Quand une opération se transforme en guerre
6 éléments de réflexion quant au point de vue de Netanyahu sur l’opération, qu’il définit comme une bataille existentielle, bien qu’elle puisse finir à tout moment
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le 13e jour de l’opération « Bordure Protectrice » a été d’une difficulté excessive pour Israël ; 13 soldats sont morts dans des affrontements sanglants dans le quartier de Chajaya à Gaza City. Durant le combat, plus de 60 Palestiniens auraient trouvé la mort, dont parmi eux, de nombreux civils.
Vers la fin de cette journée cruciale, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est adressé à la population et, pour la deuxième fois en neuf jours (après une longue période de silence médiatique) a répondu aux questions des journalistes israéliens. Voici six idées reprenant ce qu’il a dit :
1. L’opération s’est transformée en guerre
Jusqu’à dimanche, le gouvernement israélien hésitait à parler de l’opération en cours comme d’une guerre. Les cyniques ont noté ce refus de parler de guerre s’agissant de cette campagne militaire, dans la mesure où une guerre a des implications au regard de l’institut national d’assurance qui offre des prestations plus élevées aux victimes de guerre qu’à celles ayant subi un préjudice en raison d’une action ennemie, mais dans un autre cadre que la guerre.
Cela étant, pour un jour où plus d’une dizaine de soldats israéliens sont tombés en territoire ennemi, Netanyahu n’était plus en train de dire qu’il s’agissait de tout sauf d’une guerre à part entière.
« Je tiens à vous dire qu’il n’y a pas de guerre plus juste que celle dans laquelle vos enfants et les nôtres sont tombés héroïquement » a déclaré le Premier ministre, s’adressant aux familles endeuillées.
2. C’est une guerre existentielle
La campagne actuelle ne doit pas être vue comme une tentative impérialiste ou une opération hasardeuse pour transformer une tyrannie en démocratie, a dit Netanyahu.
A la différence d’autres nations qui envoient leurs troupes combattre dans des provinces lointaines, Israël se bat pour sa propre survie dans sa terre ancestrale.
Les 13 soldats de la brigade Golani sont morts « pour que nous puissions continuer à vivre ici » a-t-il expliqué.
« Nous nous trouvons dans une milhama al habayit – une guerre pour notre maison. Nos forces sont en position sur le terrain ; elles opèrent de manière professionnelle, avec détermination et grande force – grande puissance de feu et grande force d’esprit ».
3. L’objectif de la guerre est fragilement défini
Avant de devenir Premier ministre, Netanyahu a dit qu’une fois qu’il serait au pouvoir, l’armée israélienne n’aurait plus à se retenir de finir le travail à Gaza – en d’autres termes, renverser le Hamas. Mais aujourd’hui, au milieu d’une campagne militaire extensive, avec troupes au sol à Gaza, faire tomber le Hamas n’est plus sur sa liste d’objectifs.
A la place, le Premier ministre a résolument défini les objectifs de l’opération : restaurer le calme en Israël pour une longue durée et sévèrement toucher les infrastructures terroristes à Gaza.
C’est un but bien plus modeste que ce qu’il a pu promettre aux électeurs en 2009, avant d’être élu. Au même moment, toutefois, il a bien dit que Hamas serait, en définitive, neutralisé – militairement, diplomatiquement ou les deux.
Netanyahu a aussi parlé dimanche de son souhait de démilitariser Gaza mais il n’a pas précisé comment cela arriverait.
Netanyahu a formulé ses objectifs d’une manière tellement floue que cela lui permettrait d’arrêter l’opération dès qu’il le juge opportun.
A un moment donné, dans les prochains jours – si, disons, le voyage du secrétaire d’Etat américain John Kerry dans la région débouche sur un rapide cessez-le-feu (insistons sur le « si ») – Netanyahu pourrait se présenter devant la population israélienne et déclarer que les objectifs de l’opération sont atteints.
Il a accepté la proposition de cessez-le-feu égyptienne la semaine dernière, disant que l’objectif avait été atteint, et après que le Hamas l’a rejetée, il a lancé l’offensive terrestre actuelle, avec la poursuite du même objectif.
4. Le rôle d’Abbas
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pourrait faire partie de la solution à ce conflit, a dit Netanyahu – pourvu qu’Abbas comprenne que le Hamas ne peut être inclus dans le processus de paix.
A partir du moment où Abbas a créé un gouvernement d’unité palestinienne, soutenu par le Hamas, en avril 2014, Netanyahu a évité le chef de l’Autorité palestinienne, affirmant qu’il avait à décider s’il voulait la paix avec Israël ou la paix avec le Hamas.
Maintenant que même une partie du monde arabe voit le Hamas pour ce qu’il est – une organisation terroriste qui, refusant la proposition de cessez-le-feu égyptienne, a prouvé qu’elle ne s’intéressait pas aux vies des Palestiniens – Netanyahu se sent innocenté.
Pas tout le monde n’a vu la lumière aussi tôt que lui, a-t-il dit dimanche, mais petit à petit, le monde est en train de réaliser qu’il avait raison à propos du gouvernement d’unité palestinienne depuis le début.
5. Les relations avec la Turquie
Les liens entre Ankara et Jérusalem ont atteint un point de non-retour.
En mai, on avait l’impression que la querelle de quatre ans entre les deux pays touchait à sa fin. Les deux gouvernements s’étaient entendus sur tous les problèmes en suspens qui empêchaient de retrouver le chemin d’un accord pour restaurer pleinement les relations bilatérales au niveau d’avant la flottille pour Gaza.
Il ne manquait plus que la signature de Netanyahu selon des représentants israéliens. Cela n’a pas très bien fonctionné mais les responsables à Jérusalem demeuraient dans l’espoir que tôt ou tard les deux parties agiraient de concert et signeraient un accord.
Mais après les récentes diatribes du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, notamment une où il accuse Israël de « barbarisme qui surpasse Hitler », les chances d’un rapprochement se sont réduites à proche de zéro. Dimanche, Netanyahu a déclaré qu’il était actuellement occupé avec le front de Gaza pour refuser de répondre à une question à propos de la Turquie.
En revanche, il n’a pas manqué l’occasion de blâmer son homologuer turc pour ses remarques « antisémites ». « C’est quelque chose qu’on attendrait de l’Iran ou d’Al Qaida » a-t-il fait remarquer.
6. Les questions ne blessent pas
Enfin, un point qui pourrait sembler banale en temps de guerre, mais qui n’est pas sans importance pour un Etat qui se considère comme une démocratie exemplaire : le Premier ministre semble avoir compris que les journalistes israéliens ne mordent pas, du moins pas toujours. Netanyahu donne énormément d’interviews à la presse étrangère mais répond très rarement aux questions des journalistes locaux.
A un moment, avant le début de l’opération Bordure Protectrice, les correspondants israéliens discutaient de boycotter les déclarations que le Premier ministre donnait aux médias alors que les troupes israéliennes étaient à la recherche des trois adolescents kidnappés (puis tués) le 12 juin. Netanyahu est entré dans la salle, comme à l’habitude, a lu son message et a disparu, ignorant les questions.
Dimanche, le Premier ministre a écouté les questions de la presse, pour la deuxième fois depuis que l’opération en cours a débuté. Et voilà, le format questions-réponses a semblé marcher sans faille. Ses réponses étaient considérées comme adéquates et apportant une lumière supplémentaire sur sa doctrine quant à diverses questions géopolitiques.
« La conférence de presse a été excellente » a trouvé le commentateur aux affaires diplomatiques d’Israël Radio Chico Menashe après coup. « Si tu n’as pas peur des médias, tu réussis ».
Même le blogueur politique Tal Schneider, un des plus critiques de Netanyahu quand il s’agit de sa réticence à répondre aux questions, était élogieux, faisant remarquer qu’il était « concentré et précis » et n’esquivait pas les sujets.