Un an de chorégraphies en gage de solidarité avec une (ex) otage
Etai Peri, dont l’ex-otage Romi Gonen avait suivi les cours, revient sur son action, avec les proches de Romi, sur la Place des Otages
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Au cours de la semaine tendue qui a précédé la libération de Romi Gonen des mains du Hamas, le 19 janvier dernier, ses amis se sont retrouvés sur la Place des Otages, à Tel Aviv, comme ils le faisaient souvent depuis son enlèvement, pour répéter une chorégraphie apprise avec Gonen, au lycée, à Kfar Vradim, dans le nord d’Israël.
Leur professeur n’était autre qu’Etai Peri, aujourd’hui membre de la troupe de danse Vertigo.
Peri se rappelle avoir été le professeur de Romi Gonen – aujourd’hui âgée de 24 ans – lorsqu’elle était au collège puis au lycée – et lui, membre de la Kibbutz Contemporary Dance Company.
A la nouvelle de son enlèvement, « je me suis immédiatement rappelé qui était Romi », confie-t-il. « Depuis, j’ai suivi tout ce qui la concernait. »
Ce sont la mère de Gonen, Meirav Gonen Leshem, et sa sœur Yarden, accompagnés d’amis, qui ont demandé à Peri, en janvier 2024, de préparer une chorégraphie destinée à être dévoilée sur la Place des Otages.
« C’était très émouvant », confie Peri. « C’était très étrange de mêler la danse à une situation comme celle-ci, de l’utiliser comme véhicule d’espoir. »
La première fois, il les a aidés en leur proposant quelques exercices et en les guidant sur les fragments d’une chorégraphie apprise par certains d’entre eux à l’école, à Kfar Vradim.
« C’était un peu comme revenir en arrière, c’était très émouvant pour nous tous », poursuit Peri. « J’ai essayé de me servir de ça pour sortir de ma dépression, liée au sort des otages et à la guerre ».
Ces douze derniers mois, il a dirigé quatre répétitions au profit des amis et soutiens de Romi, sur la Place des Otages, dans le cadre de chorégraphies données pour que l’on ne l’oublie pas. Chaque représentation a été différente, explique Peri, en raison du flou de la situation et des nombreuses inconnues quant au sort des otages ou leur avenir.
La dernière chorégraphie a eu lieu le dimanche avant la libération de Romi, Emily Damari et Doron Steinbrecher, et avant que Peri et les amis de Romi ne sachent qu’elle retrouverait bientôt la liberté.

« Tout le monde est venu avec beaucoup d’espoir », se rappelle Peri.
« Chacun est venu avec sa propre énergie, bien palpable : on avait le sentiment que quelque chose de bien allait arriver, que ça allait arriver. »
Tous ensemble, ils ont interprété des chorégraphies que Peri avait enseignées dans le cadre du cours de danse moderne du lycée fréquenté par Romi et ses amis.
« J’ai fait en sorte de proposer quelque chose de plus classique, pour que tout le monde profite de la danse, du moment présent, à la fois loin et tout près de cette incroyable tension », souligne-t-il.
À la fin de l’événement, tous ont dit espérer que la prochaine chorégraphie se fasse avec Romi, quel qu’en soit le moment, ajoute-t-il.
Et elle est revenue.
« Je n’arrive toujours pas à croire qu’elle soit là », confie-t-il.

Peri aimerait beaucoup revoir Romi et danser avec elle. Pour l’heure, il répète une nouvelle chorégraphie en son honneur avec les élèves d’un programme pré-militaire.
« Peut-être que nous l’inviterons quand ce sera prêt », dit-il.

Dans le cadre de Kuma, spectacle actuel de la compagnie Vertigo donné en présence de soldats victimes de traumatismes, accompagnés de leurs proches, les artistes dansent avec des fleurs jaunes qu’ils distribuent au public, parfois en prenant des personnes dans leurs bras, explique Peri.
« L’un des grands avantages de ma profession, c’est de pouvoir exprimer sur scène les sentiments que nous inspire ce que nous vivons », conclut Peri.
« En ce moment, les étreintes me paraissent tellement authentiques. »