Un énorme gestionnaire de paie en ligne, basé à Tel Aviv, retire son argent d’Israël
La PDG de Papaya Global, Eynat Guez, a affirmé que la refonte prévue du système judiciaire menace la démocratie, nuit à l'économie et oblige son entreprise à transférer ses fonds
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Papaya Global, une licorne mondiale de gestion de paie en ligne, basée à Tel Aviv, a déclaré jeudi qu’elle prévoyait de retirer tous ses fonds d’Israël en guise de protestation contre la très controversée refonte du système judiciaire en cours.
Dans un message publié sur Twitter, Eynat Guez, co-fondatrice et PDG de Papaya, a écrit qu’à la suite des déclarations du Premier ministre Benjamin Netanyahu sur la détermination du gouvernement à modifier le système judiciaire, ce qui, selon elle, menacera la démocratie du pays et nuira à son économie, Papaya a décidé « de retirer tous les fonds de l’entreprise d’Israël ».
« Il n’y a plus aucune certitude que nous puissions mener une activité économique internationale depuis Israël », a écrit Guez. « C’est une étape commerciale douloureuse mais nécessaire. »
Guez n’a pas donné de détails sur ce que cette décision implique et comment elle sera mise en pratique en termes des opérations quotidiennes de Papaya, ni si le déménagement affectera ses employés en Israël ou l’endroit où la société paie ses impôts.
Au cours des dernières semaines, des cadres supérieurs du monde des affaires et de la high-tech sont descendus dans la rue pour exprimer publiquement leur inquiétude face à la réforme judiciaire proposée par le ministre de la Justice, Yariv Levin, qui limiterait considérablement la capacité de la Haute Cour à invalider des lois et des décisions du gouvernement, avec une clause dite « dérogatoire » permettant à la Knesset de légiférer à nouveau sur des lois annulées avec une majorité simple de 61 voix ; elles donnent au gouvernement un contrôle total sur la sélection des juges ; elles empêchent la Cour d’utiliser la règle du « caractère raisonnable » pour juger les lois et les décisions du gouvernement ; et elles permettent aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques, au lieu d’obtenir des conseils de conseillers opérant sous l’égide du ministère de la Justice.
Les entrepreneurs israéliens Guez, Ruben Drong et Ofer Herman ont fondé Papaya en 2016 et ont développé une plate-forme logicielle de gestion de la main-d’œuvre et des salaires orientée vers différentes formes d’emploi, y compris celles sur la masse salariale, le travail des entrepreneurs et le recrutement et le paiement par des tiers. L’entreprise emploie plus de 700 personnes dans le monde et gère plus de 3 milliards de dollars de masse salariale en tout.
En 2021, Papaya a levé 250 millions de dollars lors d’un tour de table, faisant grimper sa valorisation à 3,7 milliards de dollars. Papaya affirme que ses services sont utilisés dans plus de 140 pays. Parmi ses clients figurent Intel, Microsoft, Toyota et Wix.
Commentant la déclaration de Papaya, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid a accusé le gouvernement Netanyahu de conduire le pays vers un « désastre économique ».
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, répondant au commentaire de Lapid, a déclaré qu’il n’y aura pas de « catastrophe économique car l’économie israélienne est forte et rentable, et les investisseurs intelligents ».
Dans le même temps, Disruptive AI, un fonds de capital-risque israélien basé à Herzliya qui investit dans des start-ups d’intelligence artificielle en phase de démarrage, a également annoncé qu’il prévoyait de retirer ses fonds d’Israël et de transférer son compte bancaire hors du pays, selon les médias israéliens.
Tal Barnoach, commandité de Disruptive AI, a déclaré à Calcalist que la refonte judiciaire est un « coup d’État judiciaire » et que si elle est adoptée, elle créera une instabilité économique.
« Une économie est construite sur la stabilité », a déclaré Barnoach. « Je suis maintenant à Londres. J’ai rencontré mes investisseurs et ils sont très inquiets. » « Ils disent que si la réforme passe, il n’est pas certain qu’ils continueront à investir en Israël », a-t-il ajouté.
S’exprimant publiquement contre le remaniement judiciaire, Guez a déclaré à des manifestants à Tel Aviv le week-end dernier que les investissements étrangers dans les entreprises israéliennes sont un ingrédient clé du succès du secteur high-tech local et qu’ils seront menacés si la démocratie s’étiole.
Citant 54 milliards de dollars comme étant le montant de l’argent étranger investi en Israël au cours des trois dernières années, Guez a déclaré que la volonté du gouvernement de supprimer l’indépendance et le pouvoir des tribunaux pourrait menacer l’intérêt continu des investisseurs.
« Sans démocratie, ces 54 milliards de dollars ne seront plus là et les dizaines de milliers d’employés qui ont rejoint le secteur de la high-tech ne seront plus là non plus », a déclaré Guez. « Aucun détenteur de richesse ne mettra de l’argent dans un État où la démocratie s’étiole. »
« La start-up nation ne peut pas exister sans démocratie », a-t-elle ajouté.