Tsahal veut capturer 75 % de Gaza en 2 mois par une nouvelle offensive contre le Hamas
Un nouveau mécanisme d’aide débutera lundi, regroupant les Palestiniens dans trois zones ; l’armée maintient sa politique sur les dommages collatéraux
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

L’armée israélienne a annoncé dimanche son intention de prendre le contrôle de 75 % du territoire de la bande de Gaza en l’espace de deux mois, dans le cadre de sa nouvelle offensive contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Le 18 mars, Israël a repris ses attaques contre le Hamas avec une vague surprise de frappes aériennes, mettant fin à un cessez-le-feu de deux mois. Depuis, Tsahal a déployé cinq divisions dans la bande de Gaza – des dizaines de milliers de soldats – et s’apprête à lancer une vaste offensive terrestre visant à neutraliser l’aile armée du Hamas et son autorité civile à Gaza, si le groupe terroriste n’accepte pas de libérer les otages qu’il détient depuis le pogrom du 7 octobre.
Une fois la grande offensive terrestre lancée, la population palestinienne sera cantonnée dans trois petites zones de Gaza : une nouvelle « zone plus sûre » dans la région de Mawasi, sur la côte sud de la bande, qui avait déjà été déclarée « zone humanitaire » par Israël ; une bande de terre dans le centre de Gaza, à Deir al-Balah et Nuseirat, où Tsahal n’a pas encore engagé de forces terrestres ; et enfin dans le centre de Gaza-City, où de nombreux Palestiniens étaient retournés durant la trêve en début d’année.
Selon les estimations actuelles de Tsahal, quelque 700 000 Palestiniens résident à Mawasi, entre 300 000 et 350 000 dans le centre de Gaza et près d’un million à Gaza City.
Cela signifie qu’une fois l’opération terrestre élargie lancée, les quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza seront regroupés dans une zone représentant seulement 25 % du territoire.
Tsahal prévoit ensuite de reprendre le contrôle du reste de la bande, d’en éliminer les infrastructures du Hamas, de raser la majorité des bâtiments et d’y maintenir une présence militaire dans un avenir prévisible. Le territoire concerné inclura l’ensemble de Rafah, Khan Younès et les villes situées au nord de Gaza-ville.
Selon les plans militaires obtenus par le Times of Israel, l’armée estime qu’il lui faudra environ deux mois pour s’emparer de 75 % de la bande de Gaza à compter du début de l’opération. Tsahal contrôle actuellement près de 40 % du territoire de l’enclave.

Des responsables militaires ont indiqué que la priorité de Tsahal n’était plus d’éliminer le plus grand nombre possible de terroristes, ce qui constituait l’objectif initial de la guerre, mais qu’elle concentrait désormais ses efforts sur la prise de contrôle du territoire et la destruction systématique des infrastructures du Hamas.
Selon l’armée, le groupe terroriste a construit un réseau de tunnels d’environ 900 kilomètres sous la bande de Gaza, dont seuls 25 % ont été détruits à ce jour. Tsahal précise avoir donné la priorité aux tunnels d’attaque ainsi qu’à ceux utilisés comme centres de commandement ou sites de production d’armes – dont la majorité aurait été démantelée –, plutôt qu’aux nombreux autres tunnels utilisés par le Hamas pour circuler à travers la bande de Gaza.
L’armée estime pouvoir vaincre le Hamas en éliminant sa branche armée et l’ensemble de ses infrastructures, en ciblant également son autorité civile, en prenant le contrôle du territoire et en l’empêchant de s’approprier l’aide humanitaire entrant dans Gaza.

Une victoire militaire contre le Hamas permettrait, selon Tsahal, de libérer les 58 otages encore retenus par le groupe, dont seulement vingt seraient encore en vie.
En déplacement à Gaza dimanche, le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Eyal Zamir, a contesté l’idée que la campagne militaire contre le Hamas s’inscrive dans une logique de « guerre sans fin ».
« Nous intensifions notre action conformément au plan défini. Le Hamas subit une pression énorme ; il a perdu la majorité de ses capacités opérationnelles, de son commandement et de ses centres de contrôle », a affirmé Zamir, lors d’une inspection à Khan Younès aux côtés du général de division Yaniv Asor, chef du commandement sud.

L’armée israélienne a également affirmé que l’aide humanitaire ayant transité par Gaza avant l’effondrement du dernier cessez-le-feu avait permis au Hamas de maintenir son emprise sur le territoire. Une part significative de cette aide aurait été détournée par l’organisation terroriste, soit pour ses propres besoins, soit pour être revendue à la population à un prix surélevé, dans le but de rémunérer ses membres et de financer ses efforts de recrutement.
Selon Tsahal, le Hamas a éprouvé des difficultés à payer les salaires ces derniers mois, depuis qu’Israël a interrompu l’entrée de l’aide le 2 mars, après la conclusion de la première phase du dernier accord de cessez-le-feu et de libération d’otages.
Un nouveau mécanisme de distribution de l’aide humanitaire, conçu pour contourner le contrôle du Hamas, devrait entrer en fonction lundi matin, malgré les critiques et les doutes exprimés par plusieurs organisations humanitaires.
Tsahal a contribué à la mise en place de quatre centres de distribution d’aide à Gaza dans le cadre du nouveau mécanisme humanitaire, qui sera entièrement géré par une société de sécurité privée américaine. L’armée israélienne assurera la sécurité périphérique de ces sites, mais n’interviendra pas dans la distribution elle-même.
Updated imagery of what appear to be the new humanitarian aid zones, from where Israel plans private US contractors will distribute to Gazans.
3 zones between Rafah-Morag corridor, and 1 in southern Netzarim corridor, just north of Nuseirat
17May2025/Planet Labs PBC pic.twitter.com/45mbIXUwhN
— avi scharf (@avischarf) May 21, 2025
Trois de ces centres se trouvent dans la région de Rafah, et sont destinés à approvisionner les habitants de Mawasi, voire également ceux du centre de la bande de Gaza. Le quatrième centre est situé dans le corridor de Netzarim, au centre de Gaza, et devrait desservir la population de Gaza-City ainsi que la partie nord du centre de la bande.
Chaque foyer palestinien pourra envoyer un représentant au centre de distribution pour y recevoir, de la part de la société américaine, des denrées alimentaires couvrant cinq jours. Tsahal espère que chaque centre pourra répondre aux besoins d’environ 300 000 personnes par semaine. Les convois humanitaires transportant des fournitures médicales ou de la farine pour les boulangeries continueront parallèlement à entrer dans Gaza pour le moment.
Aucun changement dans la politique de dommages collatéraux de Tsahal
L’armée a annoncé dimanche avoir frappé plus de 2 900 cibles depuis la reprise des combats dans la bande de Gaza. Elle affirme avoir éliminé au moins 800 terroristes, dont une cinquantaine de hauts responsables et de commandants de niveau intermédiaire, ainsi qu’une dizaine de terroristes qui ont participé au pogrom du 7 octobre.
Ces chiffres ne concernent que les terroristes dont l’identité a pu être formellement confirmée par nom et numéro d’identification, mais l’armée estime que le nombre total est beaucoup plus élevé.
Le Hamas affirme de son côté que plus de 3 785 Palestiniens ont été tués durant cette période. Ce chiffre est invérifiable de manière indépendante et ne distingue pas les civils des terroristes.

Tsahal a précisé qu’aucune modification n’avait été apportée à sa politique en matière de frappes aériennes, y compris sur les seuils de dommages collatéraux et le nombre de victimes civiles tolérées au cours des opérations à Gaza.
Selon l’armée, la proportion de civils parmi les personnes tuées est restée relativement stable tout au long du conflit, avec en moyenne deux à trois civils tués pour chaque terroriste du Hamas éliminé.
Tsahal affirme continuer à faire tout son possible pour limiter les pertes civiles, tout en soulignant que le Hamas utilise les civils de Gaza comme boucliers humains, en opérant depuis des zones densément peuplées, notamment des habitations, hôpitaux, écoles et mosquées.
Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, affirme que plus de 53 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Israël affirme avoir tué quelque 20 000 terroristes dans les combats depuis janvier et 1 600 terroristes supplémentaires à l’intérieur d’Israël le 7 octobre. Le bilan de l’offensive terrestre israélienne contre le Hamas à Gaza et des opérations militaires menées le long de la frontière avec la bande de Gaza s’élève à 420 morts.