« Netanyahu a empêché un accord sur les otages », accuse l’ex-porte-parole du Forum des familles
Selon Haim Rubinstein, Israël a rejeté l'offre du Hamas de libérer tous les civils si Tsahal n'entrait pas à Gaza ; il dénonce l'ingérence politique présumée du Premier ministre
Dans la matinée du samedi 7 octobre, Haïm Rubinstein a entendu des sirènes retentir depuis son domicile à Tel Aviv. Il a allumé la télévision et a vu des terroristes du Hamas sortir d’une camionnette blanche à Sderot, il a ensuite suivi des images diffusées sur les réseaux sociaux montrant des Israéliens kidnappés et emmenés dans la bande de Gaza.
Rubinstein a immédiatement réalisé que ces événements étaient sans précédent et qu’il fallait agir de toute urgence.
Il a vu les images des premiers otages emmenés à pied, dans des camionnettes et sur des motos, dont celle de Noa Argamani, kidnappée au festival de musique Supernova près du kibboutz Reim et emmenée à moto alors qu’elle appelait à l’aide, tandis que son petit ami, Avinatan Or, était lui aussi enlevé à pied par les terroristes.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Rubinstein, 35 ans, un conseiller médiatique expérimenté qui a été porte-parole de l’ancien député de Yesh Atid, Ofer Shelah, et membre de l’équipe médiatique du parti pendant quatre campagnes électorales, a dit à sa compagne Roni : « Il faut que je bouge ».
« La première chose que j’ai faite a été de prendre le téléphone quelques minutes après 8 heures du matin pour dire à mes clients que j’avais décidé de prendre un congé pour aider les familles des otages », a confié Rubinstein à Zman Yisrael, le site en hébreu du Times of Israel, lors d’une interview cette semaine.
Le jour même où les terroristes du Hamas ont tué près de 1 200 personnes en Israël et pris 253 otages à Gaza, Rubinstein et son partenaire se sont mis à rassembler les noms des otages qui avaient été identifiés dans les bulletins d’information et sur les réseaux sociaux. À la fin de ce samedi meurtrier, ils avaient déjà recueilli 70 noms.
Le lendemain, dimanche, Haim Rubinstein a rencontré des proches des personnes enlevées, dont Moshe Or, le frère d’Avinatan.
« Moshe m’a dit quelque chose qui me revient encore aux oreilles aujourd’hui », se souvient Rubinstein. « Il a dit : ‘Nous n’avons besoin de rien. Ils seront de retour dans deux jours.’ Je lui ai dit que je ne pensais pas que ce serait le cas ».
À la fin de la journée, Rubinstein disposait d’une première liste de près de 250 otages et personnes disparues. Il a également dressé une liste de leurs proches afin de pouvoir rester en contact avec eux.
En l’espace de quelques jours, cette initiative privée a pris de l’ampleur et est devenue le Forum des familles d’otages et de disparus. Rubinstein a assumé le rôle de porte-parole du Forum.
« Lors de la première réunion avec les familles, plusieurs proches étaient en état de choc et peinaient à accepter le fait que leurs enfants avaient été kidnappés », se souvient Rubinstein. « Je leur ai promis de leur fournir tout ce dont ils avaient besoin d’un point de vue organisationnel afin qu’ils puissent se consacrer à la lutte pour obtenir la libération rapide de leurs enfants. »
« Les gens me posaient toutes sortes de questions. L’un des parents m’a montré une vidéo publiée par le Hamas sur laquelle on voyait des otages, mais elle était floue et ils n’arrivaient pas à déterminer s’il s’agissait de leur fille ; ils ont donc demandé à un professionnel de nettoyer l’image ».
Le mois dernier, Rubinstein a démissionné de son poste de porte-parole du Forum. C’est la première fois depuis qu’il accepte de partager son expérience de près de six mois et d’expliquer pourquoi il s’est senti obligé de quitter le Forum qu’il avait cofondé.
L’entretien qui suit a été traduit et édité.
Les familles dont les fils et les filles ont été pris en otage alors qu’ils servaient dans Tsahal ont-elles été informées par l’armée ?
« Dans les premiers jours, ces familles ne savaient pas vers qui se tourner. Tsahal n’était pas préparé, et il a fallu deux semaines pour que certaines familles soient informées par des parties habilitées par le gouvernement. »
« Nous avons commencé à collecter de manière indépendante des informations sur chaque otage et nous avons créé un site web ».
Le 8 octobre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait nommé Hirsch pour agir en tant que coordinateur entre les familles et le gouvernement. Avez-vous travaillé avec Gal Hirsch ou avec le bureau du Premier ministre ?
Selon Rubinstein, l’équipe de Hirsch ne disposait pas à l’époque d’informations complètes sur le nombre d’otages.
« Gal Hirsch n’a commencé à être fonctionnel qu’au bout de deux ou trois semaines. Jusque-là, il n’y avait personne à qui parler. Je ne sais pas quelle a été sa contribution. Pour autant que je sache, il s’est contenté de tenir le micro lors des réunions avec les familles. Il leur a dit qu’elles ne devaient pas organiser de manifestations [pour réclamer la libération de leurs proches].
« Il faut comprendre que Netanyahu a mis en place l’équipe de Hirsch parce que le bureau du Premier ministre ne voulait pas qu’il y ait un organisme externe qui critique le gouvernement pour sa conduite autour des otages. »
Qui avez-vous rencontré pour faire avancer la question de la libération des otages ?
« Le premier responsable que nous avons rencontré a été le président Isaac Herzog. C’était le 10 octobre. À l’époque, le bilan de l’attaque était de 400 morts seulement. Nous lui avons demandé d’user de son influence pour que quelqu’un au sein du gouvernement s’occupe des familles ».
Quand le Premier ministre a-t-il rencontré les familles des otages pour la première fois ?
« Le 15 octobre. Jusque-là, il n’y avait pas eu de rencontre avec lui ou avec qui que ce soit en son nom.
Avez-vous eu l’impression que le gouvernement vous ignorait ?
« Absolument. Les familles des otages n’ont pas été informées ni par le gouvernement ni par un représentant de Tsahal que Tsahal était sur le point de lancer une offensive terrestre dans la bande de Gaza. Nous n’avons pas compris pourquoi les familles n’avaient pas été informées des conséquences que cela aurait pu avoir pour elles. »
Comment avez-vous géré cette situation ?
« Ce jour-là, le 26 octobre, j’ai appelé les familles à venir sur la place des otages à Tel Aviv. Lors du rassemblement, nous avons réclamé que le Premier ministre et le ministre de la Défense rencontrent les familles, mais nous n’avons reçu aucune réponse ni du bureau de Netanyahu, ni de celui de Yoav Gallant.
« C’est alors que nous avons dit que si nous n’obtenions pas de réponse immédiatement, les familles camperaient devant le quartier général de Tsahal à Tel Aviv. »
« Suite à cela, Gallant a promis dans un communiqué de rencontrer les familles le lendemain. Nous lui avons dit que nous ne voulions pas attendre. Le soir même, le bureau de Netanyahu a annoncé qu’il rencontrerait les représentants des familles. »
Comment était l’atmosphère ?
« Nous avons quitté la réunion très déçus car Netanyahu a parlé du démantèlement du Hamas comme objectif de la guerre. Il n’a fait aucune promesse concernant les otages. Il s’est contenté de dire qu’une opération militaire à Gaza était nécessaire pour obtenir la libération des otages ».
« Nous avons appris par la suite que le Hamas avait proposé le 9 ou le 10 octobre de libérer tous les otages civils à condition que Tsahal n’entre pas dans la bande de Gaza, proposition qui a été rejetée par le gouvernement ».
Cinq jours après le début de la guerre, le parti d’opposition centriste HaMahane HaMamlahti a rejoint le gouvernement d’urgence, son chef Gantz obtenant une place dans le cabinet de guerre composé de trois membres et Eisenkot devenant observateur au sein du comité clé de prise de décision. Gantz et Eisenkot sont tous deux d’anciens chefs d’état-major de Tsahal.
Benny Gantz et Gadi Eisenkot ont-ils soutenu vos efforts ou n’ont-ils pas été actifs sur ce front ?
« Nous étions en contact permanent avec eux. Chaque fois que nous avons demandé à les rencontrer, ils ont accepté. Ils ont fait pression sur Netanyahu pour qu’un accord soit trouvé, mais Netanyahu les a mis sur la touche. Les familles continuent d’exhorter Gantz à ne pas quitter le gouvernement, une demande qui fait écho à celles d’un nombre croissant de détracteurs du gouvernement. »
Rubinstein a indiqué qu’il ne doutait pas un instant que la marche de protestation qu’il avait organisée vers Jérusalem avait été à l’origine de l’accord de novembre, aux termes duquel plus de 100 femmes et enfants ont été libérés en échange d’une trêve d’une semaine et de la libération par Israël de femmes et de mineurs palestiniens emprisonnés pour des raisons de sécurité.
Comment se fait-il que le premier accord sur les otages ait été relativement rapide (53 jours depuis le début de la guerre), alors que le second est repoussé depuis plus de 200 jours ?
« La raison principale est le refus du Premier ministre. D’une part, Netanyahu a dit aux familles que le prix – probablement la libération d’innombrables terroristes palestiniens – n’était pas un facteur. Mais d’un autre côté, il s’accroche à toutes sortes d’excuses sécuritaires pour empêcher un accord. »
Comment expliquer le manque manifeste d’efforts de la part de Netanyahu pour ramener les otages à la maison ?
« La raison principale est un conflit d’intérêts. Il sait que dès que les otages seront libérés, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir quitteront le gouvernement au motif que le prix était trop élevé ».
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, chef du parti HaTzionout HaDatit, et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, chef du parti Otzma Yehudit, sont les principaux dirigeants d’extrême droite de la coalition de Netanyahu et ont fait pression en faveur d’une action militaire plus forte à Gaza.
« Il ne fait aucun doute que c’est Netanyahu qui empêche la conclusion d’un accord. Netanyahu sait que s’il va aux élections maintenant, il ne pourra pas former un nouveau gouvernement, et il est motivé par de froides considérations politiques. »
Êtes-vous d’accord avec ceux qui affirment que chaque jour qui passe réduit les chances de voir les otages rentrer chez eux ?
« C’est malheureusement pire que cela. Ce n’est plus une question de temps, il est déjà trop tard. De nombreux otages, même ceux qui reviendront vivants, auront besoin d’une rééducation très complexe parce qu’ils auront été retenus en captivité et soumis à des conditions effroyables pendant de nombreux mois. »
Pourquoi avez-vous démissionné de votre poste de porte-parole des familles, un rôle que vous avez défini comme le projet de votre vie ?
« Après cinq mois de travail 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour les familles, ma propre famille avait besoin de moi. Il y avait aussi d’autres raisons, comme l’ingérence du cabinet du Premier ministre dans le Forum des familles d’otages et de disparus, dans le but de diviser [les familles]. »
Si certaines familles ont ouvertement appelé Netanyahu et son gouvernement à démissionner, d’autres familles ont rejeté ces demandes. Rubinstein a réfuté les accusations selon lesquelles la cause des familles d’otages avait été « politisée » : « C’est le contraire qui est vrai : les collaborateurs de Netanyahu ont été les seuls à la politiser ».
Est-il exact que des menaces ont également été proférées à votre encontre ?
« C’est exact. Il y a eu des menaces pour ternir mon nom, mais ce n’est pas le moment d’en parler. Pour l’instant, il faut se concentrer sur le retour des 133 otages qui pourrissent dans les tunnels du Hamas. »
–
En réponse aux propos de Rubinstein, le bureau du Premier ministre a déclaré que « le Premier ministre, ainsi que les responsables de la sécurité et de la diplomatie, travaillent 24 heures sur 24 et font tout leur possible pour ramener les otages à la maison ».
Le bureau de Gal Hirsch a commenté : « Hirsch a été nommé par le Premier ministre le jour suivant le déclenchement de la guerre. Le dispositif qu’il a mis en place est devenu opérationnel dès la première semaine de la guerre et n’a cessé de se développer et de s’améliorer jour après jour. »
« L’équipe responsable de la libération des otages travaille en continu et en coordination avec tous les organes de sécurité, les ministères et les responsables internationaux, et cette action se poursuivra afin de restituer les otages et d’aider leurs familles dans les moments les plus sombres ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel