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Un bâtonnier antisémite toujours honoré au sein d’un tribunal de Paris

L'avocat Jacques Charpentier a, durant la Seconde Guerre mondiale, participé à la radiation d'avocats juifs du Barreau – avant de rejoindre la Résistance

Le tribunal correctionnel de Paris, en janvier 2011. (Crédit : Loïc Venance/AFP)
Le tribunal correctionnel de Paris, en janvier 2011. (Crédit : Loïc Venance/AFP)

Jacques Charpentier, avocat et bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, participa à l’application des lois anti-juifs de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale.

Début décembre, sur son blog hébergé par Mediapart, l’avocat Jean-Louis Bessis a dénoncé la présence d’un médaillon de bronze à l’effigie de l’homme, mort en 1974, sur l’un des murs de la grande galerie de l’ancien tribunal de Paris, sur l’île de la Cité, a noté L’Express.

Intitulé « Le buste du Bâtonnier antisémite Charpentier continue de trôner au Palais de Justice de Paris », l’article de Jean-Louis Bessis dénonçait également de récentes dérives, notamment antisémites, au sein d’un groupe de conversation WhatsApp réunissant des membres du conseil de l’ordre des avocats parisiens.

« Ce bâtonnier Charpentier qui suggéra au régime de Vichy, en 1940, la radiation d’avocats juifs comme de ceux qui n’étaient pas nés de parents français », écrit l’homme. « Ce bâtonnier Charpentier qui orchestra les radiations. Qui, comme le relève Robert Badinter, distinguait les ‘bons’ avocats juifs et les autres, qui ‘apporta sa caution à la politique d’exclusion de Vichy, au mépris des principes élémentaires du droit’. Ce bâtonnier Charpentier qui, à la Libération (suivi par le Conseil de l’ordre qu’il présidait), proposait de maintenir ces dispositions d’exclusion. »

Mais, personnalité controversée, Charpentier a également affirmé l’indépendance de la justice face à l’Etat français et à l’occupant, ce qui lui a valu d’être considéré comme l’un des acteurs majeurs de la résistance judiciaire à la Libération. Rejoignant la clandestinité en 1943, après avoir échappé à une arrestation par la Gestapo, il fut aussi l’auteur de propos antisémites dans ses mémoires écrits en 1949 : « Avant la guerre, nous avions été envahis par des naturalisés de fraîche date, presque tous d’origine orientale, dont le langage, commenté par les petits journaux, nous couvrait de ridicule, et qui apportaient, dans la conduite des litiges, les procédés de leur bazar. À cet égard, la politique de Vichy se rencontrait avec nos intérêts professionnels. »

Dans le même ouvrage, il ajoutait « qu’au Barreau de Paris, il y a toujours eu une question juive (…) aggravée depuis quelques années, avec l’arrivée de réfugiés politiques qui, à la faveur des facilités apportées à la naturalisation, avaient gagné le Barreau. Ils avaient une conception de la justice très différente de la nôtre… »

Dans son billet, Jean-Louis Bessis conclut : « Son buste continue de ‘souiller le Palais’ (…) Une insulte aux avocats radiés ou déportés. Le rappel d’un passé que les instances ordinales parisiennes se refusent, avec constance, à purger. Le moment est peut-être venu de desceller cette effigie. De vider cet abcès. Et de passer à autre chose. »

Interrogé par L’Express, Bessis dénonce l’inaction des instances judiciaires françaises : « Quand j’ai pris la parole lors d’une réunion [à ce sujet, il y a une dizaine d’années], personne n’a réagi. Le bâtonnier d’alors, Jean Castelain, aurait pu décider du retrait du buste ou bien le sujet aurait pu faire l’objet d’un vote au sein du conseil. Il n’en a rien été. »

L’avocat et ancien Garde des Sceaux Robert Badinter explique lui à L’Express que « Jacques Charpentier était un antisémite ordinaire, foncièrement antisémite, mais moins que d’autres, il passait même pour un libéral à côté de certains. Il était l’expression même de l’élite du Barreau. Le milieu judiciaire était anti-juif et, avant tout, particulièrement xénophobe ».

Si Charpentier était également « parfaitement méprisant » pour ses confrères mais aussi « talentueux » avocat, Robert Badinter ne souhaite pas que soit retiré le portrait du bâtonnier. « Ce serait malvenu, dit-il. Je suis médusé de voir qu’on projette sur cette époque des visions d’aujourd’hui qui n’ont rien à voir avec la réalité de la guerre. Charpentier fut aussi un résistant. »

Le bâtonnier Christian Charrière-Bournazel (2008-2009) explique que, s’il avait eu connaissance de l’initiative de Bessis pour déboulonner le portrait, il avait estimé « qu’il serait plus légitime que les associations d’avocats déportés ou résistants me saisissent eux-mêmes. Personne ne l’a fait ».

« J’avais trouvé invraisemblable qu’on ait accroché en 1974 sur les murs du Palais le médaillon de Charpentier, qui avait exécuté les lois de Vichy contre les Juifs, dit-il. Du coup j’ai fait apposer à côté l’effigie de Pierre Masse, qui avait été candidat au bâtonnat sans avoir été élu, car il était Juif. C’est Simone Veil qui dévoila son effigie, au cours d’une cérémonie, et Robert Badinter qui prononça le discours. »

Une action que critique Francis Kalifat, président du Crif. « Il aurait fallu plutôt mettre une plaque qui explique la situation, dit-il à L’Express. Regardez le préfet René Bousquet [secrétaire général de la police de Vichy en 1942 et 1943]. Il a eu une carrière avant Vichy, et une carrière après. Mais est-ce qu’on trouve aujourd’hui dans une préfecture en France une statue de lui ? J’estime que la vérité historique est faussée. »

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