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AnalyseIsraël se rapproche d'un 4e scrutin

Netanyahu et Gantz négocient comme si le temps était de leur côté – et du nôtre

Alors que le mandat de Gantz a pris fin, aucune mention n’a été faite de part et d'autre au sujet de l'urgence virale qui les aurait poussés à rechercher l'unité

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avant un discours depuis son bureau de Jérusalem, le samedi 14 mars 2020, dans lequel il annoncerait la fermeture des restaurants et des lieux de divertissement en Israël afin de contenir la propagation du coronavirus. (Crédit : Gali Tibbon / Pool via AP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avant un discours depuis son bureau de Jérusalem, le samedi 14 mars 2020, dans lequel il annoncerait la fermeture des restaurants et des lieux de divertissement en Israël afin de contenir la propagation du coronavirus. (Crédit : Gali Tibbon / Pool via AP)

Les pourparlers d’unité entre le Likud et Kakhol lavan n’ont pas permis d’aboutir à un accord avant la date limite, fixée à hier minuit. Ainsi, Israël semble se diriger un peu plus vers un quatrième scrutin.

Le « mandat » du président de la Knesset, Benny Gantz, en tant que Premier ministre désigné, a expiré à minuit, et le président Reuven Rivlin, à moins d’un revirement de dernière minute ce jeudi, déclenchera le compte à rebours de 21 jours demandant à la 23e Knesset de former un gouvernement avant qu’elle ne soit automatiquement dissoute – à la date du 7 mai – avant l’organisation de nouvelles élections.

Pourtant, la transition entre cette période lors de laquelle Gantz disposait du mandat et ces 21 jours s’est faite de façon étrangement calme et naturelle. Ni le Likud ni les négociateurs de Kakhol lavan ne sont apparus particulièrement inquiets ou agités.

En effet, Kakhol lavan a décidé de ne pas demander au président Rivlin une nouvelle prolongation – et n’a pas acquiescé aux demandes de dernière minute du Likud qui ont entravé la perspective d’un accord mercredi.

Les deux parties pensent qu’il leur reste du temps pour négocier – et elles ont raison.

Un panneau d’affichage de Benny Gantz sur une autoroute presque vide, près de Tel Aviv, le 29 mars 2020. (Crédit : AP / Ariel Schalit)

L’influence de Gantz sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne vient pas tant du mandat que lui avait remis le président, mais bien plus de son rôle de président de la Knesset, qu’il a obtenu comme condition préalable pour entamer des pourparlers d’unité avec Netanyahu.

En termes simples, même s’il parvient à former une majorité de 61 sièges et à former un gouvernement, Netanyahu ne pourra pas diriger ce gouvernement tant que le Parlement sera dirigé par l’opposition. Les votes sur le budget, les législations dont dépendent les politiques du gouvernement : tout pourrait être contrecarré par un président d’opposition.

Netanyahu ne peut pas non plus remplacer Gantz. Renvoyer le président du Parlement nécessite la voix de 90 députés – bien plus que Netanyahu ne peut espérer obtenir dans l’actuelle Knesset.

Les options de Netanyahu sont simples : conclure un accord, ou se diriger vers de nouvelles élections.

Bien sûr, la situation dans laquelle se trouve Gantz est pire. Il a le pouvoir de forcer Netanyahu à des compromis délicats, mais devra se battre concernant ses exigences politiques et les garanties qu’il obtiendra bien le mandat de Premier ministre dans 18 mois, conformément à l’accord de rotation envisagé.

Le président Reuven Rivlin (au centre), le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche), et le dirigeant de Kakhol lavan, Benny Gantz, se serrent la main lors de la cérémonie commémorative pour le défunt président Shimon Peres au cimetière du Mont Herzl à Jérusalem, le 19 septembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Netanyahu, quant à lui, pense que le temps est de son côté. Alors que les semaines passent et que son gouvernement intérimaire s’avère apparemment capable de contenir la pandémie de coronavirus, ses chances de succès lors d’une quatrième élection potentielle ne font qu’augmenter. Les sondages de cette semaine ont montré que la plupart des Israéliens, y compris certains qui ont voté lors des dernières élections pour l’évincer, sont satisfaits de sa gestion de la crise sanitaire.

Naturellement, Netanyahu peut se tromper, à la fois sur la façon dont la crise évoluera et sur l’opinion à son sujet dans trois semaines – ou dans trois mois, quand pourraient avoir lieu d’autres élections. Comme l’a déclaré mercredi un haut responsable du Likud à Zman Yisrael, le site en hébreu frère du Times of Israël, « cette crise n’a même pas commencé. C’est une crise terrible… Les gens n’ont pas encore ressenti ce que ne pas avoir de travail signifie réellement. La période de congés se termine. Combien de temps resteront-ils chez eux, sans argent, sans rien ? Tout va exploser. C’est pourquoi nous avons besoin d’un gouvernement stable dans l’immédiat, et non d’élections. »

Pourtant, que Netanyahu veuille vraiment un gouvernement d’unité – comme Gantz semble le croire – ou ne le veuille pas – comme certains négociateurs de Kakhol lavan l’ont suggéré –, le Premier ministre estime que temporiser ne peut pas faire de mal et même apporter une vision plus claire. De nombreux facteurs qui se recoupent – les sondages, les tendances économiques, le calendrier de son procès pour corruption une fois que les tribunaux auront repris leur fonctionnement normal – ne gagneront qu’en clarté qu’avec le temps.

C’est pourquoi Rivlin a annoncé lundi qu’il ne donnerait pas le mandat à Netanyahu une fois que celui de Gantz arriverait à expiration. Si Rivlin avait donné 28 jours à Netanyahu pour former un gouvernement, cela aurait signifié 28 jours de retard quasi-certain de plus, estime Rivlin.

Alors que l’échéance de mercredi approchait, il est devenu plus clair que jamais que l’idée initiale d’unité – apportée par la pandémie de coronavirus – ne motivait plus les pourparlers.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu tient une conférence de presse au bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 16 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Dans un sens, c’est une très bonne nouvelle. Au moins, en l’état actuel des choses, Netanyahu et Gantz estiment que les agences gouvernementales compétentes gèrent la crise avec efficacité – et surtout, que leurs électeurs le pensent également. Ils ont donc le temps et l’espace politique pour se battre sur des questions moins immédiates mais non moins importantes – parmi lesquelles le sort de la Cisjordanie, ou les pouvoirs accordés à la Cour suprême.

En effet, Netanyahu a tellement confiance qu’il continuera à être perçu comme un fin gestionnaire de la crise. Les deux derniers jours de pourparlers mardi et mercredi ont également éloigné ces questions d’ordre politique, pour des questions plus pointilleuses – notamment concernant son statut juridique dans 18 mois, quand il ne sera plus Premier ministre.

En vertu de décisions de justice des années 1990, les ministres visés par un acte d’accusation doivent démissionner. Ce n’est pas le cas d’un Premier ministre, contraint à démissionner seulement après sa condamnation définitive. Que se passerait-il lorsque Netanyahu quitterait son poste de Premier ministre pour le remettre à Gantz ? Le tribunal estimerait-il que son nouveau titre de « Premier ministre suppléant » lui conférerait les protections d’un Premier ministre, ou l’estimerait-il davantage comme un ministre du Cabinet contraint à démissionner ?

Ces derniers jours, Netanyahu a commencé à proposer des modifications aux lois fondamentales d’Israël afin de garantir qu’il soit protégé des procédures de corruption pendant la durée de son mandat et celui de Gantz.

Dans un sens, il s’agit là de l’essence de l’accord de Gantz avec Netanyahu depuis le début : accorder à Netanyahu l’immunité contre les poursuites en échange de postes ministériels et d’une influence démesurée sur les principales décisions politiques du prochain gouvernement. Mais Gantz veut toujours éviter de passer pour celui qui protège Netanyahu, même s’il estime que ce serait un prix à payer pour protéger la Cour suprême et le système judiciaire d’une série de réformes conservatrices.

La présidente de la Cour suprême, Esther Hayut (au centre), arrive pour une audience préliminaire sur la question de savoir si un député faisant l’objet d’une inculpation pénale peut être appelé à former une coalition, le 31 décembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

C’est sur cette question que les deux parties se trouvaient toujours en désaccord mercredi à minuit, refusant délibérément de demander une prolongation à Rivlin. Le message de chacun était clair : nous pouvons nous permettre de laisser le temps s’écouler. Le pouvez-vous ?

Et alors que l’horloge sonnait minuit, aucun n’a mentionné la pandémie.

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