Un cinéaste israélien, qui refuse la censure, doit restituer une subvention polonaise
Le Polish Film Institute exigeait une présentation positive des Polonais pendant la Shoah dans le film sur le sculpteur israélien Dani Karavan, selon le réalisateur Barak Heymann
Un cinéaste israélien qui a remporté de nombreux prix a été contraint de restituer une subvention au gouvernement polonais, après avoir refusé la demande de l’institut cinématographique du pays de censurer certaines scènes d’un documentaire qui abordait le sujet de la Shoah.
Barak Heymann avait reçu une subvention de 188 000 shekels du Polish Film Institute pour produire High Maintenance, un film sur la vie du sculpteur et lauréat du prix Israël Dani Karavan.
L’institut souhaitait que le projet sur Karavan, consacré aux Polonais qui ont aidé les Juifs pendant la Shoah, les montre sous un jour positif.
« Je savais que [Karavan] avait fait un travail en Pologne, je ne savais pas que c’était si controversé », a déclaré Heymann à la Douzième chaîne dans un reportage diffusé dimanche.
« Je serais très blessé et bouleversé de les voir se servir de mon travail pour s’absoudre des crimes qu’ils ont commis. Je n’aurais pas pu me pardonner d’y avoir été mêlé », déclarait Karavan dans le film, tourné en 2018, faisant apparemment référence aux Polonais.
Les questions de restitution et de révisionnisme de la Shoah ont à plusieurs reprises empoisonné les liens israélo-polonais. La Pologne s’est efforcée à plusieurs reprises de nier et de minimiser l’implication polonaise dans la Shoah, malgré les preuves historiques du contraire, suscitant un tollé en Israël.
L’institut a attendu deux ans après avoir reçu une copie du film pour le visionner, selon le reportage. Ce n’est qu’après sa sortie officielle et après que le film a remporté plusieurs prix que l’institut l’a regardé et a demandé à Heymann de censurer certaines scènes du film, ou de leur restituer la subvention.
« Les Polonais refusent que je fasse, avec leur argent, un film qui révèle une vérité douloureuse, embarrassante et traumatisante pour eux », a déclaré Heymann à la Douzième chaîne.
Le cinéaste avait au départ accepté d’apporter quelques modifications mineures au documentaire, et s’était rendu en Pologne pour une projection avec l’institut cinématographique.
Au bout d’une demi-heure, le directeur de l’Institut du film polonais s’était levé [de son siège] en colère, et s’était énervé, interrompant la projection en disant : « Sortez d’ici ! Je crois en la liberté d’expression, mais votre film est un discours de haine », raconte Heymann.
Refusant d’accéder à leurs demandes, Heymann doit maintenant rendre la totalité du montant, et a lancé une campagne de financement participatif pour réunir l’argent. À la date de lundi, la campagne avait atteint 161 600 shekels sur un objectif de 188 000 shekels. Mardi, la totalité de la somme avait été récoltée.
Karavan, connu pour ses monuments en Israël et dans le monde entier, est décédé l’année dernière à l’âge de 90 ans.
Son œuvre la plus remarquable en Israël est peut-être l’immense sculpture murale qui décore le plénum de la Knesset, le Parlement israélien, nommée « Jérusalem, ville de paix. »
Le mur représente un paysage abstrait de Jérusalem, les collines environnantes et le désert de Judée. Ce projet, commandé en 1966, a été réalisé en huit mois.
Parmi ses nombreuses œuvres en Israël, figurent la place Habima à Tel Aviv, « Ohel » à l’hôpital Sheba, « Kikar Levana » dans le parc Edith Wolfson de Tel Aviv, le monument à la brigade du Neguev près de Beer Sheva et le « Chemin de la paix » près de la frontière d’Israël avec l’Égypte.