Omar accuse l’AIPAC de payer des élus pour être pro-Israël, mais c’est faux
Les tweets de la législatrice démocrate véhiculent des idées reçues erronées sur le fonctionnement de l'American Israel Public Affairs Committee

WASHINGTON (JTA) – L’élue à la Chambre des représentants des États-Unis Ilhan Omar a déclenché une véritable tempête en disant sur Twitter que l’AIPAC paye les législateurs pour soutenir Israël. Les démocrates et les républicains ont tous deux sévèrement réagi, accusant la Démocrate du Minnesota d’insinuer que les Juifs utilisent leur argent pour obtenir ce qu’ils veulent.
(Lundi après-midi, elle a présenté des excuses « sans équivoque » après avoir parlé à des « alliés et collègues juifs qui m’ont fait prendre conscience de l’histoire douloureuse des tropes antisémites »).
Mais les tweets d’Omar de dimanche véhiculent également des idées reçues erronées sur le fonctionnement de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC).
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« Tout est une question de billets », avait tweeté Omar, expliquant pourquoi le leader républicain à la Chambre, le député Kevin McCarthy de Californie, a demandé que des mesures soient prises contre elle pour un tweet vieux de 7 ans aux relents antisémites pour lequel elle avait présenté des excuses à plusieurs reprises. Lorsqu’on lui avait demandé qui donnait les « billets » ou versait du liquide, Omar a répondu « l’AIPAC ! »

C’est un mensonge – l’AIPAC ne paie pas les candidats ou les politiciens.
Mais ce n’est pas tout. Voici un aperçu du fonctionnement de l’AIPAC.
L’AIPAC finance-t-elle des campagnes ?
Elle ne le fait pas, et elle ne peut pas le faire en vertu de la loi. Le « PAC » de l’AIPAC signifie Commission des affaires publiques et non pas Commission d’action politique. Mais elle pourrait cependant intervenir plus fortement dans le processus politique si elle le voulait.
Selon l’article 501(c)(4) du code des impôts, l’AIPAC est classée comme un organisme à but non lucratif de « bien-être social » par opposition à l’article 501(c)(3), un organisme de bienfaisance à but non lucratif. Cela signifie principalement que les dons à l’AIPAC ne sont pas déductibles des impôts, mais cela permettrait aussi à l’AIPAC d’avoir, selon l’IRS [Internal Revenue Service], une marge de manœuvre beaucoup plus grande que dans le cas du 501(c)(3) – tant que ces « interventions » ne constituent pas une partie majoritaire de son activité.
Certains 501(c)(4) poussent cette intervention au maximum. La National Rifle Association a clairement indiqué dans la campagne de 2016 qu’elle préférait le candidat Donald Trump. Les groupes de pression rendent régulièrement publiques des notes qui évaluent les législateurs sur leurs préoccupations.
Mais ce n’est pas le cas de l’AIPAC, qui cultive soigneusement sa bonne foi bipartisane.
Alors, de quelle manière reste-t-elle influente ?
Lors de la conférence politique annuelle de l’AIPAC, l’un des faits marquants est l’appel nominal : les plus hauts dirigeants et les leaders laïcs se rassemblent sur scène et annoncent les noms de tous les législateurs qui assistent à l’événement. L’AIPAC mobilise une armée de militants qui sont enclins à soutenir les candidats pro-israéliens par leurs votes, leur temps et leur argent.
Franchissez les grandes portes vitrées du Washington Convention Center et faites-vous inviter dans une suite privée d’un hôtel à distance de marche et, oui, les principaux donateurs de l’AIPAC collectent de l’argent pour leurs candidats favoris.

Ce n’est pas vraiment un secret : depuis le début des années 1980, l’AIPAC a au moins formé ses militants à sensibiliser des législateurs amis en faisant des dons pour leurs campagnes et en se mobilisant pour eux. Le membre du conseil d’administration de l’AIPAC qui présentera un important législateur à la conférence politique obtient ce privilège grâce à une collecte de fonds conséquente.
Donc l’AIPAC et la communauté pro-israélienne ne font qu’un ?
La ligne de démarcation entre le fait de favoriser les enjeux et celui de ne pas favoriser les candidats a toujours été ténue, et elle s’est affinée au cours des dernières années, à mesure que l’écart Congrès et les campagnes s’est creusé. L’AIPAC, en particulier, subit des pressions parce qu’au cours dela dernière décennie, la majorité des électeurs juifs américains et le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’ont pas été sur la même longueur d’onde. Alors que la plupart des Juifs soutenaient le président Barack Obama, Netanyahu ne l’a pas fait. L’inverse est vrai pour le président Donald Trump.
Et un an plus tard, en 2016, lorsque le président Trump a rompu avec le protocole et a discrédité Obama sur la tribune de l’AIPAC, ses dirigeants ont adressé le lendemain un blâme exceptionnel au candidat républicain – et des excuses à ses membres.

En outre, l’AIPAC a été confrontée à des défis de gauche et de droite. J Street, le rival pacifiste de l’AIPAC, a soutenu 88 candidats démocrates et plus de la moitié du caucus démocratique du Sénat lors des élections de mi-mandat de 2018. Le Israel American Council et Christians United for Israel peuvent tous deux être plus de droite que l’AIPAC.
L’AIPAC a-t-elle des affiliés qui financent les candidats ?
Non, bien que d’autres 501(c)(4) disposent ouvertement de comités d’action politique (PAC) affiliés : la NRA, par exemple, et J Street. Un certain nombre de PAC pro-israéliens se tournent vers l’AIPAC pour obtenir des conseils sur les mesures législatives à adopter. Les représentants de l’AIPAC, par exemple, se présentent régulièrement aux journées de lobbying de NORPAC, le plus influent des comités d’action politique pro-Israël du centre et de droite. Mais ces PAC n’ont pas d’affiliation officielle avec l’AIPAC.
Donc, si des responsables politiques veulent l’appui de l’AIPAC, ils n’ont qu’à promettre de soutenir ses causes ?
Ce n’est pas tout à fait ça non plus.
La règle n° 1 pour les donateurs affiliés à l’AIPAC est de soutenir les titulaires amis, même si le challenger est plus en accord avec l’AIPAC sur la législation. Dans un système où le taux de roulement est historiquement faible – même en ces temps tumultueux, il y avait 91 nouveaux venus à la Chambre des représentants sur 435 – il est peu logique d’aggraver la situation pour les membres du Congrès susceptibles de garder leur siège.
Il y a des exceptions, mais elles confirment souvent la règle : les « victimes » les plus notables de l’AIPAC dans les années 1980 remonte à l’épisode au cours duquel le lobby a manifesté son soutien aux opposants du sénateur Charles Percy et du représentant Paul Findley, deux républicains de l’Illinois. Tous deux ont imputé leurs défaites à l’AIPAC, mais en fait, tous deux ont été affaiblis par des controverses sans rapport. Il en a été de même pour deux démocrates vaincus en 2002, Cynthia McKinney de Géorgie et Earl Hilliard d’Alabama. L’argent de l’AIPAC a eu son influence, mais les candidats sortants se sont trouvés empêtrés dans des polémiques. McKinney, par exemple, avait laissé entendre que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 étaient un complot intérieur.
L’AIPAC n’hésite pas vraiment à s’en attribuer les mérites. A l’AIPAC, on et parfois en public lors de conférences, on plaisante sur le faiit que Findley a creusé sa propre tombe – mais si Findley veut accuser l’AIPAC, alors tant mieux.
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