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Propos racistes et antisémites : le RN face à ses faiblesses

La défaite de l'extrême-droite s'explique en partie par l'échec de sa dédiabolisation qui se heurte aux propos de certains de ses candidats

La dirigeante du Front national (aujourd'hui Rassemblement National) Marine Le Pen assistant au congrès annuel du parti d'extrême droite dans la ville française de Lille, le 10 mars 2018. (Crédit : Philippe Huguen/AFP)
La dirigeante du Front national (aujourd'hui Rassemblement National) Marine Le Pen assistant au congrès annuel du parti d'extrême droite dans la ville française de Lille, le 10 mars 2018. (Crédit : Philippe Huguen/AFP)

Ses dirigeants mettent en cause une « alliance du déshonneur » entre la gauche et le centre droit pour lui voler la victoire. Mais l’extrême-droite française a aussi montré son impréparation au pouvoir, en présentant notamment des candidats aux sorties pour le moins douteuses.

Fort de sa victoire aux élections européennes, puis de son score historique (33%) au premier tour des législatives le 30 juin, le Rassemblement national de Marine Le Pen et ses alliés étaient donnés gagnants du scrutin au deuxième tour, même sans majorité absolue.

Mais il a terminé troisième, derrière le camp macroniste et l’alliance de gauche, arrivée première à la surprise générale.

La première et principale raison de ce revers – même si la percée de l’extrême-droite à l’Assemblée reste sans précédent en France depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale – est le « front républicain » qui a, une fois encore, fonctionné à plein. Plus de 200 candidats de gauche et de centre-droit se sont désistés mutuellement en faveur des uns ou des autres pour éviter qu’un candidat RN soit élu.

Un « barrage » dénoncé par le président du RN, Jordan Bardella, qui a fustigé dès dimanche soir une « alliance du déshonneur » visant à voler la victoire de son parti et priver les Français d’un « gouvernement de redressement ».

Le président du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) et chef de file des euro-députés, Jordan Bardella, prononçant un discours lors de la soirée de résultats du premier tour des élections législatives, à Paris, le 30 juin 2024. (Crédit : Julien De Rosa/ AFP)

Mais, au-delà du front républicain, le RN semble avoir souffert d’impréparation. Lors des débats télévisés, M. Bardella est parfois apparu vacillant sur le fond des dossiers, et les volte-face et ambiguïtés du programme de son parti ont été pointées par ses adversaires.

La campagne a par ailleurs été marquée par des dérapages retentissants, mettant à mal la stratégie de normalisation de Marine Le Pen. La fille du fondateur du parti, le sulfureux Jean-Marie Le Pen, condamné pour ses saillies antisémites et racistes, avait engagé depuis dix ans une patiente tactique de dédiabolisation.

Grisés par la victoire aux européennes

« Entre les deux tours, on a un peu assisté à l’illustration de la formule : chassez le naturel, il revient au galop », estime pour l’AFP Pierre Mathiot, professeur à Sciences Po Lille. « Après les européennes et le premier tour, ils se sont laissés griser, ont peut-être eu un sentiment de toute-puissance » et commis des erreurs.

Jordan Bardella a ainsi provoqué une grande émotion en annonçant entre les deux tours que son gouvernement interdirait une liste de postes sensibles dans la haute fonction publique aux Français binationaux.

Et le député RN Roger Chudeau – réélu dans le Loir-et-Cher – avait scandalisé en expliquant que l’ancienne Ministre socialiste de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem n’aurait pas dû accéder à ce poste en raison de sa double nationalité franco-marocaine.

Même Marine Le Pen s’était déclarée « estomaquée » par cette sortie.

« Pas les bons » choix de candidats

Sur le terrain, des dizaines de candidats ont donné une image d’incompétence, d’amateurisme, et de racisme décomplexé.

Une candidate a récusé tout racisme en se targuant d’avoir un « ophtalmologue juif » et un « dentiste musulman ». Un autre a exprimé ses « doutes » quant au caractère antisémite des propos pour lesquels Jean-Marie Le Pen avait été condamné dans les années 80. Une autre encore a accusé le gouvernement Macron de vouloir « opérer un lavage de cerveau » en distillant « la culture islamique »…

Paule Veyre de Soras. (Crédit : Capture d’écran BFM TV)

Les réseaux sociaux ont fait leur miel d’extraits de débats télévisés en région, où des candidats RN se montraient totalement incapables d’expliquer leur programme. Certains ont été totalement invisibles pendant la campagne, ne répondant pas aux sollicitations des journalistes.

« Il y a toujours un problème d’image et un manque de crédibilité » du RN, expliquait dimanche soir le spécialiste de l’extrême-droite Jean-Yves Camus sur la chaîne Public Sénat.

« Il y a des efforts à faire à la fois sur la professionnalisation de notre implantation locale, peut-être sur le choix d’un certain nombre de candidats. Je le dis clairement, sur quelques circonscriptions, les choix que nous avons faits n’étaient pas les bons », a reconnu lundi M. Bardella.

Les dérapages des candidats RN ont pu avoir un effet mobilisateur sur les sympathisants de droite républicaine qui penchaient vers l’abstention, mais n’ont pas eu d’impact sur l’électorat RN, qui se caractérise par sa « fidélité » au parti, estime Pierre Mathiot.

Quoi qu’il en soit, poursuit le chercheur, le revers relatif du RN ne doit pas faire oublier que l’extrême-droite réalise une percée historique. « On est passé de 8 députés en 2017 à 88 en 2022 et aujourd’hui plus de 140 », rappelle-t-il. Le RN a été le parti qui a le plus remporté de voix – plus de 10 millions.

Marine Le Pen ne disait pas autre chose dimanche soir : « La marée continue à monter », « notre victoire n’est que différée ».

L’eurodéputé français d’extrême droite Gilles Pennelle a de son côté démissionné de son poste de directeur général du RN, a-t-on appris mardi de sources internes au sein du parti confirmant une information du quotidien Le Monde.

M. Pennelle était le principal artisan du « Plan Matignon » du parti d’extrême droite, censé prévoir toute la logistique en cas d’élections législatives anticipées.

Parmi les candidats investis en hâte (ou pas) par le RN après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale le 9 juin, plusieurs dizaines ont été pris en défaut pour des propos à caractère raciste, antisémite ou conspirationniste.

Les débats locaux entre les deux tours du scrutin, les 30 juin et 7 juillet, ont aussi révélé l’impréparation de certains d’entre eux, alors que le fameux « Plan Matignon » de M. Pennelle, vanté par les cadres du parti, était censé se dérouler en se contentant « d’appuyer sur un bouton ».

Jordan Bardella, le président du RN et pressenti pour le poste de Premier ministre, a reconnu lundi des « erreurs » dans sa campagne.

« Il y a des efforts à faire à la fois sur la professionnalisation de notre implantation locale, peut-être sur le choix d’un certain nombre de candidats. Je le dis clairement, sur quelques circonscriptions, les choix que nous avons faits n’étaient pas les bons », avait-il dit.

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