Résistant aux appels au boycott pour que sa « voix soit entendue », Ai Weiwei dévoile son exposition à Jérusalem
Lors de la présentation de son installation au musée d'Israël, l'artiste chinois affirme que Trump s'inscrit dans une généralisation de la haine

Ai Weiwei estime que les faits et gestes de Donald Trump s’inscrivent dans une tendance mondiale à la haine et à la division, à l’occasion de l’ouverture à Jérusalem d’une exposition à forte connotation politique de l’artiste engagé.
Dans une interview à l’AFP, le dissident chinois a de nouveau critiqué son pays, rappelé son engagement pour la cause des réfugiés mais aussi sur la question israélo-palestinienne.
Il a affirmé la nécessité d’expliquer sa décision d’exposer en Israël.
« Ma voix doit être entendue », a affirmé l’artiste contestataire, qui présente notamment des images qu’il a tournées dans les Territoires palestiniens de Cisjordanie et la bande de Gaza, dans le cadre de son exposition au Musée d’Israël qui s’ouvre au public vendredi jusqu’au 28 octobre.
« Je dois présenter mes arguments et ne pas me contenter de dire ‘OK, boycottons, cela n’a rien à voir avec moi’. Je pense que c’est trop facile », ajoute-t-il.
L’exposition au Musée d’Israël de Ai Weiwei s’étend sur presque tout un étage. Hasard du calendrier : ce même musée avait accueilli la semaine dernière Donald Trump, qui effectuait une visite à Jérusalem.

Il présente notamment une partie de son installation géante « Graines de tournesol », figurant des millions de graines en porcelaine faites à la main par des artisans en Chine et pesant 23 tonnes.
Des papiers peints illustrent la détresse des réfugiés tout en prenant le contrepied des images classiques en leur donnant des allures de frises de la Grèce antique.
L’installation surnommée « Terre tendre » a une résonance particulière en Israël. Elle se présente sous forme d’un tapis fait à la main de 250 m2 qui reproduit l’étage de la « Haus der Kunst » (la Maison de l’Art) à Munich où les nazis avaient présenté des œuvres qui entraient, selon eux, dans la catégorie de « l’art dégénéré ».
Les visiteurs sont autorisés à fouler ce tapis.
Ai Weiwei, âgé de 60 ans, la barbe éparse et l’allure décontractée, affirme qu’il y a « urgence » pour les artistes à se confronter aux injustices du monde.
Interrogé sur Donald Trump, qui a proclamé son intention de construire un mur le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique tout en voulant interdire l’accès des Etats-Unis aux ressortissants de plusieurs pays musulmans, Ai Weiwei considère le président américain comme une sorte « de marque de fabrique d’une tendance générale ».
‘L’impact de l’artiste’
« Je dirais qu’il s’agit d’un mouvement de droite, si bien qu’il ne s’agit pas réellement de lui personnellement », tient-il à souligner.
M. Trump personnifie la « vieille manière de penser qui consiste à éprouver de la haine pour les autres ou diviser les gens, plutôt que de comprendre réellement la situation dans sa globalité », souligne-t-il.
Son intérêt pour le sort des réfugiés vient de sa propre expérience. Enfant, son père, le poète Ai Qing, a été envoyé dans des camps de travail avec sa famille pendant plusieurs années.
Il s’est rendu dans plusieurs pays pour s’intéresser à la vie des réfugiés. Plusieurs de ses expositions sont consacrées à ce sujet.
« C’est un exemple extrême de notre condition humaine aujourd’hui », explique l’artiste près « d’Arbres », une installation figurant des sculptures reliées entre elles par des boulons à partir de pièces de bois.
« Mon père a vécu l’exil et j’ai grandi dans des camps. Nous avons subi toute sorte de discriminations et traitements injustes. Si bien que je comprends tout naturellement ce qu’éprouvent les gens considérés comme différents, autres ».
Ai Weiwei est également très critique envers le gouvernement chinois, ce qui lui a valu d’être détenu en 2011 pendant 81 jours. Son passeport lui a été confisqué pendant quatre ans avant qu’il ne soit autorisé à partir. Il vit actuellement à Berlin.
Pour lui, les artistes peuvent avoir un impact important sur le monde autour d’eux tout comme chaque individu.
« Si nous ne sentons pas cela, c’est vraiment désastreux. Il faut dire que tout effort, toute intention, tout discours peut faire la différence ».