Raphaël Glucksmann : Israël, l’antisémitisme et l’Europe
Portrait de la tête de liste d'une coalition rassemblant Place Publique (PP) et le Parti socialiste (PS)
Le 9 juin 2024, les citoyens de l’Union européenne (UE) se rendront aux urnes pour élire 720 députés au Parlement européen, parmi lesquels 81 représenteront la France. Au cœur de cette importante consultation démocratique, Raphaël Glucksmann se distingue en tant que tête de liste d’une coalition rassemblant Place Publique (PP) et le Parti socialiste (PS), affirmant ainsi son rôle prépondérant dans le cours de la politique européenne.
Né à Boulogne-Billancourt en 1979, Raphael Glucksmann est le fils du célèbre intellectuel André Glucksmann, ancien maoïste devenu néolibéral qui a soutenu l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de 2007. Le fils a initialement flirté avec le libéralisme avant de se déplacer résolument vers la gauche, marquant un pivot idéologique important dans sa carrière.
Alors que son père est issu d’une famille juive ashkénaze française, le fils a, dans différents entretiens, exprimé différentes options religieuses. En 2012, il semblait indiquer au journal La Croix une orientation chrétienne : « Quant à son héritage juif familial, il est seulement ‘culturel’ car c’est dans ‘la dimension humaine du christianisme’ qu’il dit se reconnaître le mieux », écrivait le journal. En 2015, dans un portrait de Libération, il disait au contraire se reconnaître du côté des racines juives de sa famille avec « une culture de diaspora plutôt qu’une foi ».
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Documentariste et essayiste, Raphael Glucksmann a servi comme conseiller auprès de Mikheil Saakachvili, le président de la Géorgie, de 2009 à 2012, un rôle qui a fortement influencé ses perspectives politiques ultérieures. Revenu en France, il s’engage dans le journalisme et la littérature, occupant des postes de chroniqueur à France Inter et de directeur au Nouveau Magazine Littéraire. Depuis 2015, il est en couple avec la journaliste d’origine libanaise Léa Salamé.
En 2018, l’essayiste crée le mouvement politique Place Publique et se fait élire au Parlement européen en 2019 sur une liste fusionnée avec le PS et Nouvelle Donne, captant 6,2 % des suffrages exprimés.
Place Publique s’est donné pour mission de façonner une Europe démocratique, solidaire et écologique. Dès sa première incursion dans l’arène politique européenne en 2019, le parti a fait une entrée remarquée en décrochant deux sièges, signe encourageant pour cette jeune formation politique.
En septembre 2023, l’eurodéputé renouvelle son engagement envers ces idéaux en annonçant sa candidature pour les élections européennes de 2024, porté par le slogan « Le combat continue ». Il a été officiellement désigné tête de liste du PS le 1er février 2024, consolidant sa position de leader au sein de la gauche sociale-démocrate européenne.
Selon un sondage Ipsos réalisé pour France Info et Le Parisien en date du 13 avril 2024, Raphaël Glucksmann enregistre une progression notable dans les intentions de vote, atteignant 13 %, soit une hausse de deux points par rapport au mois précédent. Cette dynamique positive contraste avec la liste conduite par Valérie Hayer, représentant Renaissance-La République en Marche, le Modem, Horizons et l’UDI, qui voit ses intentions de vote diminuer de deux points, s’établissant à 16 %. De son côté, la liste du Rassemblement national demeure relativement stable, reflétant une compétition de plus en plus serrée entre les principaux courants politiques à l’approche des élections européennes.
Engagements et prises de position
L’essayiste est connu pour son soutien inébranlable à l’Ukraine, symbolisant un pilier central de son engagement en faveur des droits humains et de la souveraineté nationale. Il critique vivement Vladimir Poutine et les élites européennes qu’il accuse de compromission avec des puissances hostiles, thèmes qu’il explore dans son livre de 2023, La Grande Confrontation – Comment Poutine fait la guerre à nos démocraties (Editions Allary). Ce travail met en avant une confrontation géopolitique intense avec la Russie, un sujet que l’eurodéputé juge crucial pour l’avenir démocratique de l’Europe.
Raphaël Glucksmann est également un critique vocal des pratiques d’exploitation industrielle en Chine, en particulier contre des entreprises telles que Shein, accusées de sous-payer drastiquement leurs employés tout en leur imposant des conditions de travail précaires. Élu président de la Commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques de l’UE, en 2020, il a mené des campagnes de sensibilisation contre le génocide des Ouïghours, avec Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïghour d’Europe.
Dans la continuité de ses principes humanistes, Raphaël Glucksmann s’est clairement positionné contre la réforme du système migratoire, introduite par le pacte sur l’asile et l’immigration, qui a été adoptée le 10 avril 2024 au Parlement européen. « Ce texte qui était censé répondre au chaos des politiques migratoires européennes, impose le filtrage et des mesures répressives à l’entrée mais n’impose pas la solidarité et une politique migratoire commune », a-t-il déclaré le vendredi 29 mars alors invité de « Demain l’Europe » sur France Info, soulignant les manquements du pacte à instaurer une véritable cohésion européenne sur la question migratoire. Malgré ses réserves, il est à noter que le groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, auquel appartient l’eurodéputé, a officiellement soutenu ce pacte.
Raphaël Glucksmann affiche une position ferme et claire en distinguant nettement la critique des politiques gouvernementales d’Israël et de l’antisémitisme. Ce point de vue se manifeste notamment lorsqu’il réagit aux attaques antisémites subies par April Benayoum, Miss Provence 2020. Lors de l’élection, après avoir partagé que son père était d’origine israélienne, elle fut la cible de nombreux commentaires antisémites sur les réseaux sociaux. Face à cette vague de haine, l’essayiste a exprimé son dégoût sur
X :
Je vomis ceux qui crachent ici leur antisémitisme lorsqu’une jeune fille dit que son père est israélien.
Je vomis aussi ceux, autour, qui rigolent et ceux qui laissent passer sans réagir.
Tout raciste a besoin d’une environnement complaisant pour s’autoriser à déverser sa haine.— Raphael Glucksmann (@rglucks1) December 20, 2020
Depuis le 7 octobre, l’essayiste poursuit activement son combat contre l’antisémitisme. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 25 octobre 2023, il critique la politique israélienne et condamne sans réserve les actions du Hamas, qu’il qualifie de terroristes, contrairement à La France Insouise de Jean-Luc Mélenchon, un parti largement accusé de flirter avec l’antisémitisme. « Il ne saurait y avoir de paix avec des terroristes mais nul ne pourra les vaincre sans perspective de paix et de liberté pour les Palestiniens », déclare-t-il. Puis, il affirmait le 10 novembre sur la chaîne LCI, en ce qui concerne la large manifestation organisée contre l’antisémitisme : « J’irai manifester dimanche parce que quand vous avez plus de 1 040 actes antisémites en France, vous devez mettre un stop. Il faut un moment de réaction collective de la société. » Depuis le 7 octobre, les actes anti-juifs ont été multipliés par quatre en France, selon le Premier ministre français Gabriel Attal.
En mars 2024, il refuse d’utiliser le terme « génocide », souvent associé par les pro-palestiniens à la guerre à Gaza. Sur le plateau de l’émission Quotidien sur TMC, il explique sa position : « Je n’emploie pas le terme de génocide pour qualifier ce qui se passe à Gaza, mais ça n’empêche pas qu’il faille se mobiliser pour empêcher le carnage. »
L’essayiste se démarque ainsi d’autres dirigeants de gauche, comme le patron du Parti communiste (PCF) Fabien Roussel ou encore le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon. Il critique aussi fermement ceux qui refusent de qualifier les actions du Hamas de terroristes, notamment après des déclarations de Rima Hassan, militante franco-palestinienne, qui décrivait les actions du Hamas comme légitimes : « Entendre ça, c’est proprement révoltant », s’indigne-t-il, marquant un profond désaccord idéologique au sein de la gauche française.
Par ailleurs, Raphaël Glucksmann se joint au Parti socialiste pour réclamer un État palestinien et déclare sur BFMTV le 26 avril « « Cela ne suffit pas de répéter que nous voulons une solution à deux États (…) Il est temps de mettre beaucoup plus de pression sur le gouvernement israélien. »
Mardi 7 mai, sur Europe 1, il a déclaré qu’il ne fallait pas expulser les étudiants pro-palestiniens de Sciences-Po « parce qu’ils manifestent ou participent à des blocages », disant « comprendre leur émotion ». « On ne va pas expulser des étudiants parce qu’ils manifestent […], là je suis en profond désaccord », a-t-il expliqué, affirmant que « chacun a le droit de son opinion ». « À partir du moment où c’est une mobilisation pour la paix et pas pour la destruction de l’État d’Israël, cette mobilisation est parfaitement légitime », a jugé M. Glucksmann, estimant dans le même temps que « ce qui se passe aujourd’hui à Rafah est cataclysmique ».
Lors de cette interview, il a aussi indiqué qu’il « comprenait l’émotion extrêmement profonde face au carnage à Gaza et à Rafah », dénonçant ce qu’il a appelé « l’absence totale d’égards pour les vies humaines palestiniennes ». « Et c’est quelqu’un qui a pris la mesure de l’horreur du 7 octobre, qui n’a pas hésité la moindre seconde pour qualifier de terroriste le Hamas », qui parle, a-t-il insisté. « Ce qui se passe à Rafah est horrible d’un point de vue humanitaire. Il faut un cessez-le-feu et la libération des otages », a-t-il poursuivi, jugeant que le gouvernement Netanyahu n’offrait « strictement aucune perspective aux Palestiniens, depuis le début ». « Ça fait sept mois. Vous avez l’aide humanitaire qui est bloquée, vous avez une situation de famine, vous avez 35 000 morts, à un moment il faut que ça s’arrête », a-t-il insisté en citant un bilan du Hamas invérifiable. « Quelle est la justification pour un tel nombre de morts ? » Pour lui, le gouvernement israélien « est en train de faire un tort immense à la population civile palestinienne évidemment, mais aussi au futur d’Israël ».
Outre cette divergence sur le fait de qualifier clairement les attaques du 7 octobre de terroristes, la division avec la gauche mélenchoniste a été de plus en plus visible lorsque, en pleine campagne européenne, la liste PS-Place publique aux élections européennes a été empêchée de rejoindre la manifestation du 1er-Mai à Saint-Étienne. Le député européen a dû être exfiltré de la manifestation dès son arrivée, après avoir été la cible d’invectives, recevant des jets de peinture et de canette, ainsi que des cris tels que « Glucksmann casse-toi » ou « Palestine vivra ». Sur les réseaux sociaux, notamment sur X, il a dénoncé ces actions, les qualifiant d’émanations de « groupuscules violents » et ajouté que ces « attaques sont le résultat de mois de haine et de calomnies savamment orchestrées par les Insoumis et d’autres ».
2/12 : Des mois de messages de haine reçus par milliers – très souvent à connotation antisémite – que j’ai décidé d’ignorer jusque là, mais qui révèlent une conception de la politique et une vision du monde que je rejette et que je combats avec force.
— Raphael Glucksmann (@rglucks1) May 1, 2024
Pour les élections de 2024, la stratégie de Glucksmann et de ses alliés vise à briser le bipartisme dominant et à placer les enjeux sociaux et écologiques au cœur du débat européen. L’accord formel entre le PS et Place Publique pour les élections propose une liste combinée où des figures comme Aurore Lalucq et Nora Mebarek sont mises en avant, dans l’espoir de renforcer leur impact au Parlement européen.
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