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Macron aux Français d’Israël sur Sarah Halimi : « le besoin de procès est là »

Le président est revenu sur l'affaire Sarah Halimi, l'antisémitisme, le rôle du pays dans la région et ses liens avec Israël

Journaliste

Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la communauté française à Jérusalem, le 23 janvier 2020. (Crédit : Ludovic Marin / AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la communauté française à Jérusalem, le 23 janvier 2020. (Crédit : Ludovic Marin / AFP)

Ce jeudi midi, après une commémoration au mémorial des déportés français à Roglit, à l’ouest de Jérusalem, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours de près d’une quarantaine de minutes devant la communauté française vivant en Israël au Centre de convention international de Jérusalem. Il a notamment évoqué la lutte contre l’antisémitisme, les liens entre la France et Israël et le rôle de la France au Proche-Orient. Il a insisté à plusieurs reprises sur le rôle et les valeurs de la République française.

Adoptant un ton spontané, enjoué et amical au début de son discours, il s’est dit « très heureux » d’être de retour en Israël et a adressé ses vœux pour la nouvelle année à tous les citoyens français vivant à l’étranger – qui sont environ deux millions. Il a rebondi en annonçant que le vote par Internet serait disponible dès les prochaines élections consulaires de 2020 dans des conditions de « sécurité et de secret ».

Emmanuel Macron a promis de “continuer à simplifier les procédures […] pour les démarches consulaires, de continuer à accompagner les ressortissants français partout dans le monde” et d’œuvrer afin que les enfants français bénéficient d’une « bonne éducation » partout dans le monde et que le français continue à « rayonner ». Il a expliqué que, d’ici 2022, 500 filières d’éducation bilingue francophone seront labellisées, notamment dans la région via un fonds pour « financer toutes les écoles des chrétiens d’Orient, [dans lesquelles] 400 000 enfants apprennent le français », a-t-il rappelé. Il a également rappelé la création d’un pôle d’excellence à Tel Aviv avec l’école Marc Chagall et le lycée franco-israélien Mikvé Israël.

Il s’est ensuite directement adressé à son auditoire : « Quels que soient les choix de vie, les histoires familiales, si vous êtes là depuis des générations ou que vous venez d’arriver ou que vous venez de faire votre alyah, vous continuez d’être des ambassadeurs de la France ici. […] Vous portez nos valeurs, notre histoire, nos ambitions, notre voix. »

https://fr-fr.facebook.com/elysee.fr/videos/465245661052195/?type=2&theater

Le président s’est dit ému par l’hommage auquel il venait de participer à la forêt de Roglit au mur des noms des Français juifs déportés. « C’est notre lieu par essence, parce que c’est celui de ces enfants, de ces adultes, françaises, français, qui sont tombés. Avoir ce mur des noms, ici avant même que le mur des Noms n’ait été érigé à Paris, je trouve que c’est un symbole extrêmement fort. »

Remerciant Serge et Beate Klarsfeld pour ce site et les qualifiant de « prophètes de vérité, comme tous ceux qui [les] ont accompagnés dans ce combat et tous ceux qui vont prendre la relève », il a déclaré : « avoir ces 80 000 noms, ces 80 000 arbres, ces 80 000 vies qui défient en quelque sorte le crime absolu, c’est une conquête que vous avez réussie avec quelques autres qui est absolument formidable. C’était le 18 juin 1981. Et je crois que ce qui est aussi formidable, c’est le symbole de ce que, collectivement, nous voulons porter, qui est cet esprit de résistance. »

Après avoir rendu hommage aux Justes de France et à leur courage, il a salué le « travail de mémoire que nous continuons de faire » à travers diverses institutions qui consistaient aussi à « reconnaitre la place des Justes et de leur courage dans notre République ».

Saluant le travail de l’école qui transmet la mémoire de la Shoah, le président a rappelé la nécessité de répondre à l’injonction du « plus jamais ça ». Il a également salué « l’engagement collectif de la communauté internationale à ne pas oublier » et l’importance de la transmission de la mémoire « face au relativisme et au mensonge qui n’ont pas quitté ce monde ».

Le président français Emmanuel Macron et les chasseurs de nazis Serge et Beate Klarsfeld au mémorial de la forêt de Roglit de Jérusalem, le 23 janvier 2020. (Crédit : Ludovic Marin / AFP)

« C’est un combat qui n’est jamais gagné, c’est cela que nous allons porter cet après-midi à Yad Vashem. […] Ma détermination à agir en la matière est totale », a rappelé le président, rebondissant ensuite sur l’antisémitisme en France.

« Nous faisons malheureusement tous le même constat, qui n’est pas valable que pour la France. L’antisémitisme revient. Pas ces derniers mois, non, mais ces dernières années. Il est là, son cortège d’intolérance, de haine. […] Mais je veux vous le dire très clairement : la France n’aura pas ce visage. Elle aura tous ceux de cette foule si émue qui s’est rassemblée tout le long de la rue Souflot pour accompagner Simone Veil dans sa dernière demeure. La France, ce sont les visages marqués par la peine profonde de cette disparition et de quelques autres. »

« L’antisémitisme est là, en France, en Europe, dans la région où vous vivez. L’antisémitisme […] ne doit pas être uniquement ni même d’abord le problème des Juifs. L’antisémitisme en France est d’abord et avant tout le problème de la République. L’antisémitisme, c’est la quintessence, le visage premier de la haine de l’autre. A chaque fois que les démocraties se sont affaiblies, à chaque fois que de grandes crises ont basculé la confiance et ravivé les divisions, le premier signal ce fut l’antisémitisme. Ce qui semblait enfoui, tu, […] remonte en ce moment de plein fouet. Notre pays et toutes les démocraties occidentales traversent une crise très profonde ; elle est économique et sociale, elle est morale et civilisationnelle. C’est un doute sur nous-mêmes, sur notre avenir, sur notre capacité à nous projeter. Face à ce doute, notre responsabilité est de construire un projet commun, un futur possible. Mais il est évident que jouer sur les peurs est plus aisé. Et aujourd’hui, nombreux sont ceux qui aujourd’hui dans notre pays, dans nos pays, jouent avec les peurs, les confusions, le relativisme. La première peur est celle de l’autre. C’est pour cela que l’antisémitisme revient. Il nous faut le combattre avec force en luttant contre toutes les violences et tous les amalgames, les profanations de cimetières, de mémoriaux, les croix gammées sur les portraits, les insultes antisémites assainies par des foules aveugles, les violences sous toutes leurs formes. Lutter contre les confusions, quand de manière honteuse on détourne des signes et des traces de l’histoire sur d’autres causes en la déformant et en la reconvoquant. Je veux aussi dénoncer tous les discours et les formes de compromission inacceptable, lorsque ce genre de confusion advient ou que le silence se fait. En France, ces violences, ces profanations n’ont pas leur place. En France, l’utilisation de l’étoile jaune n’a pas à être fait dans un insupportable amalgame. En France, le combat contre l’antisémitisme est inséparable du combat contre le racisme, parce que c’est aussi le combat contre ce qui mine la République et notre pays. »

Emmanuel Macron a poursuivi en affirmant qu’il fera tout « pour conjurer cette solitude des Juifs de France ». « Il n’y a pas de solitude à avoir, car ce combat est celui de la République : la République a son histoire, et cette part juive de l’âme française, c’est nous, c’est la France, c’est la République qui protège en son sein tous ses enfants. Il y a les paroles, mais il doit y avoir les actes. »

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors du 34e dîner annuel du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, à Paris, le mercredi 20 février 2019. (Crédit : Ludovic Marin, Pool Photo via AP)

Il a ensuite rappelé les engagements pris il y a quelques mois lors du dernier dîner du Crif : la protection renforcée de 868 lieux de culte juifs, la dissolution des associations appelant à la haine et à l’action violente, la création d’une structure dédiée à la lutte des crimes de haine, la mise en place d’une plateforme contre les discours haineux en ligne.

« La liberté d’expression, ce n’est pas la propagation de la haine. La liberté d’expression, ce n’est pas la résurgence des discours de haine, des formes contemporaines de harcèlement, protégées par l’anonymat en ligne », a-t-il ajouté, rappelant la nécessité d’une « civilité républicaine » et de la « capacité à nous aimer en société et à vivre ensemble dans nos différences ».

Emmanuel Macron a ainsi jugé que « nous devons nous équiper, bâtir un droit nouveau, poursuivre et sanctionner ».

Il s’est félicité de la reconnaissance par l’Assemblée nationale de la définition de l’IHRA, celle-ci visant à « raffermir notre combat contre la négation même d’Israël qui cache l’antisémitisme le plus primaire », et non pas à « museler la critique d’un pays ».

Le président a expliqué miser sur l’éducation : « Nous avons à apprendre mais aussi à faire revivre, à faire toucher du doigt, ce qu’est l’histoire de la République, de notre pays et de l’humanité. Pour cela, l‘éducation joue un rôle essentiel […] face aux actes et à toutes les provocations antisémites. Le soutien de l’État au travail de mémoire et de l’éducation a été renforcé : 10 000 élèves de plus pourront visiter cette année le mémorial de la Shoah – autant de chances supplémentaires de faire reculer la haine. » Un combat « de chaque jour qui n’est pas terminé ».

« Nous traquerons une à une les attaques antisémites, comme toutes les formes de discrimination ou de racisme […] et la justice sera rendue », a expliqué le président, citant ensuite les noms de victimes de l’antisémitisme : « Ilan, Sarah, Jonathan, Gabriel, Arieh, Myriam, François-Michel, Yoav, Philippe, Yohan : nous pensons à vous et nous nous battrons pour vous – et je ne cite que quelques-uns des prénoms. […] Je pense à vos enfants et vos familles, et tout le gouvernement est mobilisé pour que cela n’advienne plus. »

Un modèle de cartes postales envoyées à Emmanuel Macron réclamant justice pour Sarah Halimi. (Crédit : Consistoire israélite du Haut-Rhin)

S’exprimant sur l’affaire Sarah Halimi, le président a déclaré savoir “combien dans ce contexte l’émotion est encore forte après la décision de la Cour d’appel de Paris rendue sur l’assassinat” de cette Parisienne juive en 2017. “Je ne peux vous parler avec le cœur, car je suis le garant de l’indépendance de la justice et des principes cardinaux de notre Code pénal”, a-t-il commenté. “Le président de la République n’a pas à commenter une décision de justice ni à prétendre la remettre en cause. Je veux dire simplement des choses très simples : un pourvoi en cassation a été formé et constitue un pourvoi possible par le droit.”

Emmanuel Macron a dit avoir été touché par les nombreuses lettres qu’il avait reçues, exprimant une certaine “rage et colère” à l’idée que « la justice ne puisse jamais être faite ». “La justice française a reconnu le caractère antisémite de ce crime, et cela personne ne peut le remettre en cause”, a-t-il néanmoins rappelé.

“La justice doit avoir lieu, et je sais la demande de procès qui doit se tenir. […] La question de la responsabilité pénale est l’affaire des juges ; celle de l’antisémitisme est celle de la République. […] Le besoin de procès est là, le besoin que toutes les voix s’expriment, et qu’on comprenne ce qu’il s’est passé.”

Il a expliqué avoir conscience que ce sujet « tient à cœur et a suscité tant d’émoi, de colère, d’attente ». « Mais pour autant ne pensez pas une seule seconde que l’obscurité et la violence gagneront. […] Nous mènerons ce combat ensemble. »

Le président français a ensuite assuré de son attachement à la sécurité d’Israël, mais « dans le même temps à n’avoir jamais une politique d’alignement sur la voie la plus extrême, mais de vigilance sur les équilibres qui doivent se tenir ».

S’il a dit « lutter avec vigueur contre la nucléarisation du régime iranien », il a souligné son « attachement au droit international et à la lutte contre toute forme d’escalade, […] au respect de l’autre », éléments qui seront « les seuls garants d’une paix durable ».

« C’est la voix que la France porte dans le processus de paix dont presque plus personne n’ose parler, considérant qu’il ne se terminera pas. Il aura une fin ; elle doit être heureuse. Cette fin ne peut la victoire de l’un sur l’autre. »

« Le futur se fera dans la cohabitation de tous avec tous ; ce sera aussi notre rôle d’aider à le bâtir », a-t-il indiqué, avant d’annoncer qu’il « reviendrait prochainement dans le cadre d’un voyage bilatéral ».

Le président français Emmanuel Macron visite le mur Occidental dans la Vieille ville de Jérusalem, le 22 janvier 2020. (Crédit : Shlomi Cohen / Flash90)

Il a conclu en citant l’amitié entre la France et Israël et les différents évènements organisés entre les deux pays, qui continuent à « scander ce lien, cette amitié, cette compréhension » et en s’adressant à son auditoire. « Vous pouvez clairement assumer ces identités multiples que vous portez ici : c’est aussi la République française et c’est je crois la force de ce que vous toutes et tous portez ici avec vigueur et entrain en Israël ».

« N’oubliez jamais qu’ici, vous portez un peu de la France, de son exigence, de ses valeurs, de ses principes, dont la région à tant besoin, mais aussi son formidable goût de l’avenir, de sa capacité à semer, à faire vivre. Chacun peut semer quelque chose qui rendra le monde un peu meilleur. »

Il a enfin fait part de sa rencontre avec un survivant d’Auschwitz, Shaul. Macron s’est dit ému par les propos de ce Polonais, accueilli par la France après la guerre, qui s’est initié à la langue de Molière grâce à des traductions de Rachi de Troyes. « Se dire qu’un rabbin médiéval de la ville de Troyes a pu à un moment donné semer quelque chose qui a permis à un enfant juif polonais de saisir une main tendue alors qu’il n’avait plus rien, et de le dire 70 ans après à un président de la République française à Roglit… Je me dis que la vie est formidablement inventive et pleine d’espoir. Je veux vous dire aussi que rien dans ce que vous faites en particulier ici n’est innocent, et peut-être que vous serez chacune et chacun le Rachi de Troyes du Shaul qui n’est pas né. Pensez-y à chaque fois, car vous vivez dans des lieux d’histoire à un moment où sans doute nous faisons l’histoire. C’est aussi cela sans doute un peu de votre place ici. »

« Vive la République, vive la France, vive l’amitié entre Israël et la France », a-t-il scandé. Son discours s’est achevé sur la Marseillaise.

Emmanuel Macron doit se rendre cet après-midi à Yad Vashem avec de nombreux autres dirigeants internationaux pour la cérémonie marquant le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau.

Le président français Emmanuel Macron et son homologue israélien Reuven Rivlin lors de leur conférence de presse commune, à la résidence officielle du président israélien, à Jérusalem, le 22 janvier 2020. (Crédit : Haim Zach / GPO)

Hier, aux côtés de son homologue israélien Reuven Rivlin, à la résidence officielle de celui-ci à Jérusalem, le président français avait affirmé que « l’antisémitisme revient à chaque fois que les démocraties sont malades, que les crises sont là, et ne concernent pas simplement les Juifs, mais notre destin commun, et pour ce qui de la France toute la République. » Il a ajouté que la France était prête à lutter avec « détermination et force » contre l’antisémitisme, dans l’espace « public comme virtuel ».

« Nous avons aussi décidé de discuter et de poser très franchement la question de l’antisionisme, aujourd’hui profondément lié à la question de l’antisémitisme. […] L’antisionisme, lorsqu’il est la négation de l’existence d’Israël comme État est un antisémitisme », avait affirmé le président.

« Ce qui ne veut pas dire qu’il deviendrait impossible d’avoir des désaccords, de critiquer telle ou telle action du gouvernement, d’Israël mais la négation de son existence relève bien aujourd’hui d’une forme contemporaine d’antisémitisme », avait-il souligné.

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