Refonte judiciaire: Le géant Wiz pourrait retirer ses fonds de ses comptes en Israël
La firme hi-tech dit subir les pressions des investisseurs sur les risques présentés par les plans du gouvernement ; la banque HSBC émet à son tour des mises en garde

Le géant de la cybersécurité Wiz a l’intention de transférer l’argent placé dans des banques en Israël sur des comptes situés à l’étranger dans le contexte des efforts livrés par le gouvernement pour affaiblir le système judiciaire, a fait savoir lundi la Douzième chaîne.
Selon la chaîne, la compagnie ferait ainsi quitter le pays à des dizaines de millions de dollars de liquidités. Une somme relativement modeste restera en Israël pour couvrir les dépenses courantes et les salaires des employés locaux.
Ces dernières semaines, des cadres de la communauté des affaires et du secteur technologique ont fait part à voix haute de leur inquiétude face au projet de réforme judiciaire présenté par le ministre de la Justice Yariv Levin, qui devrait limiter de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et qui devrait permettre à la Knesset de réadopter des législations annulées au préalable par les juges. Cette refonte offrirait aussi au gouvernement de la coalition du Premier ministre Netanyahu le contrôle de la commission chargée de nommer les juges et elle autoriserait les ministres à désigner personnellement leurs propres conseillers juridiques.
La Douzième chaîne a expliqué que Wiz, une entreprise cofondée par son directeur-général actuel, Assaf Rappaport – qui a dirigé, dans le passé, le centre de développement de Microsoft en Israël – avait pris cette initiative suite aux pressions exercées par les investisseurs sur l’équipe de direction, lui demandant de prendre des précautions particulières dans le climat d’incertitude entraîné par la réforme de la justice, qu’ils considèrent comme dangereuse pour l’économie israélienne.
Rappaport, de son côté, a condamné la refonte, avertissant, ces dernières semaines, qu’elle pouvait avoir un impact négatif pour l’économie.
Wiz est une entreprise évaluée à six milliards de dollars et elle est considérée comme l’une des plus grandes compagnies hi-tech de l’État juif. La perspective que d’autres entreprises suivent l’exemple de celles qui ont d’ores et déjà transféré leur argent à l’étranger est source d’inquiétude dans le pays.

Il y a deux semaines, Papaya Global, une entreprise « licorne » qui propose des services de gestion de salaires et de paiements, avait fait part de son plan de retirer tous ses fonds de l’État juif en signe de protestation contre le projet de réforme de la justice gouvernemental.
Le quotidien économique Globes a noté que l’impact économique immédiat des initiatives prises par les entreprises telles que Wiz était limité dans la mesure où les firmes inscrites en Israël – y compris celles qui ont des bureaux dans d’autres pays – doivent verser une somme à l’Autorité fiscale qui est déterminée par rapport à l’ensemble de leurs fonds, notamment sur ceux qui sont placés à l’étranger. Toutefois, si de tels déplacements d’argent devaient se multiplier et que d’autres entreprises devaient suivre cet exemple, les banques connaîtraient d’importants retraits de capitaux.
Globes a précisé que selon les estimations actuelles du marché, d’autres compagnies sont en train de sortir l’argent placé dans le pays sans pour autant l’annoncer publiquement.
L’initiative prise par Wiz survient alors que le géant britannique HSBC a lancé à son tour, succédant ainsi à de nombreux acteurs du monde des finances, des mises en garde contre le préjudice que pourrait essuyer l’économie israélienne si les réformes du gouvernement devaient être menées à bien.
Un rapport de la banque qui a examiné la force du shekel a continué à recommander à ses clients d’investir dans la devise israélienne tout en avertissant que si la refonte judiciaire devait être adoptée, la valeur du shekel chuterait probablement.
« Nous ne pouvons pas ignorer les développements en matière politique », a écrit HSBC dans le document.

La semaine dernière, l’institut financier américain JPMorgan a mis en garde contre un risque croissant des investissements en Israël en raison de la refonte de la justice envisagée.
JPMorgan a évoqué la possibilité d’un impact négatif sur la notation d’Israël, ce qui pourrait potentiellement freiner les flux des investissements internationaux.
La banque a néanmoins souligné qu’elle s’attentait à « un impact limité » des réformes sur le marché.
Au mois de janvier, des directeurs de banque ont commencé à signaler à Netanyahu qu’ils assistaient à un retrait des fonds du pays, avec des transferts à l’étranger des comptes d’épargne.
Les experts financiers, les firmes et les organisations professionnelles ont accru leurs mises en garde face au plan du gouvernement qui, disent-ils, menace la démocratie et nuira à l’économie et au secteur prospère des hautes technologies en particulier.
Un grand nombre d’entre eux craignent qu’un affaiblissement du système judiciaire entraîne un climat d’incertitude et décourage les investisseurs désireux d’injecter des fonds dans les entreprises locales – ce qui pourrait, en conséquence, amener les compagnies locales et internationales à s’exiler et à s’établir ailleurs.
Netanyahu qui, en théorie, n’a pas le droit d’intervenir dans le projet de réforme qui est susceptible d’influencer l’issue de son propre procès pour corruption, rejette les critiques croissantes, affirmant que c’est le degré actuel de réexamen judiciaire qui entrave la croissance économique.
La semaine dernière, Netanyahu a accusé ses adversaires politiques de tenter de nuire à l’économie avec leurs prédictions d’investisseurs en fuite et d’affaiblissement du shekel.
La coalition, pour sa part, prévoit de commencer à voter la législation en commission dès la semaine prochaine.
Même si les membres de l’opposition qui siègent à la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice – où est préparé actuellement le projet de loi – sont en mesure de retarder de plusieurs jours l’avancée de la législation en soumettant des réserves, le texte devrait être présenté au vote initial en séance plénière dans les deux prochaines semaines.