Noémie Halioua, celle par qui l’affaire Sarah Halimi a redémarré
La journaliste publie le livre retraçant le fil des événements depuis le meurtre de la sexagénaire juive jusqu'à la décision de la justice de qualifier l'acte comme antisémite
Qui se souvient des semaines passées après le meurtre de Sarah Halimi survenu dans la nuit du 3 avril 2017 et dont le souvenir traumatise toujours certains témoins ? La France est alors en peine campagne électorale, François Fillon chute, la gauche peine, Emmanuel Macron perce, et la communauté juive parisienne s’enflamme suite à la dégradation accidentelle d’une parcelle du carré juif du cimetière de Pantin.
Sur internet, le Consistoire et le Crif sont accusés de vouloir faire passer des profanations pour un accident (ce que les faits ont démontré).
C’est la première crise de complotisme aiguë de la « judéosphère » française. Un épisode qui aura son importance dans le traitement médiatique de l’affaire Sarah Halimi, explique Noémie Halioua, journaliste à l’hebdomadaire Actualité juive, qu sort ces jours-ci un livre consacré à l’affaire.
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Ainsi, jour après jour sa mort, aussi barbare fut-elle, est recouverte par des strates d’informations plus brûlantes. La marche blanche organisée rue Vaucouleurs par la communauté juive au pied de l’immeuble où habitait Sarah Halimi est à peine évoquée. La vie poursuit son cours. Et ce meurtre sombre dans l’oubli.
C’est alors que Noémie Halioua, reçoit un coup de fil de William Attal, le frère de la victime. « Il voyait le temps passer. Un mois s’était écoulé et les médias ne s’étaient toujours pas emparés de l’affaire, » explique-t-elle au Times of Israel. Une conversation qui la bouleversera à tel point que, retranscrite dans un post Facebook qui sera partagé des milliers de fois, son message trouvera un écho quasi-national.
Il éveillera une partie de l’opinion qui commença à réclamer la reconnaissance du caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi.
Après de nombreuses péripéties juridiques, le caractère antisémite du meurtre sera enfin reconnu le 27 février 2018. Durant ces 10 mois, Noémie Halioua a enquêté, parlé à la famille de la victime, à ses voisins, aux avocats, et en a tiré un livre L’affaire Sarah Halimi (éditions du Cerf) qui paraît ce vendredi.
« Les circonstances du meurtre étaient troubles, rappelle-t-elle, et la justice au début n’a pas beaucoup communiqué. La fonction d’un journaliste est justement d’aller chercher des explications dans ces situations de troubles ».
Elle se souvient du coup de téléphone de William Attal : « C’est un monsieur qui était désemparé, qui avait perdu sa sœur et qui cherchait de l’aide. Il était perdu ». Cet homme l’a émue, explique-t-elle, il l’a « touchée ». « Tout est parti d’une émotion ».
Alors en attendant de réfléchir à quelle aide concrète elle pourrait lui apporter, elle poste un message sur son compte Facebook, sans savoir que ce message même allait être l’élément déclencheur de la prise de conscience que Wiliam Attal appelait de ses voeux.
« J’ai retranscris son cri de détresse, » dit-elle simplement. Le message est devenu viral et dans un premier temps, il a permis à des gens de découvrir cet événement qu’ils ignoraient. Certains, incrédules devant la barbarie de l’acte, la pluie de coups, la défenestration, accusent alors la journaliste d’affabuler. Mais le contrat est rempli. L’onde de choc se propage désormais en dehors du seul cercle de la communauté juive parisienne. Quelques semaines plus tard, 17 personnalités dont Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter, Jacques Julliard, Marcel Gauchet ou encore Michel Onfray (et Noémie Halioua) signent un appel dans Le Figaro pour « que la vérité soit dite dans l’affaire Sarah Halimi ».
« Il y avait un malaise de parler de l’affaire Sarah Halimi, se rappelle la journaliste. Car elle remet en cause la police, les journalistes, et même le communauté juive. Comme le dit Sammy Ghozlan du BNVCA, toutes les synagogues auraient du se lever pour Sarah Halimi. Elle est passée au travers des radars, de partout ».
Halioua, après avoir demandé à plusieurs journalistes pourquoi leur gazette ne s’était pas faite l’écho de l’affaire, explique que le Crif lui-même suite à l’affaire du cimetière de Pantin demandait alors à la presse de temporiser. « A ce moment-là, le Crif faisait la chasse aux rumeurs, » rappelle la journaliste.
Pour autant, Noémie Halioua n’a pas voulu que Sarah Halimi reste éternellement assimilée à « l’image de la victime ». Sa vie fait donc l’objet d’un chapitre biographique, chroniquant les années précédant la fin tragique que lui réservera le destin.
Femme, divorcée, Sarah Halimi qui a vu ses enfants grandir s’est ensuite retrouvée seule, « très classique aujourd’hui » philosophe Halioua : « elle a donné toute sa vie à ses enfants. Elle voulait partir en Israël mais elle n’avait pas la force de le faire. Elle est représentative de beaucoup de femmes juives et non-juives aujourd’hui ».
Accompagnée de son frère, la journaliste s’est aussi rendue dans son ancienne maison de famille, à Nogent sur Marne, pour voir où elle avait grandi. « C’est un chapitre qui me tient à cœur, il s’appelle de Lucie Attal à Sarah Halimi ».
Initialement Sarah Halimi s’appelait Lucie, mais suite à un retour à la religion elle a opté pour un prénom hébraïque. « Halimi, c’est le nom de son ex-mari qu’elle a gardé pour ses enfants, pour qu’ils ne se sentent pas différents : dans le milieu orthodoxe dans lequel ils évoluent les couples divorcés sont assez rares ».
« Ce qui m’a le plus bouleversée dans cette affaire, conclut Noémie Halioua, c’est que Sarah Halimi était une femme ordinaire et seule. Personne ne l’a aidée ce soir-là, le lendemain personne n’en a parlé, c’est l’oubliée de l’histoire de l’antisémitisme en France. Et c’est tout ça qui a fait qu’une journaliste inconnue au bataillon a décidé de se battre pour elle ».
La juge d’instruction en charge de l’enquête sur le meurtre de Sarah Halimi a retenu le 27 février dernier le caractère antisémite du crime, réclamé depuis longtemps par le parquet et les parties civiles.
Ce retournement inattendu est intervenu après la deuxième audition du meurtrier Kobili Traoré, 28 ans, par la juge, et suite à une longue bataille l’opposant à Me Alex Buchinger l’un des avocats de la famille et le parquet qui réclamaient de longue date la reconnaissance du caractère antisémite du crime.
Traoré, hospitalisé depuis, a reconnu avoir roué de coups et défenestré sa voisine juive en avril 2017, au cours d’une « bouffée délirante » probablement provoquée par une forte consommation quotidienne de cannabis, selon l’expertise psychiatrique, qui a toutefois reconnu sa responsabilité pénale, et à la présence d’éléments dans son délire permettant de caractériser un acte antisémite. Kobili Traoré nie de son côté toute motivation antisémite.
La date du procès n’a pas encore été précisée.
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