Trahis par Bennett, les nationalistes-religieux ne toléreront pas un remake
Nombre de résidents de Givat Shmuel qui avaient soutenu Yamina en 2021 sont furieux car leurs votes ont été utilisés pour évincer Netanyahu et voteront Likud ou HaTzionout HaDatit
GIVAT SHMUEL – Le parti Yamina de Naftali Bennett avait obtenu plus de voix que n’importe quelle autre faction, de la ville de Givat Shmuel, dans la banlieue de Tel Aviv aux élections de l’année dernière.
Le parti offrait un foyer politique concret à de nombreux habitants de cette ville de 30 000 habitants, connue pour sa population nationaliste-religieuse importante et active – une population résolument de droite, mais pas nécessairement à l’aise avec certains des éléments les plus extrémistes qui ont pris de l’importance au sein de la communauté au cours des dernières années.
Les sept sièges remportés par le parti se sont avérés cruciaux car ils ont permis au bloc diversifié de partis opposés au chef du Likud Benjamin Netanyahu, de réunir suffisamment de voix pour former un gouvernement en juin 2021. Longtemps allié aux partis religieux et de droite, Bennett avait consenti à changer de bloc pour devenir Premier ministre, espérant ainsi mettre un terme au cycle de campagnes électorales qui afflige le pays depuis 2018.
Mais la coalition n’a tenu qu’une seule année, et sa dissolution a entraîné la chute de Yamina, dont les membres se sont dispersés dans diverses directions. On note parmi eux, Matan Kahana, membre du camp nationaliste-religieux, qui, lorsqu’il était ministre des Affaires religieuses, a avancé des réformes qui ont été populaires parmi les membres traditionnels et libéraux de cette communauté.
Reconnaissant le rôle essentiel de ces électeurs parfois appelés « la droite douce », le ministre de la Défense Benny Gantz a recruté Kahana dans son parti HaMahane HaMamlahti nouvellement remodelé en août, qui réunit le parti centriste Kakhol lavan et le parti de droite Tikva Hadasha de Gideon Saar.
Avec la disparition de Yamina de la carte politique et le glissement encore plus à droite de l’alliance HaTzionout HaDatit – et de ses leaders d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir – il était raisonnable d’espérer que le parti HaMahane HaMamlahti attirerait les électeurs nationalistes-religieux dans des villes comme Givat Shmuel.

Mais les habitants de la ville, qui font partie de la classe moyenne, ont déclaré mercredi au Times of Israel qu’ils n’avaient pas été touchés par ce geste.
« Ce n’est pas parce que Bennett a décidé de trahir ses électeurs et de s’associer à la gauche que nous allons faire de même », a déclaré Gali Rubin qui rentrait chez elle après avoir fait ses courses. « Nous ne sommes peut-être pas enchantés par les options qu’il nous a laissées, mais, personnellement, je vais me boucher le nez et voter pour Smotrich ou le Likud. La plupart de mes amis ici me disent qu’ils vont faire de même ».

On se bat pour les restes casher
Asher Cohen, professeur de sciences politiques à l’Université Ben Gurion (BGU), a déclaré que les sentiments de Rubin étaient conformes à ses propres observations. « Il est vrai qu’il y a beaucoup d’électeurs nationalistes-religieux indécis, mais la grande majorité d’entre eux votent au sein du bloc », a-t-il déclaré, c’est-à-dire pour les partis qui soutiennent Netanyahu.
Soulignant que les électeurs nationalistes-religieux sont majoritairement de droite, Cohen a ajouté que « ceux qui pensent qu’en ouvrant l’urne, ils trouveront beaucoup d’électeurs de Gantz parce que Matan Kahana est là, se trompent ».
Le professeur de BGU a cité des sondages récents qui placent le bloc des partis religieux de droite dirigé par Netanyahu à environ 60 sièges – à peu près le même nombre qu’avant que Bennett ne pousse Yamina dans le bloc anti-Netanyahu pour former une coalition étroite.

« Les électeurs de Yamina ont décidé de mordre sur leur chique et de revenir aux sources, que ce soit en votant pour Netanyahu ou pour Smotrich », a déclaré Cohen, qui a écrit de nombreux articles sur le camp nationaliste-religieux.
Il a reconnu qu’un nombre très limité d’électeurs nationalistes-religieux pourraient en effet être prêts à suivre Kahana dans les rangs du parti HaMahane HaMamlahti, mais il a insisté sur le fait qu’ils représentaient bien moins d’un siège à la Knesset.
Ariel Finkelstein, chercheur à l’Institut israélien de la démocratie, a reconnu que le nombre d’électeurs prêts à changer de bloc était faible, mais il a soutenu qu’il pouvait néanmoins s’avérer crucial étant donné que les élections sont décidées par la plus petite des marges.
« Gantz l’a compris, et il a fait venir Matan Kahana afin d’attirer les électeurs vers son parti », a déclaré Finkelstein.
Cependant, si l’on se fie aux sondages, cette initiative n’a guère fait bouger les choses. HaMahane HaMamlahti obtient 12 sièges, soit le même nombre de sièges que le parti original de Gantz, Kakhol lavan, et le parti Tikva Hadasha de Gideon, avant qu’ils ne décident d’unir leurs forces.
Finkelstein estime que Gantz n’a pas réussi à attirer un plus grand nombre d’électeurs nationalistes-religieux parce qu’il est encore associé au centre-gauche. Après tout, il a dirigé ce bloc de partis anti-Netanyahu il y a seulement deux élections, et il capitalise une nouvelle fois sa campagne sur son refus de faire équipe avec le leader du Likud.

Enthousiasme croissant pour Ben Gvir
Le manque d’enthousiasme pour l’un ou l’autre des partis était perceptible à Givat Shmuel, où les pancartes ou autocollants de campagne étaient quasiment inexistants, bien que les élections aient lieu dans moins d’une semaine.
« Les gens sont fatigués des élections partout, mais encore plus ici après une telle déception des politiciens la dernière fois », a déclaré Shifra Rappaport, une ancienne électrice de Yamina.
S’exprimant alors qu’elle se rendait à un cours de Talmud à la synagogue du quartier, cette retraitée à la tête couverte a déclaré qu’elle était encore en train de se concerter avec ses enfants pour savoir pour qui voter cette fois-ci.
« Pour vous dire la vérité, une partie de moi ne veut pas voter du tout », a ajouté Rappaport, avant de reconnaître qu’elle soutiendrait probablement le parti HaTzionout HaDatit.
La ville semblait relativement calme mercredi soir. Les centres commerciaux étaient à peine remplis et l’essentiel de l’action semblait se dérouler devant la douzaine de synagogues où les hommes se pressaient après l’office du soir.
L’un de ces membres du quorum était Yossi Shmuel, qui vit à Givat Shmuel depuis plus de 20 ans.

Il reconnaît que si voter pour un parti comme le HaTzionout HaDatit a pu être difficile pour les habitants par le passé, la combinaison de ce qu’il considère comme la « trahison de Bennett » et les positions défendues par Ben Gvir, « qui est beaucoup plus modéré aujourd’hui qu’il ne l’était il y a 25 ans », a grandement facilité la décision des habitants de Givat Shmuel.
Ben Gvir « veut ce que la majorité du pays veut : la peine de mort pour les terroristes, des tribunaux qui seront un peu plus en faveur du peuple et de cette terre d’Israël…, [et] l’expulsion de tous les terroristes vers la Syrie ou vers n’importe quel pays arabe qui les prendra », a déclaré Shmuel.
Dana Abekasis a déclaré qu’elle n’avait aucun problème à se compter parmi les partisans de HaTzionout HaDatit, affirmant qu’elle avait déjà soutenu le parti dans le passé.
« Je connais des gens ici qui ont voté pour Yamina, mais après ce qui s’est passé la dernière fois, tout le monde se rend compte que nous devons rester [au sein du bloc] afin de garantir qu’Israël reste un État juif », a-t-elle déclaré alors qu’elle terminait de dîner avec son jeune fils dans une pizzeria.
Selon d’Abekasis la majorité des habitants de Givat Shmuel voteront en faveur de HaTzionout HaDatit. Un homme assis à la table d’à côté a semblé confirmer les propos en ajoutant que « Ben Gvir est le meilleur, mon frère ».
Abekasis a admis avoir aussi quelques affinités avec Gantz, mais a dit qu’elle ne pourrait pas le soutenir à cause des partis de gauche avec lesquels il est prêt à s’aligner.

« Avec lui, [HaTzionout HaDatit] se retrouverait exclu du gouvernement », se lamente Abekasis. « Nous n’aurions pas beaucoup de pouvoir, et les bus seraient autorisés à circuler le jour du shabbat ».
« Je ne suis pas une fanatique, mais je veux préserver le caractère juif du pays pour mon fils », a-t-elle ajouté.
Bien qu’il disqualifie HaTzionout HaDatit pour ses positions d’extrême droite, Gantz insiste sur le fait qu’il réussira à former une large coalition qui inclura les partis ultra-orthodoxes. Ces derniers ne permettraient probablement jamais de modifier le statu quo sur les questions de religion et d’État. Mais les deux partis haredi ont exclu de siéger sous la direction de Gantz.
Un éléphant dans la pièce
Il existe bien sûr une alternative plus modérée pour les électeurs nationalistes-religieux qui ne sont pas à l’aise avec le parti de Smotrich et Ben Gvir, mais presque aucun des résidents de Givat Shmuel qui ont parlé au Times of Israel ne l’a mentionné : le parti HaBayit HaYehudi, qui est de retour sur le bulletin de vote de cette élection après avoir été incorporé à Yamina lors des trois dernières élections. Le numéro 2 du parti, Yossi Brodny, est même le maire de Givat Shmuel.
Mais cela non plus n’a pas semblé faire grande impression sur les habitants, qui ont été rebutés par la chef du parti, Ayelet Shaked. L’ancienne numéro deux de Yamina a payé cher sa décision de rejoindre Bennett dans son gouvernement éphémère, dans lequel elle occupe toujours le poste de ministre de l’Intérieur. HaBayit HaYehudi enregistre systématiquement des résultats inférieurs au seuil électoral.
Cohen, de l’Université Ben Gurion, a déclaré que Shaked ne devrait pas compter sur les électeurs nationalistes-religieux pour entrer à la Knesset. « Nous parlons de la population qui a été la plus malmenée par le seuil électoral », a-t-il expliqué, citant l’échec du parti Tehiya en 1992 – qui avait permis à Yitzhak Rabin, alors président d’Avoda, de devenir Premier ministre et de lancer le processus d’Oslo – ainsi que l’échec du parti HaYamin HaHadash, qui était à 1 500 voix d’obtenir des sièges en 2019.

« Par conséquent, c’est le secteur qui est le plus prudent quand il s’agit du seuil », a déclaré Cohen.
Il a également affirmé que le problème de crédibilité de Shaked allait au-delà de sa décision de rejoindre le gouvernement précédent après avoir promis de ne pas siéger avec plusieurs de ses partis pendant la campagne électorale.
Il y a deux mois à peine, elle a accroché dans tout le pays des panneaux sur lesquels on pouvait lire : « Nous ne donnerons pas le 61e siège à Bibi », a-t-il fait remarquer.
Ces pancartes appartenaient au parti éphémère HaRouah HaTzionit, que Shaked a lancé cet été avec Yoaz Hendel, législateur de Tikva Hadasha. À l’époque, les deux candidats ont déclaré qu’ils étaient prêts à siéger avec Netanyahu, mais pas dans un gouvernement strictement de droite.
Après l’échec du parti, Shaked s’est séparée de Hendel et est retournée au HaBayit HaYehudi, avec un nouveau message.
« Aujourd’hui, elle dit : ‘Je serai le 61e siège de Bibi' », a déclaré Cohen. « Certaines des anciennes pancartes n’ont même pas encore été enlevées ! ».

De fait, on trouve effectivement un autocollant de HaRouah HaTzionit sur un banc en face de la pizzeria, quoiqu’en grande partie gratté.
Gali Rubin, de Givat Shmuel, fait remarquer : « C’est amusant, parce que Bennett et Shaked avaient refusé de s’associer à Ben Gvir la dernière fois, mais au final, leurs actions ont incité leurs partisans à le faire. »
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