Pierre-François Veil dit le danger que représente la popularité d’un parti « de tradition nazie » en Allemagne
La réhabilitation du nazisme et l'explosion de l'antisémitisme ont été en partie permises par le fait que l'Europe ne parvient pas à répondre aux besoin de ses citoyens, qui "lui ont lâché la main", estime le fils de Simone Veil

« L’antisémitisme est un marqueur de régression des sociétés et d’atteintes au liberté ». C’est en ces termes que s’est exprimé cette semaine l’avocat Pierre-François Veil, fils de l’ancienne ministre, présidente du Parlement européen et rescapée de la Shoah, Simone Veil, dans un long entretien accordé au journal régional La Provence, et publié lundi 3 mars.
Après avoir brièvement remarqué que les droits de femmes, que Simone Veil a contribué à faire avancer en portant le projet de légalisation de l’avortement qu’elle a obtenue le 17 janvier 1975, étaient un marqueur de l’état d’une démocratie, Pierre-François Veil a observé qu’il en était de même de l’antisémitisme.
L’avocat a répété et fait sienne la célèbre phrase du militant anticolonialiste des années 1950 Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ». La citation est régulièrement utilisée pour montrer qu’une société où l’antisémitisme prolifère est une démocratie qui ne fonctionne pas.
« On voit bien que les réseaux sociaux jouent un rôle absolument essentiel », a affirmé l’avocat qui parle d’un effet « amplificateur » de l’antisémitisme qui découle du manque de « régulation de la parole sur ces réseaux sociaux ».
Au sujet de la progression spectaculaire du parti d’extrême-droite allemand Alternative für Deutschland (AfD), aux relents néo-nazis, Veil ne s’est pas dit « étonné » de la popularité sans précédent du parti. « C’est l’inverse qui m’aurait étonné ! L’extrême-droite gagne en Allemagne comme elle gagne malheureusement dans beaucoup de pays européens. »
« Ce qui est étonnant, c’est qu’en Allemagne on puisse avoir une telle victoire d’un parti qui se revendique quasiment ouvertement de tradition ou d’origine nazie », a-t-il poursuivi.
« Maman était à la fois lucide et optimiste. Lucide sur le fait que oui, sûrement, cela pouvait revenir ou se manifester de la même façon ou un peu différemment. Optimiste sur l’avenir, en pensant toujours qu’il pouvait être meilleur que le passé, mais lucide sur les risques inhérents à nos sociétés. »

Celui dont la mère a été une fervente défenseuse de l’Union européenne déplore qu’aujourd’hui « nos concitoyens européens ne voient pas l’Europe comme un progrès ». Et d’ajouter : « Ce que pourtant elle est, évidemment ».
« On voit bien que la France, l’Allemagne, l’Angleterre, chacun de ces pays qui composent l’Europe ne peuvent pas vivre dans le monde de géants dans lequel nous sommes aujourd’hui », a-t-il estimé avant de conclure : « On a probablement loupé quelque chose parce qu’effectivement, trop de gens dans trop de pays ont lâché la main de l’Europe ».
L’antisémitisme, l’intégration européenne, les droits des femmes. Les trois combats de la vie de Simone Veil semblent aujourd’hui connaître un revers des extrémismes.