Trump risque la colère de millions d’électeurs pro-Israël en maintenant l’ambassade à Tel Aviv
“La promesse de Trump a été d’une importance critique pour les millions de chrétiens sionistes” qui ont voté pour lui, a dit le pasteur John Hagee ; “ils regarderont de près”
WASHINGTON – Le président américain Donald Trump risque jeudi la colère de millions de ses partisans pro-Israël, dont les Juifs orthodoxes et les chrétiens évangéliques, ainsi que de Sheldon Adelson, important donateur républicain, si, comme attendu, il signe une exemption qui empêcherait le déplacement de l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem.
Même si Trump a fait campagne sur la promesse de déplacer l’ambassade, des sources de la Maison Blanche ont indiqué mercredi qu’il signerait l’exemption, ce qui pourra irriter des groupes démographiques importants qui l’ont soutenu pendant sa campagne électorale de 2016 pour la présidence.
« Une majorité des Juifs orthodoxes américains ont voté pour M. Trump parce qu’ils attendent qu’il soit un président plus favorable à Israël », a indiqué Nathan Diament, directeur exécutif en charge de la politique publique de l’Union orthodoxe, la plus grande association représentant ce courant du judaïsme aux Etats-Unis.
Selon Diament, les discours forts de Trump, et notamment sa promesse de déplacer l’ambassade à Jérusalem, ont été cruciaux pour ces électeurs.
« La promesse du président Trump de déplacer l’ambassade à Jérusalem a été d’une importance critique pour des millions de chrétiens sionistes qui ont finalement soutenu sa campagne pour la Maison Blanche. Ils regarderont de près ce que le président fait », a prévenu le pasteur John Hagee, président et fondateur de Christians United for Israël.
En 1995, le Congrès américain a adopté une loi exigeant du département d’Etat qu’il ouvre une ambassade américaine à Jérusalem. Alors que cette loi n’exclut pas l’existence de deux ambassades, l’une à Jérusalem et l’autre à Tel Aviv, elle contient une clause autorisant le président à reporter l’ouverture d’une ambassade à Jérusalem pour des raisons de sécurité nationale.
Même si plusieurs candidats à la présidence, dont Barack Obama, ont promis de « déplacer » l’ambassade, chaque président américain, de Bill Clinton à Barack Obama, a renouvelé l’exemption tous les six mois, de sa durée d’expiration.
« Je pense que l’on attend maintenant que les présidents signent l’exemption, quelles que soient leurs promesses électorales. Le seul moyen de surprendre les électeurs et de potentiellement marquer des points serait de ne pas signer l’exemption, mais cela n’est toujours pas arrivé », a dit Tevi Troy, ancien conseiller de la Maison Blanche et auteur de Shall We Wake the President? Two Centuries of Disaster Management from the Oval Office (Devons-nous réveiller le président ? Deux siècles de gestion des désastres au Bureau ovale.)
Mais d’autres, comme Diament, disent que les déclarations répétées de Trump pendant la campagne, ainsi que son positionnement d’homme qui tient ses promesses, ont suscité des attentes.
En janvier 2016, Trump avait dit à un journaliste qu’ « ils veulent [l’ambassade] à Jérusalem. Eh bien, je suis pour à 100 %. Nous sommes pour à 100 %. »
Deux mois plus tard, pendant son discours devant la conférence politique annuelle de l’AIPAC, Trump avait déclaré sous les applaudissements que s’il était élu, « nous déplacerons l’ambassade américaine vers la capitale éternelle du peuple juif, Jérusalem. »
Beaucoup des partisans de Trump, aux Etats-Unis et à l’étranger, attendent que l’homme qui a fait campagne en se présentant comme un homme pragmatique tienne sa promesse.
Quand elle l’avait félicité au lendemain de son élection, la vice-ministre des Affaires étrangères Tzipi Hotovely (Likud), avait souligné qu’elle « aimerait répéter l’appréciation profonde en Israël de l’intention déclarée du président élu Trump de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem. »
« Ce sera décevant si le président Trump ne tient pas sa promesse », a prévenu Diament à l’approche du 1er juin, date limite pour signer l’exemption.
Le message de Diament a aussi été entendu cette semaine au Capitole, siège du Congrès américain, quand dirigeants et militants se sont rassemblés au moment où s’entrechoquaient la visite de Trump à Jérusalem, le 50e anniversaire de la guerre des Six Jours de 1967, et la date limite prochaine pour le renouvellement de l’exemption.
Devant une salle remplie, Martin Oliner, directeur des Sionistes religieux en Amérique, avait rappelé cette attente. « Nous n’abandonnons pas l’espoir que le président Trump tienne sa promesse d’autoriser l’ambassade américaine en Israël à être déplacée là où elle doit être », avait-il dit aux personnes présentes, qui représentaient plus de 24 associations sionistes américaines.
Plusieurs des membres du Congrès qui se sont exprimés pendant ce rassemblement ont fait écho au message d’Oliner.
Pendant l’évènement, le représentant républicain de Californie, Ed Royce, a souligné qu’il avait travaillé avec deux autres représentants républicains, Lee Zeldin (New York) et mark Meadows (Caroline du Nord) pour rédiger une lettre insistant pour que le président reconnaisse Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israël et y déplace l’ambassade.
« La loi exigeant que l’ambassade soit déplacée a fait l’actualité ces derniers temps. Mais on oublie que la même loi qui a été adoptée en 1995 mais n’a jamais été appliquée à cause des exemptions présidentielles accorderait aussi la reconnaissance officielle de l’Amérique que Jérusalem est la capitale d’Israël, avait dit Oliner. C’est encore une raison supplémentaire pour que chaque organisation juive ici, chaque membre du Congrès, et chaque Juif fassent pression pour que la loi soit appliquée maintenant ! »
Ces pressions sont de fait en cours depuis l’élection de Trump en novembre dernier.
En décembre, l’Union orthodoxe avait lancé une pétition appelant le président à tenir sa promesse de déplacer l’ambassade.
Diament a dit que son organisation avait été récemment en contact avec des responsables de la Maison Blanche pour transmettre l’opposition de ses membres à une exemption.
Mais en plus des organisations juives, beaucoup des 60 millions d’électeurs chrétiens évangéliques du pays, un groupe qui a largement soutenu Trump en 2016, regardent de près les actes du président.
Le mois dernier, the Israël Allies Foundation a lancé une pétition similaire, appelant Trump à « tenir la promesse que vous avez répétée pendant toute votre campagne : reconnaître Jérusalem comme la capitale indivisible de l’Etat d’Israël et y déplacer l’ambassade américaine. »
« Il est à présent temps de rester fidèle à nos alliés dans les actes et dans les paroles, pour refléter la volonté écrasante du peuple américain, du Congrès, et de votre propre campagne : déplacer notre ambassade à son emplacement légitime, en l’honneur des 50 ans de Jérusalem unifiée », peut-on lire dans la pétition.
Soixante dirigeants évangéliques, dont Hagee, ont aussi écrit directement au président, soulignant que le programme officiel de la Convention nationale républicaine de 2016 affirme, à juste titre, que « nous reconnaissons Jérusalem comme la capitale éternelle et indivisible de l’Etat juif, et demandons que l’ambassade américaine y soit déplacée, conformément à la loi américaine ». Ils ont également noté que pendant la campagne, Trump a promis « d’adopter cette politique en particulier dans sa réponse à une demande de la coalition American Christian Leaders for Israël. »
« Beaucoup de nos électeurs ont voté pour vous en raison de cet engagement », soulignent les dirigeants religieux dans leur lettre.
Beaucoup d’évangéliques ne se sont pas enthousiasmés pour le président, marié trois fois et qui a précédemment soutenu l’avortement et semblait représenter un hédonisme opulent étranger à leurs croyances. Mais beaucoup ont été séduits par son engagement à nommer un juge conservateur à la Cour suprême et par ses déclarations fortes promettant de soutenir Israël, a indiqué un responsable évangélique.
L’association d’Hagee, qui regroupe plus de trois millions de chrétiens évangéliques dans les 50 états américains, s’est mobilisée pour soutenir Trump pendant l’élection serrée de novembre 2016, tout en maintenant la pression sur le président. Hagee a souligné que « quelques jours avant l’investiture du président Trump, Christians United for Israël (CUFI) a organisé des vols d’urgence pour que les dirigeants de CUFI dans 49 états se rencontrent dans la capitale de notre pays pour appeler personnellement leurs sénateurs à soutenir le déplacement de l’ambassade à Jérusalem, la capitale éternelle d’Israël. »
« Depuis, des dizaines de milliers de chrétiens sionistes ont appelé et envoyé des e-mails à la Maison Blanche pour soutenir le déplacement de l’ambassade, en vertu de nos alertes d’action CUFI, a poursuivie Hagee. Les dirigeants de CUFI ont aussi exprimé leur fort soutien au déplacement de l’ambassade à Jérusalem dans des déclarations publiques dans tout le pays, ainsi que pendant des rencontres privées avec de hauts responsables de l’administration. »
La tergiversation apparente de Trump sur la question de l’ambassade pourrait lui coûter de l’argent, et des votes. Adelson aurait été « furieux » quand le secrétaire d’Etat de Trump, Rex Tillerson, a indiqué le mois dernier que le déplacement pourrait être lié à la reprise des négociations de paix.
Adelson, qui n’a pas soutenu rapidement la candidature de Trump, a donné quelque 80 millions de dollars aux républicains pour les élections de 2016, et cinq millions supplémentaires pour financer les festivités de l’investiture de Trump. Ces derniers mois, il a gelé ses donations à Trump pour protester contre l’absence de déplacement de l’ambassade.