Renvoi de la procureure-générale : D’anciens juges de la Cour suprême mettent en garde le gouvernement
De son côté, Gali Baharav-Miara a expliqué que le gouvernement cherchait à se placer "au-dessus de la loi", sans subir un contrôle de ses pouvoirs

En amont de l’approbation d’une motion de « défiance » à l’encontre de la procureure-générale Gali Baharav-Miara lors de la réunion hebdomadaire du cabinet organisée dans la matinée de dimanche, un certain nombre de magistrats de la Cour suprême à la retraite ont diffusé une lettre adressée au gouvernement, le mettant en garde contre cette initiative.
Une copie de ce courrier a été obtenue et diffusée par plusieurs médias israéliens.
« Pendant des décennies, nous avons joué un rôle central dans le maintien de l’État de droit en Israël », commence la missive. « Dans le cadre de ce rôle, nous avons exercé un contrôle judiciaire sur les décisions prises par les procureurs généraux successifs sur diverses questions qui figuraient à l’ordre du jour juridique, dans l’agenda public ».
Les avis juridiques d’un procureur-général sont « destinés à empêcher le gouvernement de prendre des décisions illégales », soulignent les juges à la retraite dans la lettre.
« Le procureur-général remplit ce rôle de manière pratique, professionnelle et il est inconcevable que l’accomplissement de son devoir en tant que fonctionnaire loyal lui soit préjudiciable et conduise à son licenciement », poursuit le courrier.
Il avertit également que le licenciement de Baharav-Miara « mettrait sérieusement en péril le statut de l’État d’Israël en tant qu’État de droit fondé sur une gouvernance et sur une administration saines ».
Parmi les signataires de la missive figurent les anciens présidents à la Cour suprême Esther Hayut, Dorit Beinisch et Aharon Barak, ainsi que l’ex-vice-président Elyakim Rubinstein et Hanan Melcer, ancien magistrat au sein de cette instance.
La motion de défiance prévue pour la réunion du cabinet d’aujourd’hui est la première des nombreuses mesures que le gouvernement doit prendre pour démettre de ses fonctions la procureure-générale – un processus qui devrait durer plusieurs mois.
De son côté, la principale intéressée a accusé le gouvernement de chercher à se placer au-dessus de la loi, de manière à ce que son pouvoir ne soit plus soumis à aucun contrôle. Elle a estimé qu’il cherchait à réduire son bureau au silence.

Dans une lettre adressée au cabinet avant la réunion prévue dimanche, la procureure générale a affirmé que cette motion n’était pas pertinente au niveau juridique et qu’elle n’aura aucune incidence sur les efforts livrés par le gouvernement en vue de son renvoi de son poste.
Elle a aussi déclaré que le gouvernement se méprenait fondamentalement sur le rôle du bureau du procureur général – qui est d’aider le gouvernement à mettre en œuvre ses politiques dans le plein respect de la loi.
« Quand ce système de conseil juridique présente au gouvernement les limites de la loi, il fait son travail et on ne peut pas prétendre qu’il s’agit là de divergences d’opinions qui justifient un licenciement », note la procureure-générale dans sa missive, répondant à l’argument avancé par le gouvernement qui n’a cessé de répéter que Baharav-Miara avait empêché à maintes reprises le gouvernement de mettre en œuvre ses politiques.
Elle souligne aussi qu’elle et son bureau ont aidé le gouvernement actuel à faire avancer des centaines de textes législatifs et des centaines de résolutions gouvernementales, une forme d’action exécutive, et qu’ils ont représenté le gouvernement dans plus de 2 000 requêtes, y compris dans des dossiers relatifs à la guerre – requêtes dénonçant la politique mise en place par le gouvernement dans l’aide humanitaire à Gaza, condamnant le système de détention administrative et autres questions politiques controversées.
« Cette motion ne cherche pas à promouvoir la confiance mais plutôt la loyauté à l’égard de la hiérarchie politique ; elle ne promeut pas la gouvernabilité mais plutôt le pouvoir illimité du régime dans le cadre d’un processus plus large qui vise à affaiblir le pouvoir judiciaire et à décourager l’ensemble des professionnels », poursuit Baharav Miara dans sa lettre.
« Le gouvernement cherche à se placer au-dessus de la loi et à fonctionner sans contre-pouvoir, y compris au moment le plus délicat, dans une période d’urgence, dans une période de manifestations antigouvernementales et d’élections », conclut-elle.