Salah Abdeslam, seul survivant du commando du Bataclan : « je ne suis pas un tueur »
L'accusation a requis la réclusion criminelle à perpétuité incompressible ; le verdict est attendu mercredi soir
« Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur ». Le procès des attentats du 13-Novembre s’est terminé lundi sur les derniers mots de Salah Abdeslam et de ses coaccusés avant que la cour ne se retire pour délibérer.
La salle du palais de justice de Paris était archi-comble pour la 148e et ultime journée de ce procès « historique », pour entendre une dernière fois les 14 accusés présents devant la cour d’assises spéciale de Paris. Son verdict est attendu mercredi.
Dernier à se lever, le principal d’entre eux, Salah Abdeslam, a d’abord souhaité s’adresser aux victimes.
« Je vous ai présenté mes excuses. Certains vous diront qu’elles sont insincères, que c’est une stratégie (…) comme si des excuses pouvaient être insincères à l’égard de tant de souffrance », déclare le seul membre encore en vie des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.
L’accusation a requis contre lui la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, la plus lourde sanction prévue par le code pénal, qui rend infime la possibilité d’une libération.
« La perpétuité est sans doute à la hauteur des faits, mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box », lance le Français de 32 ans, d’une voix posée.
« L’opinion publique pense que j’étais sur les terrasses, occupé à tirer sur des gens, l’opinion publique dit que j’étais au Bataclan. Vous savez que la vérité est à l’opposé », affirme-il, tourné vers la cour.
« Je suis rentré en prison à l’âge de 26 ans, je ne suis pas parfait, j’ai fait des erreurs, c’est vrai. Mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur », continue Salah Abdeslam, cheveux noirs rasés de près, collier de barbe et sweat matelassé gris.
« Pas un terroriste »
« Si vous me condamniez pour assassinat, vous commettriez une injustice ».
Tour à tour avant lui, les 13 autres accusés qui comparaissent devant la cour – six personnes, dont cinq présumés mortes, sont jugées en leur absence – ont pris la parole.
« Je n’ai pas attendu ce procès pour avoir des remords et des regrets », soutient Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau » des attentats de Bruxelles de mars 2016, qui a reconnu au cours des débats avoir été également « prévu pour le 13 ».
« J’ai mis des visages sur des victimes, j’ai conscience que ce qui est arrivé est immonde », dit aussi l’ami d’enfance de Salah Abdeslam, contre qui l’accusation a requis la perpétuité avec une mesure de sûreté de vingt-deux ans. « Quelque part, j’aurais pu arrêter tout ça », « tout ça n’aurait jamais dû arriver ».
Comme d’autres accusés, il a souhaité que les victimes et leurs proches puissent un jour « se reconstruire », « tourner la page ».
La majorité des accusés a présenté ses « regrets », « excuses » et « condoléances ». Certains ont martelé, parfois la voix tremblante, leur « confiance en la justice ».
« J’ai très peur de votre décision, j’ai tellement peur que vous fassiez une erreur », reconnaît cependant en larmes Abdellah Chouaa, l’un des trois accusés comparaissant libres et qui pourrait retourner en prison si la cour suivait les réquisitions du parquet.
« Je ne suis pas un terroriste », ajoute à la barre le Belgo-marocain de 41 ans, jugé pour avoir récupéré Mohamed Abrini à l’aéroport à son retour de Syrie. « Je t’en veux Mohamed, tu as détruit ma vie », lui lance-t-il en éclatant en sanglots.
« Rien à comprendre »
Réaffirmant sa compassion pour les victimes, le Tunisien Sofien Ayari craint que les jeux ne soient déjà faits et que l’audience n’y ait pas changé grand-chose, comme s’il n’y avait « rien à comprendre » et que « des fanatiques » dans le box.
« Si on se défend, on se défend comme ‘un vendeur de shit' », dit-il, reprenant les mots d’un avocat des parties civiles. « Si on se tait, c’est qu’on a du mépris. Je ne sais pas quelle attitude adopter, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, ça manque toujours de sincérité ».
Son coaccusé Osama Krayem, qui a refusé de s’exprimer, voire de comparaître pendant de longs mois, est le seul à ne pas s’être levé à l’appel de son nom et a simplement fait « non » de la tête quand le président lui a demandé s’il souhaitait dire un dernier mot.
Moins d’une heure après son ouverture, le président de la cour Jean-Louis Périès déclare l’audience « suspendue ».
La cour va se retirer pour délibérer dans une caserne en région parisienne, dont la localisation exacte est tenue secrète pour des raisons de sécurité. Le verdict est attendu mercredi soir « à partir de 17H00 » a dit le président.