Smotrich, répond à Gantz, confirme que les fonds destinés aux Arabes seront supprimés
Le ministre des Finances dit avoir le soutien de Netanyahu pour mettre fin à l'aide aux habitants de Jérusalem-Est, assurant que l'argent en question était destiné au crime organisé
Au milieu d’un tollé croissant et d’accusations de racisme, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré mardi que le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutenait sa décision de geler un plan d’aide à l’enseignement supérieur destiné aux habitants de Jérusalem-Est, et a insisté pour dire qu’il ne transférerait pas non plus l’argent précédemment mis de côté pour le développement économique dans les autorités locales arabes.
Smotrich a été interrogé sur sa décision de geler un programme quinquennal de 2,5 milliards de shekels pour le développement de l’enseignement supérieur à Jérusalem-Est, dans lequel il a cité comme raison l’inclusion dans le plan de fonds pour un programme préparatoire pour les étudiants arabes à l’Université hébraïque de Jérusalem.
« Je travaille en coordination avec le Premier ministre. Je l’ai rencontré, je lui ai expliqué et il soutient cette position. J’ai reçu son accord », a déclaré Smotrich à la chaîne publique israélienne Kan.
Le chef du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit a également déclaré qu’il ne transférerait pas les 200 millions de shekels destinés aux municipalités arabes qui avaient pourtant été approuvés par le gouvernement précédent, malgré plusieurs avertissements – dont celui du ministre de l’Intérieur Moshe Arbel (Shas) selon lequel le gel pourrait entraîner « des dommages importants pour l’équilibre budgétaire des autorités locales ».
« La décision est définitive, le budget ne sera pas transféré », a déclaré Smotrich. « Si nous trouvons des moyens réels de transférer de l’argent aux citoyens arabes d’Israël, nous apporterons notre aide là où c’est nécessaire. »
Smotrich a affirmé qu’il avait pris cette décision afin d’éviter que les fonds ne tombent entre les mains du crime organisé.
« Un grand nombre d’autorités de la société arabe sont devenues la proie d’organisations criminelles. Le financement se retrouve entre les mains de ceux qui causent des dommages », a déclaré Smotrich.
« L’argent est le principal générateur du crime organisé et il est impossible pour l’État de financer ces choses », a-t-il affirmé, balayant les questions quant à savoir si ses allégations justifiaient la réduction des financements dans des domaines tels que le ramassage des ordures et la garde d’enfants.
« L’argent n’a aucune justification professionnelle, si ce n’est les besoins politiques des maires à l’approche des élections locales, a déclaré Smotrich.
Ces fonds, destinés à stimuler l’économie, à moderniser les infrastructures et à lutter contre la criminalité dans les communautés arabes, ont été approuvés par le gouvernement précédent, qui comprenait le parti islamiste Raam, ainsi que des partis de gauche, de centre et de droite qui se sont unis dans l’opposition à Netanyahu.
Kan a demandé à Smotrich de nommer une personne du Département du budget du ministère des Finances qui aurait soutenu sa décision de ne pas transférer l’argent.
« Je travaille pour vous ? », a répondu Smotrich en se hérissant. « C’est quoi ce contre-interrogatoire ? »
Une vague de crimes violents a submergé la communauté arabe d’Israël ces dernières années. De nombreux dirigeants de la communauté imputent cette vague de crimes à la police qui, selon eux, n’a pas réussi à sévir contre les puissantes organisations criminelles et a largement ignoré la violence. Ils pointent également du doigt des décennies de négligence et de discrimination de la part des services gouvernementaux comme étant la cause première du problème.
Le leader de HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, avait déclaré lundi que la décision de Smotrich de ne pas transférer l’argent aux municipalités arabes « pue le racisme ».
« Le traitement de la criminalité dans la communauté arabe est dans l’intérêt de l’ensemble de la société israélienne et pas seulement de la communauté arabe », a déclaré Gantz. « L’application de la loi par la police ne suffit pas ; il faut un investissement généralisé et sérieux dans tous les domaines : l’éducation, l’infrastructure, la protection sociale et bien plus encore. »
« La décision du ministre des Finances, M. Smotrich, de retenir 200 millions de shekels promis aux autorités arabes pue le racisme et ne nuit pas seulement à ces dernières, mais à l’ensemble de la société », a-t-il ajouté.
Le maire de Modiin, Haïm Bibas (Likud), président de la Fédération faîtière des autorités locales, et le maire de Wadi Araara, Mudar Younes, directeur du Conseil national des maires arabes, ont envoyé une lettre lundi à Netanyahu pour lui demander d’urgence de débloquer les fonds afin qu’il puisse être utilisé pour aider à renforcer ces localités.
Le budget est « nécessaire », dit la lettre, « pour réduire les disparités, intégrer le marché du travail et réduire la violence et la criminalité ».
Le maire de Rahat, Atta Abu Mdegm, a déclaré mardi au site d’information Ynet que Smotrich était « un ministre raciste » et qu’il agissait comme si l’argent provenait de son fonds personnel.
« Les budgets qui ont été réduits vont nuire aux services de sécurité, de jardinage et de nettoyage », a-t-il déclaré. « Je n’ai pas d’autres sources de financement. Le ministère des Finances abuse de nous. »
« Il s’agit d’un fonds public et non de l’épicerie du père [de M. Smotrich]. Nous avons écrit une lettre au Premier ministre et nous saisirons la Haute Cour si nous n’obtenons pas de réponse. Son programme raciste veut que les Arabes ne soient pas des citoyens. C’est un ministre raciste », a-t-il déclaré.
Le chef du parti islamiste Raam, Mansour Abbas, a également attaqué la décision.
« Il faut être un économiste raté et très mauvais – et pas seulement un raciste – pour annuler le financement des autorités locales arabes comme le ministre des Finances Smotrich insiste pour le faire », a déclaré Abbas à Nas Radio.
Des fonctionnaires anonymes du ministère des Finances se sont adressés à un certain nombre de médias ces derniers jours pour exprimer leur désarroi face à cette décision. L’un d’entre eux a fait remarquer à la Treizième chaîne qu’il y avait peu de contrôle sur les énormes sommes d’argent transférées aux municipalités ultra-orthodoxes.
« Il est possible de débattre de l’opportunité de transférer des subventions aux autorités arabes à l’avance – ce n’est pas toujours efficace », a déclaré le fonctionnaire à la Treizième chaîne.
« Mais à partir du moment où nous avons fait une promesse, l’autre partie comptait sur l’argent », a ajouté le fonctionnaire. « Ce n’est que maintenant que nous nous souvenons que tout le monde est corrompu là-bas ? Quelqu’un a-t-il vérifié si chaque shekel est utilisé correctement dans les municipalités ultra-orthodoxes ? Ce n’est pas ainsi que l’on gère un budget d’État. Nous nous creusons la tête pour savoir comment éviter une crise dans les communautés [arabes]. »
La ministre des Renseignements, Gila Gamliel (Likud), a également demandé à Smotrich de revenir sur la décision concernant le programme d’enseignement supérieur de Jérusalem-Est.
« L’intégration de la population arabe dans le monde universitaire revêt une importance sociale, économique et sécuritaire », a déclaré l’ancienne ministre de l’Egalité dans un communiqué.
Le ministre des Finances a déclaré lundi que si l’investissement quinquennal vise à renforcer l’éducation des habitants de Jérusalem-Est et que le gouvernement « préfère que les étudiants arabes fréquentent les universités israéliennes plutôt que les universités palestiniennes », il doit d’abord s’attaquer à « l’épine dans le pied » du monde universitaire israélien, à savoir « les cellules radicales islamiques dans les collèges et les universités israéliens », avant de débloquer l’argent.
« Ces cellules présumées ‘s’identifient à l’ennemi’ sous le prétexte de la ‘liberté académique’ et « en période de tensions sécuritaires, rendent la vie des étudiants juifs insupportable », a affirmé le ministre.
Interrogé par le Times of Israel, un porte-parole de Smotrich n’a pu fournir aucune preuve de l’existence de telles « cellules islamistes radicales » dans les universités israéliennes et a affirmé que le ministre et d’autres membres de son parti faisaient référence à des groupes d’étudiants pro-palestiniens « nationalistes ».
Selon Kan, le chef du Conseil national de sécurité, Tzahi Hanegbi, a donné lundi à Smotrich une « recommandation de sécurité sans équivoque » pour encourager l’enseignement supérieur à Jérusalem comme outil de réduction de la menace terroriste.
L’Université hébraïque de Jérusalem a déclaré que le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Ronen Bar, avait averti Smotrich lors d’un appel téléphonique que « la révocation de ce financement augmenterait la motivation pour des actes nationalistes violents ».
Gianluca Pacchiani a contribué à cet article.