René Trabelsi, Juif et ministre tunisien, « contre la normalisation avec Israël »
Le ministre a également condamné "les éloges de l’armée israélienne en terre tunisienne" et déclaré que les pèlerins de la Ghriba devaient "se comporter convenablement"

« Je suis contre la normalisation avec Israël », a affirmé René Trabelsi, de confession juive, ministre du Tourisme et de l’Artisanat tunisien et professionnel du voyage, ce lundi 24 juin dans une longue interview publiée dans le journal tunisien La Presse.
« Il n’y a pas de normalisation parce que cela supposerait qu’il y a des accords signés entre les deux pays. Ce n’est pas le cas, a-t-il déclaré. Que des touristes viennent en pèlerinage [en référence au pèlerinage de la Ghriba, organisé le mois dernier sur l’île de Djerba], c’est qu’ils en ont le droit même s’ils vivent en Israël. Ce n’est pas de la normalisation, il faut faire attention à la manipulation. »
Le ministre a également condamné « les éloges de l’armée israélienne en terre tunisienne ». En référence aux pèlerins, le ministre a déclaré : « Ils sont venus pour le pèlerinage, ils doivent se comporter convenablement. »
S’il est accusé d’être pro-Israélien depuis qu’il a accédé à son poste, la polémique a enflé suite à la publication d’une vidéo au début du mois par la Douzième chaine israélienne dans laquelle on voit les pèlerins de la Ghriba à bord d’un bus scander « Vive Israël… Vive la Tunisie ».
L’interview accordée au journal La Presse visait donc pour le ministre à condamner ce comportement et à refuser les accusations à son encontre.
En soutien au ministre concernant ces mêmes accusations, une pétition a été lancée. Elle a été signée par près de 6 000 personnes.
« Nous, Tunisiens et Tunisiennes de différentes confessions et régions, signataires ci-dessous, annonçons à l’opinion publique nationale et internationale, notre soutien inconditionnel et notre solidarité à notre concitoyen René Trabelsi, qui depuis sa nomination au poste de ministre du Tourisme et de l’Artisanat, subit une intense campagne de dénigrement lancée par des parties rétrogrades antisémites sous couvert de la lutte contre la normalisation avec l’Etat d’Israël », peut-on lire dans le texte de la pétition.
« Prônant des discours de haine et discriminatoires, ses détracteurs n’hésitent pas à chaque fois où l’occasion se présente, de mettre les bâtons dans les roues et de jeter de l’huile sur le feu afin de faire échouer, à tous prix, les efforts exceptionnels fournis par René Trabelsi, en vue de promouvoir la destination Tunisie et d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé depuis son arrivée au ministère, à savoir 9 millions de touristes en 2019, un chiffre record, jamais enregistré depuis la révolution de 2010. »
En novembre dernier, René Trabelsi, qui venait d’être proposé à la nomination à son poste actuel, s’était déjà défendu après plusieurs mises en cause et des appels à manifester contre la « normalisation des liens avec Israël » – deux petites manifestations contre sa nomination avait eu lieu.
Plusieurs députés notamment de gauche avaient accusé le chef du gouvernement Youssef Chahed de « normaliser les liens avec Israël » en désignant M. Trabelsi comme ministre, qui avait également été accusé d’avoir la nationalité israélienne.
« Je n’aimerais pas que ma judéité soit un motif de rejet, je n’aimerais pas qu’elle soit non plus un motif folklorique de soutien », avait alors écrit M. Trabelsi dans une tribune publiée par le journal électronique Businessnews.
Il évoquait « des récriminations fondées sur ma judéité (…) sur mon absence de diplômes » et sur le fait qu’il soit « Tuniso-Français ».
M. Trabelsi, 56 ans, est le troisième homme de confession juive à avoir accédé au poste de ministre en Tunisie, plus d’un demi-siècle après Albert Bessis (1955) et André Barouch (1956), dans un pays qui comptait alors une centaine de milliers de citoyens de confession juive.
En Tunisie, les propos, actes et comportements anti-sionistes et antisémites sont courants. En 2017, le Times of Israël avait publié un reportage sur la situation des Juifs en Tunisie.
« Des facteurs variés, notamment la violence à l’encontre des Juifs tolérée par l’Etat à la suite de la victoire d’Israël contre ses voisins lors de la guerre des Six jours de 1967, ont petit à petit vidé la Tunisie des 110 000 Juifs qui y vivaient avant le début des années 1970, écrivait alors le journaliste Cnaan Liphshiz de l’agence JTA. Quelques douzaines de familles sont parties après la révolution de 2011 qui avait brièvement installé au pouvoir un parti islamiste et anti-israélien. »
« En Tunisie, les expressions d’antisémitisme – qui présentent souvent un vernis anti-israélien – continuent », ajoutait-il – des actes touchant régulièrement les 1 700 Juifs restant dans le pays.
La loi tunisienne prône officiellement le boycott de l’État juif.