurs reprises que ses dispositions n’étaient pas gravées dans le marbre et a exhorté les Palestiniens à s’y engager. Ils ont refusé. Le choix de Netanyahu – la suspension de l’annexion et la reconnaissance mutuelle – garde cette option ouverte. Encore une fois, ils le rejettent.
Que se passe-t-il ensuite
Ce qui va se passer ne risque pas d’être ennuyeux. L’accord avec les EAU pourrait déboucher sur d’autres dans la région. Il plonge déjà Netanyahu dans une lutte politique interne avec son propre camp. Face à ce rejet persistant des Palestiniens, il est peu probable qu’un « accord du siècle » aboutisse de sitôt, et pourrait au contraire provoquer l’instabilité et violences dans les territoires palestiniens.
Mais Netanyahu a manifestement déjà pris une décision stratégique. Même jeudi, craignant désaccords et divisions au sein de son électorat, Netanyahu a refusé d’approuver une solution à deux États. « Vous pouvez le définir comme un État Palestinien », a-t-il dit. « Je ne le définis pas. » Mais il a également pris soin de ne pas l’exclure. « Ce qui compte, c’est l’essence », a-t-il déclaré.
Ce Premier ministre controversé, qui délégitimise régulièrement les Arabes israéliens, qui a soutenu les kahanistes d’Otzma Yehudit, qui s’attaque à notre démocratie en alléguant que les médias, la police et les procureurs de l’État l’accusent à tort de corruption dans le cadre d’une tentative de coup d’État politique … ce même Premier ministre a agi fermement et dans les intérêts fondamentaux de l’État en allant de l’avant avec ce qu’il appelle un véritable accord de « paix pour la paix » avec les Émirats arabes unis, mais qui est également un compromis officiel de non-annexion.
« Après des années d’efforts, de rêves et d’action », a-t-il déclaré jeudi, « j’ai eu l’immense privilège d’établir le troisième accord de paix entre Israël et un État arabe – les Émirats arabes unis… J’ai toujours cru que c’était possible. Il y aura d’autres États arabes et musulmans qui rejoindront avec nous le cercle de la paix. »
Netanyahu n’a pas changé ses positions politiques, ni réviser sa stratégie diplomatique. Tout en citant Begin et Rabin, il a affirmé que cet accord, son accord, marque l’ouverture d’une nouvelle solution – « la paix contre la paix », par opposition probablement, aux équations terre contre paix de l’accord égyptien ou des efforts sans succès de Rabin avec les Palestiniens. « Une paix basée sur une coopération économique fructueuse et un réel respect mutuel », a-t-il expliqué.
Mais Netanyahu a néanmoins fait un compromis. Et c’est très bien.
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