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Refonte judiciaire : la nouvelle loi pose « des difficultés fondamentales », dit un juriste de la Knesset

Simcha Rothman a reproché à un ancien ministre de la Justice d'avoir prétendu que le processus de sélection des juges était politisé, laissant entendre que le 7 octobre a été le résultat de l'activisme des magistrats

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, le député Simcha Rothman, discute avec l'ancien ministre de la Justice, Dan Meridor, lors d'une audience de la commission, le 28 janvier 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, le député Simcha Rothman, discute avec l'ancien ministre de la Justice, Dan Meridor, lors d'une audience de la commission, le 28 janvier 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La nouvelle proposition législative soumise par le ministre de la Justice Yariv Levin, une proposition qui vise à modifier la façon dont les juges sont nommés, présente « des difficultés fondamentales et pratiques » dans la mesure où elle renforcerait de manière déterminante la politisation de la commission de sélection des juges, l’instance chargée de désigner les magistrats au sein les tribunaux, a déclaré mardi le conseiller juridique de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset.

Prenant la parole lors d’une réunion qui n’allait pas tarder à devenir houleuse, le conseiller juridique de la commission, l’avocat Gur Bligh, a expliqué que la proposition risquait également de créer une plus grande polarisation au sein de la Cour suprême en raison de la mise en place d’un mécanisme qui est censé empêcher la coalition et l’opposition de tomber dans l’impasse lors des pourparlers qui ont lieu à l’occasion des éventuelles nominations.

Il a également noté que l’idée plus générale de renforcer la présence des politiques au sein de la commission allait à l’encontre de la tendance qui se constate actuellement dans les pays démocratiques occidentaux, qui semblent plutôt chercher à diminuer l’influence des politiciens sur les nominations au sein des systèmes judiciaires.

Dans ses propos, Bligh a toutefois établi que la nouvelle législation « apporte une réponse » aux critiques les plus dures qui avaient pris pour cible les textes de loi initiaux de Levin dans le cadre de son plan de refonte radicale du système de la justice – un plan qui aurait accordé à une coalition au pouvoir un contrôle presque total sur toutes les nominations au sein du système judiciaire.

La nouvelle proposition garantit que l’opposition disposera toujours d’un droit de veto concernant les nominations des magistrats au sein des tribunaux comme à la Cour suprême, même si le prix à payer sera une politisation bien plus forte, a fait remarquer Bligh.

Il a néanmoins estimé que certains ajustements apportés à plusieurs des aspects les plus problématiques de la proposition pouvaient atténuer l’impact de cette dernière, faisant quelques suggestions sur la manière d’y parvenir.

Le conseiller juridique de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, Gur Bligh, s’exprime lors d’une réunion de la commission, le 29 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Les avis donnés par les conseillers juridiques de la Knesset et les décisions qu’ils sont amenés à prendre ne sont pas contraignants – mais ils sont considérés comme importants dans le cadre du processus législatif, et ils sont susceptibles d’être évoqués dans les requêtes qui peuvent être déposées devant la Haute cour de justice pour soutenir une demande d’abrogation des textes qui peuvent être considérés comme problématiques.

L’audience a également été l’occasion d’une violente prise de bec entre le président de la commission, le député Simcha Rothman, et l’ancien ministre de la Justice, Dan Meridor, qui avait été invité à prendre la parole lors des débats.

Meridor a fustigé le fait que les politiques seraient plus nombreux à siéger au sein de la commission de sélection des juges. Il a affirmé qu’en conséquence, les magistrats œuvreraient à s’attacher les faveurs des politiciens au lieu de faire la démonstration de leur professionnalisme et leur indépendance. Il a ajouté que la nouvelle proposition – tout comme le texte qui avait été présenté dans le plan initial de refonte radicale du système de la justice – mettrait en péril la démocratie israélienne.

Des paroles qui ont entraîné les réactions furieuses de Rothman qui a prétendu que le système judiciaire actuel avait été responsable du pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, et des atrocités commises par les hommes armés en raison de ses décisions défavorables au gouvernement sur certains sujets. Il a aussi dit qu’il avait cherché à corriger les problèmes qui se posaient par le biais du plan avancé par la coalition, avant que l’attaque sanglante ne se produise.

C’était la deuxième audience de la commission de la Constitution, du droit et de la Justice, à la Knesset, à être consacrée aux nouvelles propositions de Levin. Le ministre cherche notamment à faire remplacer les deux représentants de l’association du barreau d’Israël au sein de la commission – qui est composée de neuf membres – par deux avocats qui seraient nommés par la coalition pour l’un et par l’opposition pour l’autre.

Les nominations au sein des tribunaux inférieurs se feraient à la majorité simple. Les représentants de la coalition, de l’opposition et de la Cour suprême devraient chacun apporter au moins une voix.

Les nominations à la Cour suprême nécessiteraient au moins une voix de la part de la coalition et une voix de la part de l’opposition, mais pas de la part des juges de la Cour suprême.

Si deux postes, à la Cour suprême, devaient rester vacants pendant plus d’un an, la coalition et l’opposition pourraient imposer la nomination d’un candidat de leur choix.

« Nous pensons que la proposition soulève des difficultés fondamentales et pratiques, avant tout en ce qui concerne le changement du point d’équilibre. Des facteurs politiques et de représentation interviendront au détriment du professionnalisme et de l’indépendance d’un juge avec un changement d’équilibre qui accordera finalement la préférence à la prise en compte des facteurs d’ordre politique ».

L’ancien ministre de la Justice Dan Meridor assiste à une audience de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, le 28 janvier 2025. (Crédit : Noam Moskowitz, Bureau du porte-parole de la Knesset)

Bligh s’en est pris en particulier au fait que les deux nouveaux avocats seraient considérés comme des représentants de la coalition et de l’opposition, et qu’ils disposeraient ainsi d’un droit de veto.

Cela signifiera, a-t-il ajouté, que les avocats seront nommés très justement en fonction de leur idéologie politique – qu’elle reflète celle de la coalition ou de l’opposition – les partis craignant que leurs nominations ne fassent l’objet d’un veto s’ils doivent désigner une personnalité trop indépendante d’esprit.

« Ce qui modifiera considérablement l’équilibre de la commission, qui s’éloignera du professionnalisme pour se rapprocher de la politique et de la représentation politique », a-t-il averti.

Et le fait que les hommes politiques, au sein de la commission de sélection des juges, en viennent à disposer d’un droit de veto sur les nominations effectuées dans les tribunaux inférieurs – ce qui n’est pas le cas actuellement – est susceptible de politiser encore davantage le système judiciaire, a dit Bligh.

Il a affirmé que les juges pourraient être tentés de « changer leur éthique [juridique] » dans la course aux promotions.

« Le juge d’un tribunal d’instance voudra savoir qui sera responsable de son avancée vers un tribunal de district », a ajouté Bligh qui a estimé que les magistrats « devront apaiser les politiciens » pour obtenir des promotions, ce qui nuira à la confiance portée par le public dans l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Il a également critiqué un mécanisme, à la Cour suprême, qui permettra à la coalition et à l’opposition d’imposer un de leurs candidats à la Cour suprême si deux postes doivent rester vacants pendant plus d’un an, dans le cas où la commission de sélection des juges ne parvienne pas à trouver un consensus.

Ce mécanisme, selon Bligh, pourrait aggraver la polarisation au sein de la commission car la coalition et l’opposition pourraient arriver à la conclusion que pour obtenir la nomination d’un juge qui leur sera idéologiquement proche, il leur suffira d’attendre un an au lieu de faire un compromis avec l’autre camp.

La commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset lors d’une audience sur les propositions visant à modifier le mécanisme de nomination des juges, le 28 janvier 2025. (Crédit : Noam Moskowitz, Bureau du porte-parole de la Knesset)

La nomination des juges élus de cette manière pourrait également paraître exclusivement politique – qu’ils aient été désignés par la coalition ou par l’opposition – ce qui leur nuirait dans l’exercice de leurs fonctions.

Bligh a déclaré qu’il fallait réfléchir à la nécessité réelle d’un tel mécanisme et que, s’il devait effectivement s’avérer nécessaire, qu’il fallait examiner les moyens permettant de garantir que la coalition et l’opposition ne procéderont pas à des nominations politiques, par exemple en attribuant aux magistrats des postes à court-terme à la Cour suprême.

Il a également suggéré de durcir les critères qui s’appliquent aux professionnels du droit qui siègent au sein de la commission de sélection des juges, en exigeant par exemple qu’ils soient des juges de district à la retraite, des directeurs des facultés de droit dans les universités ou des représentants d’autres fonctions du même genre, ce qui permettrait d’accroître le niveau d’expertise professionnelle au sein du panel.

S’exprimant devant les membres de la commission, Meridor, fort de toute une carrière politique au sein du Likud, a fait remarquer que le système actuel de sélection des juges, en vigueur depuis la création de l’État, exigeait toujours que les hommes politiques qui sont membres de la commission obtiennent le soutien d’au moins un membre professionnel de la commission – un juge de la Cour suprême ou un avocat du barreau.

Avec la mise en place du nouveau système, un candidat à une nomination judiciaire saura qu’il n’y a « rien à discuter avec les juges », a affirmé Meridor.

« Il devra obtenir l’aval des hommes politiques – c’est un changement radical. Et ça entraînera une méfiance à l’égard du système judiciaire et les gens sauront très bien qui a nommé qui, quand et où », a ajouté l’ancien ministre de la Justice.

Il a ajouté qu’à terme, même les derniers professionnels indépendants siégeant au sein de la commission de sélection des juges, les juges de la Cour suprême, ne compteraient plus à proprement parler dans la mesure où ces magistrats travaillant au sein de la plus haute instance judiciaire auront eux-mêmes été promus à leur poste grâce à un système politisé. Ce qui fera de l’ensemble de la commission un organisme politique, a soutenu Meridor.

Des propos qui ont été vertement rejetés par Rothman, qui s’est lancé dans une diatribe furieuse contre l’autorité judiciaire – coupable, selon lui, d’avoir examiné les décisions prises par le gouvernement concernant la politique humanitaire à l’égard de la bande de Gaza.

« Ce que j’ai fait, ça a été de corriger la notion de raisonnabilité afin que ces gens ne puissent pas continuer à rester, comme ça, dans leur tour d’ivoire sans entendre les cris des familles des otages et en disant au cabinet ce qu’il pouvait ou ce qu’il ne pouvait pas faire pour rapatrier les kidnappés », a déclaré Rothman avec colère, haussant le ton.

Une référence à une législation de la coalition qui annulait l’utilisation de la notion juridique de « raisonnabilité » dans le réexamen des décisions prises par le gouvernement – et que la Cour suprême, en tant que Haute Cour de justice, a invalidée l’année dernière.

« Ce positionnement politique est malhonnête, c’est un positionnement qui ne tient pas compte des otages, qui pense que les droits de l’Homme des habitants de Gaza sont plus importants que nos droits de l’Homme à nous et ce, au nom d’un prétendu ‘caractère raisonnable’, » s’est insurgé Rothman, hors de lui.

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