Police : Amit Marari dénonce le « déséquilibre des pouvoirs » dans la loi de Ben Gvir
Malgré les réticences de la vice-procureure-générale, la législation passe au vote à la Knesset - avec un chef de police qui reste encore soumis à l'autorité du ministre
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
La vice-procureure générale a indiqué lundi que si le futur ministre de la police Itamar Ben Gvir semblait avoir assoupli son approche en revoyant légèrement à la baisse son ambition d’élargir son pouvoir ministériel sur la police, un déséquilibre des pouvoirs persistait malgré tout dans la législation, avec un chef de police qui restera soumis aux desiderata du ministre.
Des propos qui ont été tenus alors que Ben Gvir a présenté un nouveau projet de loi visant à élargir l’autorité ministérielle sur les responsables de la police et sur les politiques imposées aux forces de l’ordre, une condition préalable à son adhésion au gouvernement placé sous la houlette du chef du Likud, Benjamin Netanyahu, qui devra l’avoir finalisé avant mercredi minuit.
Ben Gvir, qui doit devenir ministre de la police au sein du prochain gouvernement, a assoupli certains éléments de la législation avant de la présenter une nouvelle fois en commission, au cinquième jour de débats féroces.
Et pourtant, cette nouvelle version contient encore un langage sous-jacent à une grande partie du débat en cours, établissant que « le chef de police sera placé sous l’autorité du gouvernement et subordonné au ministre ». Elle dit également que la police sera placée « sous l’autorité du gouvernement ».
La vice-procureure-générale Amit Marari a déclaré devant la commission spéciale chargée de préparer la loi qu’il restait des problèmes à régler dans le nouveau texte. « C’est une proposition qui ne crée pas l’équilibre nécessaire entre la politique du ministre et la politique de la police », a-t-elle dit.
Malgré les réticences affichées par la vice-procureure-générale, le projet de loi a été approuvé par la commission et il sera maintenant présenté à la Knesset pour la première des trois lectures qui sont nécessaires pour qu’il soit définitivement adopté.
Marari a ajouté qu’il fallait réaffirmer dans le projet de loi le caractère apolitique de la police. Ben Gvir a riposté que « soudainement, alors que je vais devenir ministre, on veut inscrire dans les règles que la police n’est pas politique et ce pour la toute première fois ».
En plus de refuser de placer une clause établissant explicitement que la police ne sera pas utilisée à des fins politiques, Ben Gvir s’est aussi opposé à l’inclusion d’une clause disant que le ministre sera lié à des contraintes légales, selon un reportage qui a été diffusé dimanche soir par la Douzième chaîne et qui n’a pas cité ses sources.
La nouvelle version du projet de loi proposé, prenant en compte les avis juridiques qui ont pu être donnés, réaffirme que le commissaire de police est l’autorité suprême de commandement des forces de l’ordre. Toutefois, il ne précise pas comment cette autorité suprême s’imposera en pratique dans la mesure où le poste sera désormais subordonné au contrôle du ministre.
Dans cette nouvelle version, Ben Gvir a renoncé à inclure des initiatives visant à changer les politiques de la police en termes d’application des lois et en matière d’enquêtes.
Ben Gvir a aussi rajouté une disposition dont l’objectif est de renforcer la transparence au niveau des régulations de la police, rendant obligatoire leur publication en ligne à l’exception de celles qui nécessitent d’être gardées secrètes.
Ces changements ont entraîné de rares éloges de la part des adversaires politiques du leader d’extrême-droite et notamment ceux d’Orna Barbivai, ministre de l’Économie du parti Yesh Atid, qui les a salués pendant le débat de commission qui a eu lieu lundi matin.
L’élargissement de l’autorité du ministre ainsi qu’une mesure distincte actuellement prévue – qui consisterait à placer la responsabilité des forces de la police des frontières qui opèrent en Cisjordanie sous le contrôle de Ben Gvir – entrent dans le cadre du renforcement du ministère de la Sécurité intérieure dont le leader d’extrême-droite devrait prendre la tête et qui sera rebaptisé pour l’occasion ministère de la Sécurité nationale.
Ben Gvir et son parti Otzma Yehudit ont remporté six sièges à la Knesset après une campagne axée sur la tolérance zéro du terrorisme et des crimes.
Le député, qui a été condamné à de multiples reprises pour soutien apporté à un groupe terroriste et pour racisme, entretient une relation tumultueuse avec la police et avec l’establishment sécuritaire en général.
Kobi Shabtai, le chef de la police israélienne, avait même accusé le chef d’Otzma Yehudit d’attiser les violences pendant les heurts entre Arabes et Juifs qui avaient éclaté dans les villes mixtes du pays au mois de mai 2021, dans le contexte plus large du conflit qui avait opposé l’État juif au groupe terroriste du Hamas dans la bande de Gaza.
Depuis le scrutin du 1er novembre qui semble avoir amené Netanyahu, Ben Gvir, et leurs alliés d’extrême-droite et religieux au pouvoir – le futur gouvernement de Netanyahu deviendrait le plus extrémiste de toute l’Histoire d’Israël – Ben Gvir et Shabtai ont fait savoir que leurs relations s’étaient améliorées.
Ce qui n’a pas empêché Shabtai de vivement dénoncer l’initiative prise par Ben Gvir d’élargir le pouvoir de son ministère sur les forces de police. Le député aurait menacé Shabtai de licenciement s’il devait ne pas accepter de se conformer aux nouvelles règles.
En plus du projet de loi sur les régulations au sein de la police, qui a avancé en première lecture à la Knesset, la future coalition devrait voter lundi un texte soutenu par le Likud qui rendra plus difficile le départ d’éventuels députés rebelles de leur faction d’origine, ainsi que des réactualisations des Lois fondamentales quasiment constitutionnelles en Israël qui permettront de répondre aux exigences de Hatzionout HaDatit et du Shas.
En condition préalable à son intégration dans le gouvernement qui devrait faire sa prestation de serment la semaine prochaine, HaTzionout HaDatit a exigé de pouvoir placer son leader, Bezalel Smotrich au ministère de la Défense, à la fonction de ministre indépendant en charge des constructions en Cisjordanie – ce qui donnerait au député d’extrême-droite un contrôle sans précédent sur le quotidien des Palestiniens et des Israéliens de Cisjordanie.
De son côté, le dirigeant du Shas, Aryeh Deri, qui est sous le coup d’une peine avec sursis suite à une condamnation pour fraude fiscale, au mois de janvier dernier, veut procéder à un changement législatif qui permettra de n’interdire toute fonction ministérielle qu’aux seuls individus condamnés à une peine de prison ferme assortie d’une charge de « turpitude morale », ce qui l’autorisera à se saisir des portefeuilles de l’Intérieur et de la Santé.
Smotrich doit aussi devenir ministre des Finances, un poste qu’il devrait céder à Deri à la moitié du mandat du gouvernement.