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Tollé chez les magistrats suite aux déclarations de Macron sur l’affaire Halimi

"Il n'appartient pas au président de la République de se prononcer sur une procédure pénale en cours", a réagi Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la communauté française à Jérusalem, le 23 janvier 2020. (Crédit : Ludovic Marin / AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la communauté française à Jérusalem, le 23 janvier 2020. (Crédit : Ludovic Marin / AFP)

Lors de son voyage en Israël la semaine dernière, le président français Emmanuel Macron s’est exprimé à diverses occasions sur l’affaire Sarah Halimi. Des propos qui ont provoqué de vives réactions chez les magistrats et juristes.

« Il n’appartient pas au président de la République de se prononcer sur une procédure pénale en cours », a réagi Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats, auprès d’Europe 1. « Ce n’est clairement pas son rôle », a-t-elle ajouté, expliquant que la Cour d’appel avait statué « après avoir entendu les parties, les experts, etc ». « Le président de la République est censé être le garant de l’indépendance de la justice, et certainement pas lui donner des directives. »

Le président avait précisé que le besoin d’un procès était là.

Auprès du Monde, la magistrate a ajouté qu’il « dit qu’il veut un procès, mais il a déjà eu lieu devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel où a été débattue avec toutes les parties la question de la responsabilité pénale ». Elle estime également que sa prise de position fait « pression » sur la Cour de cassation, désormais en charge du dossier.

« Ce que vient de faire le président de la République est ni plus ni moins une instruction individuelle adressée à la Cour de cassation, qui sera désormais bien en peine de trancher en toute sérénité », a abondé auprès du Figaro Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. « Nous sommes bien au-delà du commentaire d’une décision de justice. Par ailleurs, le chef de l’État, qui insiste sur la nécessité d’un procès, oublie que même pour un mis en cause dont le discernement est reconnu aboli, il y a une audience où la culpabilité est reconnue et où s’expriment les avocats, le procureur et les parties civiles. »

« Le devoir du président de la République est de veiller à ne pas porter atteinte à l’autorité des décisions de justice qui ont été rendues », a lui expliqué Christian Saint-Palais, président de l’Association des avocats pénalistes. « Bien sûr que ce meurtre a créé une émotion considérable dans ce pays, mais la justice s’est mobilisée pendant des mois pour tout comprendre de ce qui s’est passé », a-t-il indiqué. Il regrette cette « erreur » d’Emmanuel Macron, qui a selon lui « cédé à cette facilité de répondre à une émotion, aussi légitime soit-elle ».

Selon Béatrice Brugère, présidente d’Unité Magistrats, « la déclaration de Macron pose trois problèmes majeurs. Sur le plan politique, il s’exprime publiquement à l’étranger sur un dossier français en cours d’examen devant la Cour de cassation. Or sur le plan institutionnel, il est garant de l’indépendance de la justice et ne peut donc intervenir. De plus, il contredit les déclarations récentes de la garde des Sceaux, qui a donné son avis sur ce dossier toujours en cours d’instruction, ce qui, par ailleurs, est contraire à nos principes. La ministre avait estimé que les juges avaient fait application du droit, alors que les magistrats ne sont jamais tenus par les conclusions des experts psychiatriques pour décider ou non de la tenue d’un procès. Cela a pour effet d’ajouter de la confusion au fonctionnement de la justice qui requiert, au contraire, de la sérénité pour un dossier si sensible. »

« Je croyais que le président de la République était garant de l’indépendance de la justice », a quant à lui affirmé Me Thomas Bidnic, l’avocat de Kobili Traoré.

Si Me Francis Szpiner, avocat des trois enfants de Sarah Halimi, n’a pas commenté la déclaration du président, une « source proche du dossier » selon Le Monde a fait part de son embarras : « C’est la deuxième fois que le président interfère dans ce dossier [il s’était déjà exprimé sur le sujet en juillet 2017, lors de l’hommage aux victimes de la rafle du Vél d’Hiv]. La première fois, ça n’avait pas du tout plu aux magistrats instructeurs. Je ne suis pas sûr que le jeu auquel il se livre aujourd’hui – ‘je ne peux pas le dire mais je le dis quand même’ – soit très habile. »

Dans un entretien au Figaro jeudi soir dans l’avion qui le ramenait à Paris, le président français avait déclaré au sujet de l’affaire Sarah Halimi : « Je crois qu’on ne peut pas, sur ces sujets, décider de nous en remettre uniquement à la justice. Il faut parfois assumer cette caractérisation, dont on estime qu’elle correspond au pays, et que la politique a sa part. » Il a soulevé la question de l’irresponsabilité pénale, et s’est déclaré défavorable à ce « qu’on aille dans une judiciarisation de la folie, parce que ça nous amènerait à des choses qui sont, à (son) avis, extraordinairement non-souhaitables ». Selon lui, « faire évoluer ou clarifier » l’idée que « le rapport de l’expert ne (puisse) pas préempter la décision finale du juge, même sur ce sujet » serait néanmoins nécessaire.

Au Monde, il avait confié : « Le procès, en ce qu’il met les parties autour d’une table et qu’il est un exercice reconnaissant la douleur, permet de dire l’acte. Dans sa part sacramentelle, il est indispensable pour faire son deuil, pour parachever l’exercice de vérité. (…) Il faut un procès sur des sujets aussi forts, quand bien même à la fin, pour des raisons d’expertise, on déciderait qu’il n’y aurait pas de responsabilité pénale, parce qu’on aura établi les autres responsabilités, qu’on aura permis de faire émerger la vérité et de faire le travail de deuil. »

Jeudi après-midi à Jérusalem, le président avait déclaré savoir “combien dans ce contexte l’émotion est encore forte après la décision de la Cour d’appel de Paris rendue sur l’assassinat” de cette Parisienne juive en 2017. “Je ne peux vous parler avec le cœur, car je suis le garant de l’indépendance de la justice et des principes cardinaux de notre Code pénal”, avait-il commenté. “Le président de la République n’a pas à commenter une décision de justice ni à prétendre la remettre en cause. Je veux dire simplement des choses très simples : un pourvoi en cassation a été formé et constitue un pourvoi possible par le droit.”

Emmanuel Macron avait dit avoir été touché par les nombreuses lettres reçues, exprimant une certaine “rage et colère” à l’idée que « la justice ne puisse jamais être faite ».

“La justice française a reconnu le caractère antisémite de ce crime, et cela personne ne peut le remettre en cause”, avait-il néanmoins rappelé.

“La justice doit avoir lieu, et je sais la demande de procès qui doit se tenir. […] La question de la responsabilité pénale est l’affaire des juges ; celle de l’antisémitisme est celle de la République. […] Le besoin de procès est là, le besoin que toutes les voix s’expriment, et qu’on comprenne ce qu’il s’est passé.”

Il avait expliqué avoir conscience que ce sujet « tient à cœur et a suscité tant d’émoi, de colère, d’attente ». « Mais pour autant ne pensez pas une seule seconde que l’obscurité et la violence gagneront. […] Nous mènerons ce combat ensemble. »

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