Israël en guerre - Jour 471

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"JE TRAVAILLE 24 HEURES SUR 24. ET JE DÉTESTE LE CHAMPAGNE"

Retour sur la première journée de Netanyahu au tribunal pour son procès pour corruption

Le Premier ministre a dit que ses relations avec la presse visaient à réformer le marché "monopolistique" des médias israéliens. Il a nié toute collusion avec un personnage clé lié aux accusations de corruption

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au tribunal de Tel Aviv, avant sa toute première déposition dans le cadre de son procès déjà ancien pour corruption, à Tel Aviv, le 10 décembre 2024. (Menahem Kahana/Pool Photo via AP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au tribunal de Tel Aviv, avant sa toute première déposition dans le cadre de son procès déjà ancien pour corruption, à Tel Aviv, le 10 décembre 2024. (Menahem Kahana/Pool Photo via AP)

Pour la première fois depuis le début de son procès pénal pour faits de corruption, il y a de cela près de cinq ans, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est présenté à la barre des témoins, mardi.

C’est aussi la première fois dans l’histoire d’Israël qu’un Premier ministre en exercice comparaît devant un tribunal pour témoigner en tant qu’accusé.

La tension était vive, à l’intérieur comme à l’extérieur du tribunal, alliés et détracteurs du Premier ministre se moquant les uns des autres avec véhémence, sous les yeux de médias venus en nombre au palais de justice pour couvrir l’événement sans précédent, la comparution d’un Premier ministre israélien devant des juges chargés d’enquêter sur sa conduite criminelle présumée.

Le Premier ministre s’est montré vif dans ses réponses aux questions posées par ses avocats, manifestement heureux de parler de ses succès en tant que Premier ministre, de son courage face aux pressions, ainsi que de son attitude et de ses décisions en faveur d’une libéralisation du marché des sondages dans les médias, un élément au coeur des deux procés.

L’un des procès concerne des cadeaux illicites – cigares et champagne -, ce qu a amené Netanyahu à nier mener grand train. « Je travaille 24 heures sur 24 », a-t-il déclaré. « De temps en temps, je pèche avec un cigare, que je ne peux pas fumer longuement parce que je suis toujours en réunion. Et en plus, je déteste le champagne ; je n’en bois pas. Faire de Sara et moi des gens qui mènent grand train est non seulement absurde, mais aussi honteux. »

Pour des raisons de sécurité, les audiences se déroulent dans une salle souterraine du tribunal de district de Jaffa, à Tel-Aviv, faute pour le tribunal de district de Jérusalem de dispose d’infrastructures de sécurité appropriées.

Le témoignage a été interrompu à plusieurs reprises par des assistants venus lui apporter des informations concernant des événements étrangers au procès et le Premier ministre a même obtenu l’autorisation de quitter la salle pour régler une question.

Des ministres israéliens de tout premier plan avaient, en vain, plaidé auprès du tribunal pour qu’il reporte la déposition, au motif que la chute d’Assad, en Syrie, surchargeait encore davantage l’emploi du temps d’un Premier ministre déjà aux prises avec la guerre sur plusieurs fronts.

De nombreux députés du Likud étaient venus au tribunal pour montrer leur solidarité avec le Premier ministre, et certains, comme la provocatrice Tali Gotliv, sont restés toute la journée. Gotliv a plusieurs fois hué les avocats de l’accusation lors de problèmes de procédure. De nombreuses personnalités du Likud sont toutefois restées à l’écart.

Des manifestants anti-gouvernement devant le tribunal de Tel Aviv, avant la déposition du Premier ministre Benjamin Netanyahu lors de son procès pour corruption, le 10 décembre 2024. (Jeremy Sharon/ Times of Israel)

Devant le palais de justice, de petits groupes de manifestants se sont formés de part et d’autre de l’entrée – une centaine dans chaque camps.

La police a séparé les partisans et détracteurs de Netanyahu, qui ont scandé des slogans concurrents.

Des manifestants devant le tribunal de Tel Aviv avant le début de la déposition du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le procès intenté contre lui, le 10 décembre 2024. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Tourner en ridicule les accusations de l’affaire 4000

Lors des cinq heures qu’a duré la déposition (pauses comprises), Netanyahu a fait en sorte de saper les arguments de l’accusation, en particulier au regard de l’affaire 4000, procès porteur des plus graves accusations – corruption, fraude et abus de confiance.

Il est accusé d’avoir pris des décisions financièrement très favorables – à hauteur de centaines de millions de shekels – à l’actionnaire majoritaire du géant des télécommunications Bezeq, Shaul Elovitch, ce qui lui aurait valu une couverture médiatique favorable du site d’information Walla, dont Elovitch était également propriétaire.

Netanyahu et son avocat, le pugnace Amit Hadad, se sont attachés à montrer que le Premier ministre et Elovitch ne se connaissaient pas bien, et que même après un dîner organisé par Netanyahu et sa femme Sara pour Elovitch et son épouse en 2012 – aux yeux de l’accusation le début de la collusion entre les deux hommes, la couverture de Netanyahu par Walla n’avait pas été plus favorable.

Le Premier ministre s’est montré très critique en affirmant qu’il ne se souvenait pas d’avoir signé d’autorisations en 2012 accordant à Elovitch la propriété de Bezeq, et qu’il avait signé des « milliers » d’autorisations du même ordre pendant son mandat.

Netanyahu a longuement redit que son chef de cabinet lui apportait d’énormes quantités de choses à signer et qu’il le faisait sans lire, sur la foi du mandat donné par le ministre concerné.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu aux côtés de son avocat, Amit Hadad (à gauche), au tribunal de district de Tel Aviv, le 10 décembre 2024. (Chaim Goldberg/Flash90)

Hadad a rappelé l’existence d’une autorisation donnée à Elovitch, signée par Netanyahu en 2010, soit avant l’époque présumée de conclusion par les deux hommes d’un accord prétendument mutuellement bénéfique.

Netanyahu a dit à plusieurs reprises qu’il n’y avait rien d’illégitime ou d’illégal dans le fait que des responsables de son parti, le Likud, demandent à Walla d’apporter des correctifs à sa couverture de l’actualité ou de publier certains articles.

Le Premier ministre a affirmé que de telles pratiques entre les politiciens et la presse étaient un élément essentiel de la démocratie, se comparant pour l’occasion aux pères fondateurs américains Thomas Jefferson et Alexander Hamilton, qui, selon lui, avaient utilisé la presse à leur avantage politique.

Netanyahu a également reconnu qu’au cours de son mandat de Premier ministre, il s’était entretenu avec plusieurs hommes d’affaires afin de faire évoluer ce qu’il a qualifié de marché médiatique israélien « monopolistique », selon Netanyahu largement inféodé à la gauche.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu arrive pour faire sa déposition dans le cadre de son procès pour corruption présumée, à Tel Aviv, le 10 décembre 2024. (Menahem Kahana / POOL / AFP

Les arguments du Premier ministre sur la couverture médiatique et ses interactions avec les propriétaires des médias sont essentiels à sa défense, puisqu’il ne nie pas avoir cherché à modifier ou améliorer la couverture de Walla, mais le fait que cette meilleure couverture soit une sorte de pot-de-vin dans le cadre d’un accord avec Elovitch.

« J’ai été stupéfait quand on m’a posé la question, lors de l’enquête de [police], j’ai dit : « Êtes-vous sérieux ? C’est dans l’acte d’accusation ? La chose démocratique la plus fondamentale ? L’obligation de diversifier le marché ? C’est considéré comme criminel ? a déclaré Netanyahu lors de sa déposition.

Netanyahu a déclaré avoir connu Elovitch en 1996 ou 1997, lors de son premier mandat de Premier ministre, lors de la préparation d’un forum de chefs d’entreprise et des réunions qui s’en sont suivies, lors de son mandat de ministre des Finances à partir de 2002.

Le Premier ministre a déclaré n’avoir jamais vu Elovitch à titre personnel durant cette période, si ce n’est lorsqu’Elovitch est venu lui présenter ses condoléances à la mort de son beau-père. « Nous n’avons jamais entretenu de relations intimes. Amicales tout au plus », a-t-il déclaré au tribunal.

« Le point important est que toute cette affaire est basée sur cette affirmation ridicule qu’il y a eu une sorte de télépathie [entre Netanyahu et Elovitch] à propos d’un accord qui n’a jamais existé », a déclaré Netanyahu à la fin de l’audience.

L’homme d’affaires israélien Shaul Elovitch arrivant pour une audience dans le procès contre l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu au tribunal de Jérusalem, le 2 mai 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Vous aussi, vous avez vu la terrible couverture médiatique que j’ai eue [de Walla]. Alors de là à affirmer que j’ai bénéficié d’un traitement de faveur. Vous m’avez demandé s’il y avait eu un changement dans le traitement de Walla après ce dîner ; cela n’a rien changé. »

Revenant sur ses inquiétudes concernant l’environnement médiatique en Israël, Netanyahu a reconnu qu’il avait tenté à plusieurs reprises d’influencer les propriétaires de médias, comme par exemple l’ex- patron de la Deuxième chaîne.

« Jusqu’à il y a peu, Israël avait un marché des médias très monolithique. Nous ne voulons pas prendre le contrôle des médias ; nous voulons diversifier les médias », a déclaré Netanyahu.

« Le plus important est qu’il y ait davantage de chaînes de télévision et qu’elles ne soient pas contrôlées par un seul camp ; c’est l’essentiel. C’est la priorité que j’ai choisie. J’ai dit : « Nous avons besoin d’investisseurs pour la diversité [de la presse]. » Pour racheter des plateformes existantes ou en créer de nouvelles… Il faut des investisseurs, que ce soit pour ouvrir de nouveaux médias ou racheter ceux qui existent », a poursuivi le Premier ministre, ajoutant qu’il avait fait part de ses inquiétudes à de possibles investisseurs.

Des semaines de témoignage

Dans les semaines à venir, Netanyahu devra témoigner le lundi, le mardi et le mercredi – des audiences étant programmées jusqu’à la fin du mois de décembre. Les séances commenceront à 10 heures et elles se termineront à 16 heures tous les jours – avec une pause prévue pour le déjeuner.

Les avocats de la défense de Netanyahu interrogeront d’abord le Premier ministre pendant plusieurs jours – ils lui permettront probablement de s’étendre longuement sur ce qu’il qualifie d’accusations injustes, et il pourra s’exprimer sur les principaux aspects de sa défense.

Une fois que la Défense aura terminé de poser ses questions, ce sont les avocats du bureau du procureur-général qui auront l’opportunité de contre-interroger le Premier ministre – un contre-interrogatoire qui devrait prendre la majeure partie du temps où Netanyahu se tiendra à la barre.

Les avocats de la défense du Premier ministre pourront ensuite, s’ils le souhaitent, rappeler leur client et lui poser à nouveau des questions, dans le but de clarifier certains aspects du témoignage qu’il aura apporté lors de son contre-interrogatoire.

La Cour a déclaré que si des questions urgentes nécessitant l’attention du Premier ministre devaient se présenter, elle examinerait alors la possibilité de suspendre l’audience pour lui permettre de gérer ces problématiques.

Les chefs d’accusation

Netanyahu est jugé dans le cadre de trois affaires de corruption. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les Affaires 1000 et 2000 et de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans l’Affaire 4000.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, son épouse Sara (au centre) et leur fils Yair en compagnie de l’actrice Kate Hudson lors d’un événement organisé au domicile du producteur Arnon Milchan, à droite, le 6 mars 2014. (Crédit : Avi Ohayon/GPO/Flash90)

Dans l’Affaire 1000, Netanyahu et son épouse, Sara, sont accusés d’avoir reçu des cadeaux coûteux de manière illicite de la part du magnat hollywoodien Arnon Milchan – des cadeaux à hauteur de 700 000 shekels. Netanyahu aurait par ailleurs violé les lois sur les conflits d’intérêts en offrant son aide à Milchan quand ce dernier avait dû renouveler son visa de résidence à long-terme aux États-Unis, cherchant aussi à l’aider lorsqu’il avait rencontré des problèmes fiscaux.

L’éditeur et propriétaire du journal Yedioth Ahronoth Arnon « Noni » Moses arrive le 15 janvier 2017 à l’unité d’enquête Lahav 433 à Lod pour être interrogé. (Koko/Flash90)

Dans l’Affaire 2000, le Premier ministre doit répondre de fraude et d’abus de confiance – il avait tenté, semble-t-il, de conclure un accord avec le propriétaire du journal Yedioth Aharaonot, Arnon (Noni) Mozes, dans lequel le journal s’engageait à couvrir de manière positive l’actualité liée à Netanyahu et à sa famille. En échange, le chef de gouvernement aurait fait avancer une législation qui aurait affaibli le principal rival du quotidien, le journal gratuit Israel Hayom.

L’Affaire 4000, qui est également connue sous le nom d’Affaire Bezeq-Walla, est la plus grave dans les dossiers qui touchent le Premier ministre. Ce dernier y est en effet accusé d’avoir autorisé des réglementations qui avaient bénéficié financièrement à Shaul Elovitch, actionnaire principal du géant des télécommunications Bezeq, qui avait ainsi engrangé des centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu avait profité, semble-t-il, d’une couverture favorable sur le site d’information Walla dont Elovitch était également propriétaire.

Netanyahu, de son côté, ne cesse de clamer son innocence, affirmant que ces accusations ont été créées de toutes pièces dans le cadre d’un coup d’État politique mené par la police et par les responsables judiciaires israéliens.

Dans un contexte de guerre et de chaos au Moyen-Orient, il est raisonnable de s’attendre à un nombre non-négligeable d’interruptions du procès au cours du témoignage que donnera Netanyahu devant les juges.

Le tribunal a déjà accepté de commencer l’audience de mercredi à 14h30 pour permettre au Premier ministre d’être présent à la Knesset pour la visite du président du Paraguay, Santiago Peña.

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue lundi soir, Netanyahu a déclaré que les enquêteurs de la police et les procureurs de l’État « n’ont pas trouvé de crime, alors ils ont inventé un crime…. Ils arrêtent des dizaines de personnes autour de moi, ils ruinent leur vie, ils les menacent pour les obliger à faire de faux témoignages… Isolement, privation de sommeil… Ils font tout pour qu’ils fassent un faux témoignage ».

« Tout est mis en œuvre, ajoute-t-il, pour faire tomber Bibi ».

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