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« Une décision irréprochable, » selon l’avocat de l’assassin de Sarah Halimi

"Le problème, ce n'est pas le cannabis, mais la bouffée délirante aiguë, qui aurait pu être provoquée par autre chose", explique Me Thomas Bidnic, avocat de Kobili Traoré

Le Palais de justice de Paris abritant la Cour d'appel sur l'île de la Cité. (Crédit : Benh Lieu Song/CC BY-SA 3.0)
Le Palais de justice de Paris abritant la Cour d'appel sur l'île de la Cité. (Crédit : Benh Lieu Song/CC BY-SA 3.0)

Jeudi, Kobili Traoré, le meurtrier de Sarah Halimi, une sexagénaire juive, a été déclaré pénalement irresponsable par la cour d’appel de Paris. Celle-ci écarte ainsi la possibilité de le juger aux assises comme le réclamaient les proches de la victime.

Après le jugement, l’avocat de la défense, Maitre Thomas Bidnic, a exprimé sa « satisfaction et son soulagement ». À l’inverse, les avocats de la partie civile et de nombreux citoyens, Juifs comme non-Juifs, des responsables communautaires et des personnalités publiques ont critiqué le jugement. Plusieurs responsables politiques se sont également exprimés – si la droite a largement condamné la décision de justice, la gauche, hormis Anne Hidalgo, et LREM, hormis François de Rugy, sont restés particulièrement silencieux.

« N’était en cause ici [lors des audiences] ni la lutte contre ce fléau qu’est l’antisémitisme, ni la politique pénale souhaitable contre le cannabis mais uniquement la question du discernement de Kobili Traoré au moment des faits, or celui-ci était manifestement aboli », a ajouté Me Thomas Bidnic. « La justice l’a dit, c’est normal mais, parfois, c’est la simple application de la loi qui apparaît comme subversive… Certains marchent sur la tête », a-t-il estimé peu après le jugement.

Maitre Thomas Bidnic, exerçant au Barreau de Paris, a prêté serment en 1995. Il a travaillé sur de nombreuses affaires liées au trafic de drogue.

Dans un entretien avec le magazine Le Point publié vendredi, il est revenu plus longuement sur le jugement, sur le procès et sur les trois expertises psychiatriques dont a fait l’objet son client.

« L’article 122-1 du Code pénal est clair : ’N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.’ Le psychiatre Daniel Zagury est le seul à avoir conclu qu’il n’y avait pas abolition du discernement de Kobili Traoré, mais une simple altération au moment des faits, explique-t-il. Pour cela, il relève que l’abolition ne peut être retenue ‘du fait de la prise consciente, volontaire et régulière du cannabis en très grande quantité’. »

« Même si le docteur Zagury a eu cette conclusion, que je conteste, toute son expertise décrit au contraire l’abolition du discernement, a-t-il ajouté. Il écrit d’ailleurs qu’il ‘ne faut pas raisonner avec un schéma causal simple, comme celui de la consommation d’alcool qui provoque l’ivresse. La bouffée délirante aiguë n’est pas l’ivresse cannabique’. Pour le dire avec nos mots, Kobili Traoré était un gros consommateur de cannabis et les joints qu’il fumait chaque jour avaient jusque-là l’effet recherché par beaucoup de consommateurs, mais en aucun cas une bouffée délirante aiguë. »

Selon l’avocat, le docteur Zagury a expliqué « qu’une fois déclenché, le processus délirant agit indépendamment, pour son propre compte, même si la personne interrompt sa consommation ». Ainsi, pour cette raison, Bidnic a été « fondamentalement en désaccord » avec la conclusion de l’expertise du médecin. « J’ose même dire qu’il était en désaccord avec lui-même… », dit-il.

« Pour moi, ce qu’il décrit, c’est que Kobili Traoré n’était plus maître de lui-même, son discernement était aboli. Il n’a pas été en mesure d’anticiper la crise qui allait venir puisqu’il n’avait jamais rien connu de similaire auparavant. Et que le cannabis n’est pas connu pour provoquer des bouffées délirantes aiguës, bien au contraire… En ce sens, la décision de la cour d’appel m’apparaît respecter notre droit et le principe fondamental au terme duquel il n’est pas de responsabilité sans discernement. »

« Le cannabis, ce jour-là, a déclenché une bouffée délirante qui n’était pas prévisible, résume-t-il. C’est ce qu’est venu dire le docteur Bensussan. Le problème, ce n’est pas le cannabis, mais la bouffée délirante aiguë, qui aurait pu être provoquée par autre chose. »

Il soutient également qu’il n’y a jamais eu de « projet criminel », le crime ayant été causé suite à la bouffée délirante, et que son client n’a ainsi jamais « pris de la drogue pour se donner du courage ».

« Sur le fond, c’est une décision qui me paraît irréprochable, dans un contexte pour le moins troublé », conclut-il, après avoir reconnu la hausse de l’antisémitisme en France, « notamment dans certains milieux musulmans ».

Me Thomas Bidnic condamne également le président Emmanuel Macron, « qui s’est permis une atteinte à la séparation des pouvoirs en se prononçant publiquement sur ce dossier ».

En juillet 2017, lors des 75e commémorations de la Rafle du Vel d’Hiv, le président Emmanuel Macron avait déclaré en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu que la « justice [devait] faire toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi ».

La cour d’appel, dont la décision de jeudi met fin à la détention du suspect, a en outre ordonné son hospitalisation et des mesures de sûreté pour une durée de 20 ans, comprenant l’interdiction d’entrer en contact avec les proches de la victime et de retourner sur les lieux du crime.

Sarah Halimi (Crédit : autorisation de la Confédération des Juifs de France et des amis d’Israël)

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017 à Paris, Kobili Traoré s’est introduit chez sa voisine de 65 ans Lucie Attal – aussi appelée Sarah Halimi – au troisième étage d’un immeuble HLM du quartier populaire de Belleville, après avoir traversé l’appartement d’une famille qui s’était barricadée dans une chambre.

Aux cris d’ »Allah Akbar », entrecoupés d’insultes et de versets du Coran, ce jeune musulman a rouée de coups la septuagénaire sur son balcon avant de la précipiter dans la cour.

Un débat s’était déroulé le 28 novembre. L’état psychologique du meurtrier de la sexagénaire juive Sarah Halimi, au moment des faits, était au cœur des débats devant la cour d’appel de Paris, saisie de la question de son éventuelle irresponsabilité pénale.

« Est-ce que la prise volontaire d’une substance illicite, dangereuse pour la santé, vous permet d’être exonéré de votre responsabilité pénale ? », avait ironisé Me Francis Szpiner, avocat des enfants de la sexagénaire.

Sa consœur, Muriel Ouaknine-Melki, qui représente le frère de Mme Halimi, a pour sa part noté qu’en prétendant que sa victime s’était suicidée au moment de l’arrivée de la police, le suspect avait mis en avant « des éléments de stratégie qui sont la preuve qu’il a en conscience enfreint la loi ».

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