New York : les Juifs réformés manifestent contre le gouvernement Netanyahu
Des groupes juifs ont manifesté devant le consulat d'Israël à Manhattan en signe de solidarité avec les manifestations en Israël
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – Environ 200 manifestants opposés à la réforme du système judiciaire du gouvernement Netanyahu se sont rassemblés mardi devant le consulat d’Israël à New York, en signe de solidarité avec les manifestants en Israël et pour envoyer un message au gouvernement israélien et aux groupes juifs américains.
La foule, qui s’est également élevée contre les projets d’expansion de la présence juive en Cisjordanie, s’est rassemblée sous une pluie fine dans le centre de Manhattan, arborant des drapeaux israéliens et des pancartes en anglais, hébreu et arabe avec des slogans tels que « Pas de démocratie avec l’occupation », « Démocratie pour tous » et « On résiste aux tyrans depuis Pharaon ». Les organisateurs ont entrainé les manifestants dans des chants religieux ; les participants conversaient en anglais et en hébreu.
Le rassemblement était organisé par le Progressive Israel Network, une alliance de douze organisations qui défendent les droits de l’Homme en Israël et dans les territoires palestiniens. Le groupe comprend les principales organisations juives de gauche Truah, J Street, Americans for Peace Now, le New Israel Fund et le New York Jewish Agenda.
« Nous faisons cela en solidarité avec les Israéliens qui descendent dans les rues depuis près de deux mois », a déclaré la directrice de Truah, la rabbin Jill Jacobs.
« Nous voyons en ce moment qu’il y a un gouvernement extrémiste en Israël qui prend des mesures sans précédent qui auront un impact dangereux et à très long-terme sur la démocratie israélienne », a déclaré Jacobs au Times of Israel.
La manifestation a eu lieu à la suite d’une rare déclaration des Fédérations juives d’Amérique du Nord (JFNA) appelant à supprimer une partie des propositions de la refonte judiciaire poursuivie par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, soulignant la consternation des Juifs de la Diaspora face à la poussée législative de droite. Les détracteurs de cette initiative estiment qu’elle supprimera les freins et contrepoids sur lesquels repose le système de gouvernance démocratique d’Israël, mais ses partisans rétorquent qu’elle imposera les limites nécessaires aux pouvoirs judiciaires illimités.
Selon Jill Jacobs, les manifestants ont cherché à montrer au gouvernement israélien l’ampleur de l’opposition aux mesures prises par les Juifs américains, et à montrer aux groupes juifs américains traditionnels qui ont été réticents à s’exprimer qu’il y a des Juifs américains qui veulent plus d’action contre les plans de la coalition.
Les orateurs du rassemblement ont évoqué à plusieurs reprises le mal que, selon eux, le nouveau gouvernement fera à la démocratie israélienne, aux Palestiniens et aux relations entre les États-Unis et Israël, et ont décrié Netanyahu et ses partenaires d’extrême-droite, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir.
« Nous tirons la sonnette d’alarme parce que nous nous soucions profondément de l’État et du peuple d’Israël, qui sont notre famille, nos amis », a déclaré Jonathan Kopp de J Street à la foule. « Mais bien sûr, cette vague anti-démocratique a un impact des plus néfastes sur notre famille, nos amis et nos alliés palestiniens. »
« Être pro-Israël en 2023 signifie se tenir aux côtés des centaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue en Israël pour défendre la démocratie », a-t-il déclaré. « Être pro-Israël signifie travailler pour empêcher le cauchemar, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens, d’une annexion pure et simple et d’un conflit permanent. »
Le contrôleur de la ville de New York, Brad Lander, le plus haut responsable juif élu du gouvernement de la ville, a appelé le parti Démocrate, y compris le président américain Joe Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken, à adopter une position plus dure contre le nouveau gouvernement.
« Ils sabotent la vision d’Israël en tant qu’État juif et démocratique qui a inspiré des Juifs comme nous depuis plus d’un siècle », a déclaré Lander. « Les Démocrates qui se soucient d’Israël comme moi, mais aussi le président Joe Biden, doivent demander des comptes au gouvernement Netanyahu. »
« Le président Biden et le secrétaire Blinken doivent reconnaître que les temps ont changé. Le parti Démocrate ne peut pas continuer à suivre les lignes directrices de l’AIPAC, nous ne pouvons pas continuer à signer un chèque en blanc à un régime de plus en plus autoritaire », a déclaré Lander. « Ce soutien doit être lié au respect des règles, à l’honneur de la démocratie, à l’action démocratique et au respect des droits, et il doit y avoir des conséquences à ne pas le faire. »
Jacobs a déclaré que le nouveau gouvernement va distendre les liens entre Israël et la Diaspora, mais que la principale préoccupation est « les êtres humains réels sur le terrain qui vont maintenant vivre dans un État qui est de plus en plus une théocratie qui se dirige vers le fascisme ».
« Les plus grands perdants seront les Palestiniens qui vivent sous l’occupation et qui vont devoir faire face à une expansion croissante des avant-postes illégaux et à d’autres politiques de droite radicale », a déclaré Jacobs.
Elle a ajouté que si les groupes juifs américains réformés qui s’expriment attirent souvent une attention négative pour s’être immiscés dans les affaires internes israéliennes, les activités des organisations qui poussent la politique israélienne vers la droite, notamment le Hebron Fund, Friends of Ir David, le Kohelet Policy Forum et Ateret Cohanim, devraient être mieux connues.
« Nous devons nous tenir aux côtés de ceux qui œuvrent à la protection et au renforcement des droits des non-orthodoxes en Israël, des travailleurs israéliens et palestiniens, des femmes en Israël, de la communauté LGBTQ israélienne, et en fait de tous les habitants de ce pays », a déclaré Stuart Appelbaum, président du Jewish Labor Committee. « Nous devons nous tenir aux côtés de ceux qui s’élèvent contre la violence et la provocation, des deux côtés, et de ceux qui cherchent à résoudre le conflit israélo-palestinien avec équité, justice, dignité et sécurité. »
En Israël, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue chaque semaine pour protester contre le remaniement judiciaire du gouvernement, ce qui constitue l’une des plus grandes unités observées dans le pays depuis des années. À New York, un groupe de manifestants dirigé par des expatriés israéliens et des résidents temporaires a organisé des rassemblements hebdomadaires contre le gouvernement dans le Washington Square Park de Manhattan. Leur prochaine manifestation aura lieu dimanche à midi.
Quelques heures avant la manifestation, la JFNA a publié une lettre mettant en garde Netanyahu contre le projet de son gouvernement de légiférer sur une clause dite » dérogatoire » qui permettrait à une majorité simple de 61 sièges à la Knesset d’annuler les décisions de la Cour suprême, ce qui constitue une rupture majeure avec la politique habituelle du groupe juif américain qui consiste à se tenir à l’écart de la politique israélienne interne.
La semaine dernière, le mouvement Zionist World Mizrachi, majoritairement de droite, a appelé les partis politiques israéliens à se réunir et à négocier une refonte judiciaire, se disant « profondément alarmé et préoccupé par la division et le ton vitriolique » qui entourent les propositions actuelles de la réforme du système judiciaire. La semaine dernière également, l’Anti-Defamation League (ADL), basée aux États-Unis, a appelé à des négociations sur les reformes annoncées.