Pas de communication ? Pas de parti ? Pas de problème ?
Comment Moshe Kahlon, ancien ministre et ancien membre du Likud, peut-il obtenir les voix des électeurs sans programme ?

Moshe Kahlon n’a pas de parti politique, pas de plate-forme électorale, pas de slogan, pas de porte-parole et aucun programme politique.
Mais rien de tout cela ne semble être important.
Selon les derniers sondages, avant même qu’il n’ait commencé à courtiser la nation, le futur parti de Kahlon pourrait obtenir 10 sièges, si ce n’est plus, à la Knesset.
Ce qui pourrait faire de ce parti, qui n’existe pas encore vraiment, le quatrième parti de la Knesset et ce qui signifierait que l’ancien ministre de la Communication du Likud – un ancien politicien belliciste qui a déclaré la semaine dernière qu’il serait prêt à échanger des territoires contre la paix – pourrait se retrouver en position de force après les élections.
« Il a un charisme spécial ; il transmet cette impression de crédibilité », analyse l’expert politique Abraham Diskin, un ancien professeur de l’Université hébraïque à la retraite et directeur de l’Ecole de management, du gouvernement et du droit au Centre académique Shaarei Mishpat. « C’est une personne aimable, et il a l’air d’être gentil et à cause de cela, il n’a pas été victorieux lors des primaires du Likud, et cela plus d’une fois. »
Kahlon, 54 ans, a véritablement l’air sympathique. Contrairement à d’autres politiciens israéliens, il a aussi ce côté attachant véhiculé par sa tendance à l’autodérision, comme lorsqu’il a admis qu’il ne ferait pas un bon ministre de la Défense lors d’une conférence à Tel Aviv la semaine dernière.
Vraiment, les ministres devraient avoir au « moins une petite idée » du travail qu’ils doivent faire lorsqu’ils sont en poste à un ministère, a expliqué Kahlon en riant. « Les gens doivent travailler dans leur domaine d’expertise, mon domaine de prédilection relève du social », a-t-il soutenu. Il faisait probablement allusion au poste de ministre des Finances, qu’il visait en 2012 avant de prendre la décision de ne pas briguer ce poste.
Le travail fourni par Kahlon pour ouvrir le marché de l’industrie de la téléphonie mobile à la concurrence quand il était ministre de la Communication en 2009 est reconnu et apprécié de tous.
La « révolution cellulaire », nom sous lequel sa loi est connue, a permis à des compagnies comme Rami Levy et Golan Telecom d’entrer sur le marché, entraînant la réduction des factures de téléphones portables, et a donné à Kahlon la stature d’un héros économique aux yeux des Israéliens moyens.
Il a été élu à la Knesset en 2003, où il a été vice-président du Parlement. Il est devenu ministre de la Communication en 2009, et a remplacé Isaac Herzog (travailliste) en janvier 2011 à la tête du ministère de la Santé et des Affaires sociales, où il a continué sa croisade pour les consommateurs et s’est battu contre les banques pour les obliger à faire baisser leurs tarifs.
En 2012, Kahlon a surpris l’élite politique lorsqu’il a annoncé qu’il ne se présenterait pas aux élections nationales de 2013, ni en tant que membre du Likud ni avec tout autre parti, afin de prendre une pause politique.
Mais il ne s’est jamais vraiment éloigné de l’arène politique. En avril dernier, Kahlon a annoncé qu’il reviendrait en politique, mais il n’avait pas précisé de quelle manière. Dès que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé la tenue d’élections, la semaine dernière, le nom de Kahlon a refait surface au sommet de la liste des menaces réelles pour le Likud, et même pour son chef.
« Ce qu’il se passe aujourd’hui est qu’il y a une conjonction de facteurs, positif et négatif, qui aident [Kahlon] », explique Diskin. « Le facteur négatif est la déception de toutes les personnes qui ont voté pour les partis centristes, le Likud et Habayit Hayehudi… parce que lorsque les gens sont déçus, ils recherchent quelque chose de nouveau. »
Le facteur positif, poursuit Diskin, est la réputation de Kahlon. « Tout le monde le connaît depuis la révolution cellulaire, qui n’a pas été une tâche aisée mais qui a été couronnée de succès », précise-t-il. « Lorsqu’il y a une déception ambiante et que soudain quelqu’un qui a une bonne réputation se présente, la conséquence est qu’il représente un potentiel et Kahlon a beaucoup de potentiel. »
Diskin affirme que Kahlon pourrait facilement dépasser les 10 sièges ou plus prédits par les sondages actuels pour devenir le Yesh atid de 2015, le parti miraculeux, qui en se présentant à la Knesset pour la première fois aux élections de 2013, a obtenu 19 sièges et est devenu le plus grand parti de la Knesset.
Un autre élément attractif de Kahlon est son parcours personnel et la manière dont il a surmonté la pauvreté pour devenir un homme politique reconnu.
Kahlon est le fils d’immigrants libyens, et a grandi dans un quartier difficile de Hadera. Il avait six frère et sœurs. Son frère Yaakov (Kobi) Kahlon était un conseiller de la ville de Jérusalem.
Sa famille a lutté pour s’en sortir. La mère de Kahlon avait raconté une fois au site d’informations Ynet que, parfois, elle n’avait pas assez d’œufs pour faire des sandwichs à tous ses enfants. Elle ajoutait alors de la farine et de l’eau aux œufs pour tenter de nourrir autant de personnes qu’elles pouvaient avec.
Kahlon est le seul candidat séfarade actuellement au sommet du spectre politique où se trouvent Bennett, Herzog, Lapid, Liberman, Livni et Netanyahu.
Le très bon début de Kahlon, même sans un parti politique ou une plate-forme de campagne, fait partie d’une tendance politique à la mode depuis les années 2000 avec des partis centristes qui gagnent et qui perdent leurs sièges en l’espace d’un seul cycle électoral. Un exemple pertinent de ce phénomène est le parti de Livni, Hatnua, qui a remporté six sièges aux dernières élections, mais ne sera presque certainement pas présent dans celles à venir.
« Pendant de nombreuses années, la population israélienne a été lunatique, et les gens se reconnaissent moins dans les grands partis », explique Michal Samir, une professeure en Sciences politiques de l’Université de Tel Aviv. « Ce n’est pas un phénomène restreint à Israël, ceci est vrai dans le monde entier. »
Shamir explique que les gens sont devenus, comme elle les appelle dans ses études, des « citoyens critiques », des électeurs plus indépendants et qui analysent leurs dirigeants politiques. « Ils ne votent plus pour un parti ou pour la ligne politique d’un parti », poursuit-elle.
Le système électoral israélien permet à ces nouveaux partis indépendants de s’épanouir rapidement – bien que cela soit parfois bref. Ce qui a deux conséquences : l’une positive et l’autre négative. L’aspect positif, c’est qu’il permet aux gens d’être plus impliqués et plus intéressés par leur gouvernement et par la démocratie. Cependant, un grand nombre de partis de taille moyenne, plutôt que deux ou trois grands partis forts, peut entraîner l’instabilité du gouvernement et le rendre moins efficace, tel que l’effondrement de la coalition actuelle après seulement 20 mois le démontre.
« Ce que l’on sait de Kahlon, c’est qu’il était membre du Likud, qu’il est de droite, et qu’il a révolutionné le marché de la téléphonie mobile – et c’est son ticket gagnant », explique Shamir.
Le fait que le parti de Kahlon, qui n’a pas encore de nom, ait explosé dans les sondages prouve l’immense déception que ressent la population envers le gouvernement actuel, ajoute-t-elle. « Ce problème du comportement lunatique engendre l’idée que le peuple n’est pas satisfait de nos politiciens. Si nous étions satisfaits, nous n’aurions pas besoin de ces héros, et nous n’aurions pas besoin de ces nouveaux petits partis. »
Jusqu’à présent, le succès de Kahlon a été fondé uniquement sur sa propre réputation. Alors que les rumeurs tourbillonnent sur les grands économistes, les anciens chefs de la police et d’autres qui pourraient se joindre à lui, il n’a pas encore annoncé l’existence d’autres membres de son parti.
Ses positions politiques sont également peu claires. Dans un pub vendredi, Kahlon a déclaré qu’il n’était pas opposé à l’idée de faire des concessions territoriales si elles menaient à un accord de paix avec les Palestiniens. Il s’est décrit comme étant au « centre, un peu à droite ».
« Mon point de vue est que le vrai Likud – est vraiment arrivé à protéger la Terre d’Israël. Lorsqu’il était nécessaire de faire la paix avec la plus grande nation arabe (l’Egypte), il l’a fait, et lorsqu’il a fallu faire des concessions, il a fait des compromis », a-t-il décrit à un groupe de jeunes gens présents au pub.
Les déclarations de Kahlon semblent signifier un changement dans sa position politique. Dans le passé, il était connu pour être un opposant à la création d’un Etat palestinien et au démantèlement des implantations.
Kahlon ne dispose pas encore d’un porte-parole officiel, mais un associé agissant à ce titre a refusé plusieurs demandes d’interview faites par le Times Of Israël et les autres médias.
Quelles que soient les personnes qui seront membres du parti de Kahlon, l’ancien membre du Likud aura un rôle « majeur » au prochain gouvernement, prédit Diskin. Si les résultats des élections penchent à droite avec une coalition menée par Netanyahu associée au parti de Bennett, Habayit haYehudi, Israël beytenu et les partis haredis, Netanyahu courtisera le nouveau parti de Kahlon.
« Je suis sûr que Bibi voudra une coalition aussi large que possible et Kahlon est le partenaire le plus naturel pour cela », ajoute Diskin.
« Mais si ces partis n’obtiennent pas la majorité [et que la coalition est composée de partis du centre et de la gauche], alors toutes les cartes seront entre les mains de Kahlon. »
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.
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