Netanyahu, qui a évité cet exercice durant 10 ans, défie Gantz à un débat télé
"Nous n'aurons pas de prompteur et dirons les choses comme elles sont", suggère le Premier ministre ; son adversaire rejette cette "pirouette" destinée à faire oublier les procès
A moins de deux semaines du jour des élections et alors que les sondages montrent que le Likud et ses alliés ne font pas mieux que lors du dernier tour de scrutin en septembre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a défié mardi son adversaire, le chef de l’alliance Kakhol lavan, Benny Gantz, de participer à un débat électoral.
Cette initiative est le premier signe d’intérêt du dirigeant du Likud pour la tenue d’un débat depuis sa deuxième prise de fonction en 2009. Un tel débat, s’il devait avoir lieu, serait le premier entre deux des principaux candidats au poste de Premier ministre d’Israël en 24 ans. La dernière fois, c’était en 1996, entre Netanyahu et le Premier ministre de l’époque, Shimon Peres, une élection ensuite remportée par le Likud.
Lors d’une interview avec la Vingtième chaîne (de droite) mardi, Netanyahu a déclaré : « J’ai une proposition que quelqu’un [Gantz] ne pourrait pas refuser. Je suis prêt à venir ici, ou ailleurs – je vous invite à un débat télévisé ».
« Nous aurons un débat télévisé, nous parlerons au public, sans prompteurs… et nous dirons les choses telles qu’elles sont », a-t-il expliqué.
Gantz s’est moqué de cette proposition sur Twitter, la qualifiant de « pirouette » liée au procès imminent de Netanyahu pour corruption, qui doit commencer le 17 mars.
« Que se passe-t-il, Netanyahu ? », a-t-il écrit. Vous avez peur, maintenant qu’il y a une date pour votre contre-interrogatoire [aussi « confrontation » en hébreu], des témoins de l’accusation dans votre procès, alors vous lancez cette idée ? Le 17 mars, vous allez être jugé, mais l’État d’Israël doit aller de l’avant ».
Ces remarques font écho à la réponse de Gantz, samedi, lorsqu’il a été interrogé sur un éventuel débat dans le cadre d’une interview sur la Douzième chaîne. « Je suis prêt à tout », a-t-il répondu, ajoutant : « Je crois que le prochain débat sérieux de Netanyahu se fera avec les témoins de l’accusation lors de son procès ».
A la question de savoir si Gantz accepterait l’invitation à un débat, un porte-parole de Kakhol lavan a répondu mardi soir que le parti « ne s’occupait pas de cela le jour où [Netanyahu] est ‘convoqué par la justice' ».
La proposition de Netanyahu a trouvé un écho plus positif auprès du député Avidgor Liberman, qui a salué ce revirement.
« Bibi, je suis heureux d’entendre que vous êtes enfin disposé à avoir un débat. Je vous mets au défi de débattre avec moi – à l’endroit et au moment de votre choix », a écrit M. Liberman, dont le parti laïc de droite Yisrael Beytenu continue de détenir la clé d’une future coalition Netanyahu, selon de récents sondages.
Netanyahu se dit probablement qu’un débat lui permettra d’améliorer sa position dans les sondages. Il est largement considéré comme un orateur doué. Gantz, un ancien chef d’état-major de l’armée, est moins expérimenté dans l’art de parler en public.
PM @netanyahu challenges @gantzbe to live TV debate in what Blue and White sources say is a ploy to distract from his trial. Netanyahu, based on the advice that the frontrunner can only lose from a debate, has never felt he needed one against Gantz. He seems to now pic.twitter.com/uXvHMfGpcM
— Raoul Wootliff (@RaoulWootliff) February 18, 2020
Les débats électoraux télévisés ont été un élément essentiel des élections israéliennes entre 1977 et 1996, mais ont perdu la faveur des élus et des candidats en tête de liste qui les considéraient souvent comme un risque inutile.
Avant les élections de 2015, la Douzième chaîne (alors appelée Deuxième chaîne) a invité tous les chefs de partis à un débat. Tous ont accepté, à l’exception de Netanyahu, qui a dit qu’il « y réfléchirait », mais n’a jamais donné son accord.
Pourtant, un débat impromptu a finalement eu lieu entre le favori Netanyahu et le chef de l’Union sioniste Isaac Herzog pendant plusieurs minutes au cours d’interviews successives sur la Douzième chaîne, avec Herzog dans le studio et Netanyahu sur un grand écran derrière lui. Herzog avait fait un lapsus tristement célèbre en déclarant qu’il allait « garder Netanyahu uni », alors qu’il voulait dire « Jérusalem », provoquant beaucoup de sarcasme.
Un sondage publié lundi a montré que l’alliance centriste Kakhol lavan a augmenté son avance sur le Likud de Netanyahu, tandis qu’un autre sondage a montré que l’écart entre les deux plus grands partis se resserre. Les deux sondages prédisent le maintien de l’impasse, qui s’est traduite par deux échecs à former un gouvernement et trois élections en un an.
Le sondage de la Treizième chaîne, réalisé par le professeur Camil Fuchs et publié deux semaines avant le scrutin du 2 mars, a indiqué que Kakhol lavan remporterait 36 sièges à la Knesset, tandis que le Likud arriverait en deuxième position avec 33 sièges. L’alliance de la Liste arabe unie, composée de partis à prédominance arabe, obtiendrait 14 sièges, l’union de gauche Parti travailliste-Gesher-Meretz, 8, tandis que la droite Yamina et les partis ultra-orthodoxes Shas et Yahadout HaTorah en remporteraient sept chacun.
Le bloc complet des partis religieux et de droite soutenant Netanyahu devrait obtenir 54 des 120 sièges de la Knesset, tandis que le bloc de centre-gauche dirigé par Gantz en aurait 58 – incluant la Liste arabe unie principalement arabe, qui a déclaré qu’elle ne soutiendrait pas un gouvernement Gantz. Le parti Yisrael Beytenu du faiseur de roi Liberman obtiendrait 8 sièges selon le sondage télévisé, soit assez pour faire passer chaque camp au-dessus des 61 sièges nécessaires.
Un autre sondage publié lundi par le site d’information Walla a également prédit la poursuite de l’impasse, avec le bloc religieux de droite à 56 sièges – 33 pour le Likud, 8 chacun pour le Shas et Yahadout HaTorah, et 7 pour Yamina – et le bloc de centre gauche à 44 – Kakhol lavan à 34 et Parti travailliste-Gesher-Meretz à 10 – avec Yisrael Beytenu à 7 et la Liste arabe unie à 13.
Les deux précédentes élections, en avril et en septembre, n’ont pas permis de sortir de l’impasse politique entre les blocs dirigés par Netanyahu et Gantz. Les tentatives du chef du Likud et du président de Kakhol lavan pour former un gouvernement d’union des deux plus grands partis ont également échoué.
Dimanche, les partis de droite et religieux ont renouvelé leur engagement à soutenir Netanyahu en tant que Premier ministre, ce qui fait craindre que les élections à venir ne mettront toujours pas fin à l’impasse politique.
Raoul Wootliff a contribué à cet article.