Un artiste israélien recrée la Guerre de Yom Kippour à travers une expérience musicale
Le projet ambitieux de Yair Yona amène son public à prendre en compte de façon viscérale les effets des batailles de 1973 dans le Sinaï et sur le Plateau du Golan

JTA — Il n’arrive pas souvent qu’un incendie de forêt meurtrier puisse donner naissance à une œuvre d’innovation artistique. Mais dans le cas du musicien israélien Yair Yona — qui a récemment sorti une bande originale pour illustrer la guerre de Yom Kippour, en 1973 – c’est très précisément ce qui est survenu.
C’était en 2010 durant le feu de forêt du mont Carmel – l’incendie le plus meurtrier de toute l’histoire d’Israël, qui a duré quatre jours et fait 44 morts. Yona eut alors le sentiment que personne au sein du gouvernement israélien ou au sein de la société au sens large ne voulait assumer la responsabilité du désastre, et il eut une révélation : Il était en train d’assister à l’une des plus grandes failles d’Israël.
« Il m’a semblé que c’était comme si tout le pays était en feu, pas l’Etat – mais bien la terre, en fait, ce sol dont nous sommes nés », avait-il déclaré à JTA. “J’ai ressenti cet ADN de ne pas prendre nos responsabilités – Ce même comportement, Ce même cercle qui tourne sur lui-même encore et encore. Et j’ai pensé : Quelle a été la plus grande crise de ce genre ? Cela a été [la guerre de Yom Kippour].”
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Inspiré, Yona a écrit un album instrumental constitué de 10 titres sur le conflit. Mais il ne s’est pas arrêté là – il a conçu une expérience d’écoute interactive, avec des casques de protection auditive et un masque pour les yeux (pour bloquer les éventuelles distractions), obligeant les auditeurs à se fondre viscéralement dans les effets de la guerre.
L’album, intitulé “Sword” — un mot dont les trois lettres et racines hébraïques peuvent aussi former le mot “destruction” – est composé de guitare rock, d’instruments à corde, de sons atmosphériques et d’extraits d’enregistrements audios de l’armée prélevés dans les archives des forces de défense israéliennes.
Il a sorti son album en juillet mais a depuis commencé à organiser des “séances d’écoute” dans des bars, des galeries, dans une école et dans d’autres lieux publics. A la fin du mois, une de ces sessions d’écoute à grande échelle se déroulera au festival InDNegev, à proximité du Kibboutz Gvulot, et sera accompagné de la projection simultanée d’images réelles de la guerre, puisées dans les films de l’armée israélienne.
Le conflit, également connu sous le nom de Guerre d’Octobre, a opposé Israël et une coalition d’états arabes dirigés par l’Egypte et la Syrie sur les territoires de la péninsule du Sinaï et du plateau du Golan. Même si Israël parvint à repousser les attaques – qui furent lancées cette année-là et contre toute attente le jour de Yom Kippour – en quelques semaines, toutes les parties subirent de grands dégâts – et l’optimisme euphorique israélien qui avait suivi la Guerre des Six Jours fut anéanti.
“Si vous aviez demandé à un Israélien typique dans la rue si nous avons gagné ou si nous avions perdu dans cette guerre, vous auriez obtenu une réponse très confuse”, explique Yona. « Tellement de gens ont eu le cœur brisé parce qu’ils ne pouvaient pas croire en la contradiction de la foi qu’ils plaçaient dans le pays ».
Yona, 35 ans, auteur de deux albums solo et bassiste dans la formation électronique expérimentale Farthest South, a passé quatre années à étudier et à faire des recherches sur la guerre. Chaque morceau dans “Sword” est inspiré par un aspect spécifique du conflit armé, ou par les récits individuels qu’il a découvert à travers des documents et des films variés. Par exemple, le titre qui ouvre l’album, “Sir Bassar,” était un code utilisé dans l’armée et à la radio publique, appelant l’attention des unités militaires. Mais le morceau “2:37 AM, For 43 Years” est plus spécifique – il se réfère à ce moment où le soldat traumatisé s’éveille chaque nuit depuis qu’il s’est engagé dans la guerre.
“C’est tous les jours. Toutes les nuits, tous les soirs… Aujourd’hui je ne peux terminer une phrase que difficilement. Il y a cet abcès qui me déchire la tête », dit un soldat, des paroles gravées dans l’opuscule qui accompagne l’album.
Yona fera don de 20 % de l’ensemble des bénéfices de son album à Natal, un centre de traumatologie accueillant des vétérans israéliens et des victimes du terrorisme.
Lors des sessions d’écoute où il interagit avec le public, Yona lit un paragraphe relatif au contexte de chaque morceau. A la fin de l’une des sessions, il raconte que tous les participants ont gardé le silence durant cinq minutes entières. Il a récemment reçu le courriel d’un homme dont le père s’est finalement ouvert à lui, lui faisant part de ses expériences personnelles de la guerre, après plus de quarante années de réticence. L’écoute de l’album en ligne avait déchiré le silence.
“Je ne prends pas une posture politique mais très humaniste”, indique Yona. « Il ne s’agit pas de Droite ou de Gauche. Dans la guerre, tout le monde est perdant ».
“Je veux que les gens en définitive choisissent la vie”, ajoute-t-il. « Pas se souvenir des morts, mais qu’ils choisissent la vie ».
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