Téhéran et Ryad s’accusent mutuellement de déstabiliser le Yémen
A l'heure où tous les regards sont tournés vers l'Iran, les deux Etats brandissent la menace de guerre
L’Iran et l’Arabie saoudite se sont mutuellement accusés mardi de déstabiliser le Yémen, où la coalition arabe menée par Ryad a intensifié mardi ses bombardements aériens sur Sanaa.
La capitale yéménite a subi avant l’aube les raids aériens les plus violents depuis le début de la campagne militaire jeudi. « De fortes explosions ont résonné toute la nuit. C’était horrible. Nous n’avons pas pu fermer l’oeil », a témoigné un habitant, Assem al-Sabri.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Zeid Raad Al Hussein, a qualifié d' »extrêmement alarmante » la situation au Yémen, « avec des dizaines de civils tués au cours des quatre dernier jours ». « Le pays semble être au bord de l’effondrement total », a-t-il prévenu à Genève.
La tension est également montée sur le plan diplomatique, avec l’Iran au centre, le jour où tous les regards étaient tournés sur les négociations sur le nucléaire iranien à Lausanne.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, a eu des mots très durs contre les rebelles, Saleh et l’Iran, qu’il a tenu pour responsables du conflit.
« Les miliciens chiites et l’ex-président Saleh ont, avec le soutien de l’Iran, cherché à déstabiliser le Yémen et à brouiller les cartes » dans ce pays, a-t-il déclaré devant le Majlis al-Choura, assemblée consultative réunie à Ryad.
« Nous ne sommes pas des va-t-en guerre mais, dès lors que l’on bat les tambours de la guerre, nous y sommes prêts », a-t-il ajouté.
En écho, l’Iran a averti que l’opération au Yémen pourrait embraser l’ensemble du Moyen-Orient.
« Le feu de la guerre » poussera « toute la région à jouer avec le feu », a déclaré le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian à la presse au Koweït. « Les opérations militaires doivent s’arrêter immédiatement », a-t-il réclamé.
Téhéran est accusé par plusieurs pays arabes de chercher à accroître son influence au Moyen-Orient en soutenant les rebelles chiites Houthis qui ont pris le contrôle de larges pans du territoire yéménite ces derniers mois.
Après la prise de Sanaa en septembre, ils ont conquis des régions dans le centre, l’ouest et le sud, jusqu’à menacer la grande ville d’Aden, ce qui a entraîné jeudi dernier le début des frappes de la coalition.
Nuit d’enfer à Sanaa
Les raids d’une extrême violence sur la capitale yéménite Sanaa se sont concentrés dans la nuit sur des positions de la Garde républicaine, corps d’armée resté fidèle à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, aujourd’hui allié aux Houthis.
« Nous avons vécu les raids les plus violents » depuis le début de l’opération, a déclaré à l’AFP Assem al-Sabri. « Je n’ai jamais vécu des explosions aussi violentes », a également témoigné Amr al-Amrani, 30 ans.
« Tous les camps de la Garde républicaine autour de Sanaa, ainsi que l’aéroport, ont été bombardés dans la nuit », a indiqué un troisième habitant.
Outre Sanaa, les raids aériens ont touché des sites de la Garde républicaine et des positions de la DCA dans plusieurs régions, selon des habitants.
L’objectif premier de la coalition, qui comprend une dizaine de pays arabes, est de dégrader et de détruire les infrastructures militaires des Houthis et de leurs alliés.
Le porte-parole saoudien de la coalition, le général Ahmed Assiri, a implicitement admis la responsabilité de la coalition dans le raid qui a fait 40 morts et 200 blessés lundi dans le camp de déplacés d’Al-Mazrak, au nord-ouest du Yémen.
« La coalition a été visée par des miliciens depuis une zone résidentielle et l’aviation de la coalition a dû répliquer » en direction de la source des tirs, a-t-il dit.
A Genève, le Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme s’est dit « choqué » par l’attaque contre le camp de déplacés et a dénoncé d’autres attaques contre des cibles civiles.
« Nous condamnons toutes les attaques contre les hôpitaux et nous appelons toutes les parties (en conflit) à protéger les civils », a déclaré Cécile Pouilly, porte-parole de cet organisme des Nations unies.
Elle a dénoncé en particulier une attaque à Daleh de la 33ème division blindée, favorable à l’ex-président Saleh, et des Houthis contre trois hôpitaux.
Le QG de la 33ème division a subi mardi un raid de la coalition qui a fait 32 morts parmi ses soldats, a affirmé à l’AFP une source médicale dans la ville.
Ces morts viennent s’ajouter à au moins 47 autres civils et militaires qui ont péri lundi et mardi avant l’aube dans différentes attaques dans le sud, dont 20 ouvriers d’une cimenterie de Lahej, touchée par des obus d’origine indéterminée.
Une grande confusion règne dans le sud où, en plus des raids aériens de la coalition, des affrontements opposent des militaires favorables au président Abd Rabbo Mansour Hadi à des Houthis et leurs alliés.
Dans ce climat, le Comité international de la Croix-Rouge a indiqué mardi ne pas avoir obtenu les garanties de sécurité nécessaires pour faire atterrir au Yémen un avion chargé de matériel médical, alors que l’un de ses employé, un Yéménite, a été tué lundi dans le sud.