Ukraine : Un mouvement de jeunesse juif ouvre un centre communautaire de style kibboutz
Ouvert à tous les habitants de Kharkiv, le centre Asho accueille l’une des rares écoles maternelles d'une ville lourdement bombardée

L’Ukraine a donné au mouvement des kibboutz d’Israël certains de ses plus célèbres membres, comme l’ex-Première ministre Golda Meir, de Revivim, ou le compositeur Mordechai Zeira, d’Afikim.
Ce sont aujourd’hui les kibboutz israéliens qui lui rendent la pareille en ouvrant un centre communautaire et une école maternelle à Kharkiv, ville martyrisée par la guerre. Le centre proposera des repas gratuits à des personnes de tous âges, ainsi qu’une école et une maternelle subventionnées, et une formation à l’activisme basée sur la longue expérience du mouvement des kibboutz.
Le tout nouveau centre, qui a ouvert ses portes la semaine passée avec un budget annuel d’un million de shekels financé par Havatzelet, le fonds humanitaire du mouvement Kibboutz Haartzi Hashomer Hatzair à l’origine de dizaines de kibboutz en Israël et membre du mouvement des kibboutz, est destiné à la population de cette ville partiellement détruite par l’artillerie russe au début de son offensive contre l’Ukraine.
Géré et partiellement financé par les membres et les donateurs de Hashomer Hatzair, mouvement de jeunesse socialiste juif basé en Israël mais qui compte de nombreuses branches dans le monde, l’ouverture du Centre Asho a donné lieu à un Seder de Pessah particulièrement festif, auquel ont pris part 149 Juifs de la ville, précise Oren Zukierkorn, Secrétaire Général du Mouvement mondial Hashomer Hatzair.
L’organisation de ce Seder au centre, installé dans les locaux d’un bâtiment de la municipalité mis à disposition de Hashomer Hatzair jusqu’en 2027, ne doit pas faire oublier que « ce n’est pas un centre communautaire juif. Il est ouvert à tout le monde. »
« Son personnel est majoritairement juif et il est financé par des mouvements juifs, ce qui explique qu’il y ait beaucoup de Juifs parmi son public », explique-t-il au Times of Israel.

Zukierkorn décrit ce nouveau centre comme « une sorte de kibboutz à Kharkiv ». Ouvert tous les jours de la semaine, il fonctionne avec l’aide de l’organisation d’étudiants juifs Hillel de Kharkiv et des personnels et bénévoles de Beit Dan, le centre culturel juif de la ville, financé par l’American Jewish Joint Distribution Committee.
L’école maternelle, qui accueille actuellement 50 enfants mais peut en accueillir jusqu’à 100, est installée dans une cave à l’épreuve des bombes. C’est l’une des rares institutions éducatives de Kharkiv dans laquelle les parents peuvent amener leurs enfants, car la totalité des écoles publiques dispensent leurs cours en ligne de crainte des bombardements russes.
« Nous avons volontairement donné à la maternelle le statut d’établissement privé, et non public, sous les auspices de la municipalité, afin de pouvoir accueillir physiquement des enfants et permettre à leurs parents de travailler normalement », explique Zukierkorn.
La maternelle passe en mode garderie à 14 h 30, heure à partir de laquelle elle accueille également les enfants du primaire jusqu’à l’âge de 11 ans. Elle est ouverte jusqu’au soir.
Le centre propose par ailleurs des cours pour adultes, parmi lesquels un cours sur l’activisme et le renforcement des communautés en 12 leçons.
« La formation des adultes donne aux habitants les outils nécessaires pour améliorer leur environnement, que la guerre a ravagé », précise Zukierkorn. « Il s’agit de leur donner le savoir-faire nécessaire pour obtenir de la municipalité qu’elle répare les routes ou savoir gérer certains problèmes eux-mêmes, que ce soit s’occuper d’un jardin communautaire ou peindre des marquages routiers. »

Kharkiv, dont un tiers des 1,5 million d’habitants ont quitté la ville en raison de la guerre, connaît toujours des pénuries d’électricité et des coupures d’eau.
Avant la guerre, cette ville de l’Est de l’Ukraine comptait l’une des plus importantes communautés juives du pays, forte de quelque 30 000 personnes. Nombre d’entre eux se sont réfugiés ailleurs en Ukraine, et des milliers ont par ailleurs émigré, essentiellement en Israël. La ville compte plusieurs écoles et maternelles juives, ainsi que plusieurs synagogues et deux centres communautaires juifs.
La création de ce centre est une nouveauté pour Hashomer Hatzair, assez peu impliqué dans les opérations de secours humanitaire par rapport à d’autres groupes juifs, comme le JDC. Mais Hashomer « a changé de direction et s’est mobilisé dès le début des combats, ce qui a permis l’ouverture de ce nouveau centre », explique Zukierkorn.
Hashomer Hatzair est un mouvement de jeunesse socialiste, à l’origine de dizaines de kibboutz en Israël depuis sa création, il y a 100 ans. Il fait face à certains problèmes dans les pays post-communistes, précise Zukierkorn. « Il y a une suspicion compréhensible de la part de gens qui ont connu la tyrannie communiste », confie-t-il.
C’est notamment pour cela que, dans les pays post-communistes, Hashomer Hatzair utilise le bleu – et non le rouge – comme arrière-plan pour son drapeau. En outre, dans ces pays, le mouvement organise des activités pour les lycéens, et non pour les élèves du primaire, comme il le fait ailleurs dans le monde.
« Les communistes ont coopté le socialisme, ce qui pose un vrai problème aux mouvements sociaux-démocrates, dont Hashomer Hatzair », ajoute Zukierkorn. « Mais nous les surmontons grâce au travail sur le terrain, et le centre de Kharkiv en est une nouvelle illustration. »