Pourquoi l’organisation de restitution des biens de l’Holocauste a financé ce film nominé aux Oscars
Pour la conférence Claims, aider à financer “Son of Saul” était un pari visionnaire
BERLIN (JTA) – L’action se déroule pendant un soulèvement des prisonniers d’Auschwitz en 1944. « Son of Saul » revenait de loin quand ses producteurs ont d’abord candidaté au financement de la conférence des réclamations matérielles juives contre l’Allemagne (conférence Claims).
Le directeur du film, Laszlo Nemes, n’avait pas d’expérience de long métrage, son acteur principal n’avait pas été sur un plateau de tournage depuis 15 ans, et son scénario comprenait de longs plans silencieux et flous.
Mais la conférence Claims, qui négocie la restitution de biens aux victimes des nazis, a finalement décidé d’aider à financer le film. C’est un pari qui semble maintenant visionnaire, puisque « Son of Saul » est favori pour gagner l’Oscar du meilleur film en langue étrangère le 28 février prochain.
Les ventes mondiales d’entrée du film, qui a gagné un Golden Globe et le prix du Jury à Cannes, sont supérieures à 2 millions de dollars, excédant déjà le petit budget d’1,6 million de dollars du film.
« Les gens dans le monde entier réalisent qu’ils font face à la dernière génération de survivants de l’Holocauste, donc nous sommes dans une course contre la montre pour nous raccrocher aux expériences des survivants qui sont toujours parmi nous », a déclaré à JTA Greg Schneider, vice-président de la conférence Claims.

Depuis la sortie en 1993 de « la liste de Schindler », qui a gagné l’Oscar du meilleur film, la représentation de l’Holocauste est devenue un genre important du Cinéma, au-delà du marché américain. D’autres films récompensés par des Oscars, comme « La vie est belle » (1997), « Le pianiste » (2002), « Inglourious Basterds » (2009) et « La femme au tableau », sorti l’année dernière, ont suivi.
Ces dernières années, beaucoup de réalisateurs européens ont entraîné leurs caméras sur le même thème, menant à des productions acclamées par la critique, comme « Phoenix » (Allemagne, 2014), « Ida » (Pologne, 2013), « Suskind » (Pays-Bas, 2012), et « Elle s’appelait Sarah » (France, 2010).
La conférence Claims, qui dévoue depuis 2008 une petite partie de son budget au financement de films pédagogiques sur l’Holocauste, a fourni environ 50 000 dollars au budget de « Son of Saul ». Mais même cette relativement faible contribution a été le sujet d’un « sérieux débat interne », a déclaré Schneider.
« C’est un risque qui a payé », a-t-il déclaré.

La conférence Claims reçoit environ 50 demandes de financement pour des films chaque année. Un facteur qui a aidé à conclure l’affaire avec Nemes a été la qualité d’un court-métrage sur l’Holocauste, « Avec un peu de patience », qu’il a réalisé en 2007. Un autre facteur a été l’attention méticuleuse du réalisateur à l’exactitude historique, démontrée dans le scénario de « Son of Saul ».
Bien que fictionnelle, l’intrigue utilise une toile de fond exacte pour raconter l’histoire de Saul Auslander, un membre des Sonderkommando, un groupe de juifs que les Allemands forçaient à travailler dans les chambres à gaz.
Dans le film, un Auslander impassible est montré, menant transport après transport ses frères à la mort avant de sortir de ses gonds à la vue d’un médecin nazi étouffant un garçon de 14 ans qui avait réussi à survivre au poison. Inconscient de la rébellion qui se prépare autour de lui, Auslander abuse des accès que son macabre travail lui procure afin de tenter d’enterrer l’adolescent.
« L’histoire d’Auslander est de la fiction, le reste est exact », a déclaré Schneider à JTA la semaine dernière à Berlin, où la conférence Claims organisait l’avant-première du film en Allemagne. (Les Sonderkommando d’Auschwitz ont lancé une rébellion en octobre 1944. D’autre part, deux adolescents ont été tués après avoir survécu aux chambres à gaz.)
Alors que filmer directement Auschwitz-Birkenau aurait déclenché une « pornographie de la mort », comme l’a dit Geza Rohrig, l’acteur principal, la caméra se concentre sur le Sonderkommando et le paysage, esquivant le carnage autour d’eux avec un arrière-plan flou mais omniprésent.
Bien que la conférence Claims n’ait fourni que moins de 4 % du coût total de la production de « Son of Saul », sa contribution « est intervenue dans les étapes finales de la production, quand nous manquions vraiment d’argent », a déclaré Gabor Sipos, le producteur du film.
Depuis 2008, la conférence Claims a dépensé 2,25 millions de dollars, soit 282 000 dollars par an en moyenne, pour financer des films pédagogiques sur l’Holocauste. Le budget annuel de l’organisation varie de 700 à 870 millions de dollars, la vaste majorité permettant d’améliorer la qualité de vie des survivants de l’Holocauste.
Sur les douzaines de films financés par la conférence Claims, « Son of Saul » est « de loin le plus fructueux en termes de retour sur investissement » a déclaré Schneider. C’est le premier film financé par l’organisation à gagner un Golden Globe ou à être nominé aux Oscars. Parmi les films financés par la conférence Claims, on retrouve « Numbered » (2012) et « The decent one » (2014), tous deux récompensés.
Le reste du budget de « Son of Saul » provient presqu’entièrement du fond national du film hongrois. Agnes Havas, la présidente hongroise du fond, a déclaré au Budapest Business Journal que l’attrait commercial du film en faisait « le projet le plus réussi soutenu par le fond. « Son of Saul » est également le premier nominé hongrois aux Oscars depuis 1988.

Mais le financement de la Hongrie expose aussi « Son of Saul » aux critiques de ceux qui s’opposent à la politique de droite du Premier ministre du pays, Viktor Orban, dont le gouvernement a récemment été accusé de diminuer la complicité hongroise dans l’Holocauste et de n’accuser que l’Allemagne.
« Je me demande si obtenir de l’argent de l’État hongrois est un problème pour vous, ou si vous ne vous en inquiétez pas », a demandé pendant une séance de questions réponses après une projection un spectateur critique, qui a accusé le gouvernement d’antisémitisme.
En réponse, Sipos a déclaré que les producteurs étaient « fiers du fond du film », dont ils « espèrent qu’il n’a rien à voir avec [la politique du] gouvernement hongrois ».
Il a souligné que tandis que les demandes de financement pour « Son of Saul » avaient été « rejetées par les pays qui sont vus comme les moins antisémites », comme la France, l’Allemagne et Israël, « le fond du film hongrois a décidé de nous soutenir, ce qui signifie que le film n’aurait pas existé sans leur aide ».
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