Israël en guerre - Jour 467

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Interview

Un collectionneur raconte l’histoires des toupies, de l’Égypte ancienne au 7 octobre

Depuis plus de 30 ans, Ezra Cohen collectionne ces jouets utilisées pour Hanoukka et aime évoquer leur riche histoire et leurs liens avec d'autres cultures

Ezra Cohen avec sa collection de dreidels, qui comprend plus de 1 000 pièces (Crédit : Authorisation)
Ezra Cohen avec sa collection de dreidels, qui comprend plus de 1 000 pièces (Crédit : Authorisation)

Ce qui plaît le plus à Ezra Cohen, 63 ans, originaire d’Ashdod, dans sa collection de dreidels [toupies de Hanoukka en yiddish], ce sont les petites histoires qui les accompagnent.

Et des histoires, Cohen n’en manque pas. Passionné par les toupies traditionnelles utilisées pour Hanoukka, il en a collecté environ 1 000 au cours des 30 dernières années, chacune ayant son anecdote. Lors d’un entretien avec le Times of Israel à la veille de Hanoukka, il a partagé son expertise historique ainsi que certaines de ses histoires préférées sur ces toupies. Plusieurs sont liées au pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 et à la guerre qui a suivi entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.

La toupie (ou sevivon en hébreu), tel que nous la connaissons aujourd’hui, comporte quatre faces et est utilisée dans un jeu traditionnel de Hanoukka. Les joueurs la font tourner pour gagner (ou perdre) des jetons ou, mieux encore, des pièces de chocolat, en fonction de la face sur laquelle la toupie s’arrête. Chaque face porte une lettre en hébreu : nun, gimmel, heh et shin, formant l’acronyme de « Nes gadol haya sham », ce qui signifie « Un grand miracle a eu lieu là-bas » (sous-entendu, en Israël).

(Dans l’Israël moderne, la lettre shin a été remplacée par peh, pour poh (« ici ») au lieu de sham (« là-bas »), pour refléter que « le miracle a eu lieu ici ».)

Cependant, Cohen explique que cette interprétation moderne n’a pas toujours existé. En Allemagne, où la coutume actuelle a vu le jour au 16e siècle, la toupie servait de substitut aux dés. Les quatre faces de la toupie allemande comportaient des lettres correspondant à des instructions pour les joueurs : N pour Nichts (rien), G pour Ganz (tout), H pour Halb (moitié), et S pour Stell Ein (mettre). Les Juifs yiddishophones ont adopté ce jeu, reprenant les lettres et en les adaptant à leur propre usage, explique Cohen.

« Cette lettre a été modifiée dans les années 1930 », explique Cohen. « L’État d’Israël n’existait pas encore, mais l’idée était d’intégrer la toupie dans la culture contemporaine pour souligner le lien historique entre le pays et l’histoire des Hasmonéens. Les enseignants de maternelle ont alors commencé à l’enseigner à leurs élèves avec le peh, et des poètes ont composé des chansons sur ce thème, qui ont laissé leur empreinte dans les mémoires. »

Historiquement, les origines de la toupie remontent encore plus loin, avec des traces de l’utilisation de jeux de toupies dans la Rome antique, la Grèce et même l’Égypte, note Cohen.

Création d’une communauté de collectionneurs de dreidels

Cohen, qui est ingénieur chez Intel, est devenu une figure de proue pour le groupe relativement restreint des collectionneurs de dreidels en Israël. Il administre également un groupe Facebook dédié aux toupies, où il partage des photos et des anecdotes avec quelque 370 abonnés.

Ezra Cohen tenant quelques toupies (Crédit : Autorisation)

Sa collection est impressionnante, mais elle n’est pas la plus grande. Cohen évoque avec admiration plusieurs autres collectionneurs de renom. Parmi eux, le rabbin Eliyahu Safran, basé à New York, est réputé pour posséder la collection de toupies historiques la plus précieuse au monde. L’ancien député travailliste Avraham Burg disposerait, lui, de plus de 3 000 pièces, tandis que l’auteur américain Arthur Kurzweil détiendrait une collection exceptionnelle de plus de 4 000 toupies provenant d’Europe de l’Est.

En Israël également, certains collectionneurs atteignent des chiffres impressionnants, avec des collections dépassant les 1 000 toupies. Pourtant, Cohen souligne avec humour que « l’essentiel, c’est d’avoir l’adhésion de son conjoint », confie-t-il en souriant, lui-même marié.

« L’année dernière, pendant Hanoukka, alors que la guerre faisait déjà rage, nous avons pris l’initiative, avec quelques collectionneurs, de préparer des sachets contenant des dreidels et des pièces en chocolat. Ces sachets étaient destinés à animer des activités pour les personnes évacuées des zones proches de la bande de Gaza et du nord du pays. Ce fut une expérience profondément marquante », se souvient Cohen.

La fascination de Cohen pour les dreidels remonte à son service militaire au sein de l’armée israélienne. « Je me promenais dans les rues de Jérusalem et j’en achetais aux marchands », raconte-t-il.

Cohen a fait ses débuts en tant que collectionneur plusieurs années après une expérience marquante dans une galerie d’art de la Vieille Ville de Jérusalem.

« J’avais repéré une très belle toupie. Quand j’ai demandé son prix, le vendeur m’a répondu qu’elle coûtait 100 dollars. À l’époque, j’étais un jeune marié avec un crédit immobilier sur la tête et je lui ai donc expliqué que c’était bien au-delà de mes moyens. Heureusement, le vendeur m’a trouvé sympathique et, dans un geste généreux, il m’a offert non pas une, mais deux toupies, en me disant de bien en profiter. Ce cadeau, destiné aux collectionneurs d’art, a été un véritable déclic pour moi. Je me suis dit : ‘Me voilà collectionneur maintenant’. Et c’est ainsi que tout a commencé. »

Une partie de la collection de dreidels d’Ezra Cohen (Crédit : Autorisation)

Un dreidel pour chaque occasion

Ezra Cohen a parcouru le monde à la recherche de toupies rares, artistiques et historiques issues de nombreuses cultures. Sa collection, riche et variée, inclut même une toupie audacieuse, avec des positions sexuelles représentées sur chaque face, que la personne qui fait tourner la toupie est censée mettre en pratique.

« Cette toupie, de ma collection, a été choisie pour faire partie d’une exposition dans un musée », explique Cohen. « Je ne m’y attendais vraiment pas. »

Parmi les histoires les plus émouvantes liées aux dreidels, Cohen évoque celle de l’artiste israélien Yossi Tor, un soldat capturé en 1973 et emprisonné en Syrie pendant huit mois après la guerre de Kippour. Avant Hanoukka, Tor avait convaincu ses gardiens de lui donner un morceau de savon. En secret, il l’a sculpté en forme de toupie pour remonter le moral des autres soldats de sa cellule.

« Il savait que de la suie noire s’accumulait sur les murs lorsque les gardiens allumaient un feu pour se réchauffer, et il a utilisé cette suie pour écrire les lettres qui apparaissent sur le dreidel », explique Cohen.

Cohen parle aussi avec admiration du Fonds Ori en Israël, créé par Ravit Levi en mémoire de son fils Ori, décédé à deux ans du syndrome de Leigh, une maladie génétique rare. Ori adorait jouer aux toupies. En son honneur, chaque Hanoukka, Levi produit et distribue des milliers de toupies à des soldats, des patients hospitalisés et des personnes en situation de handicap. Les toupies vendues permettent de collecter des fonds pour la recherche médicale sur cette maladie.

Enfin, Cohen note que le pogrom du 7 octobre 2023 et la guerre en cours ont inspiré de nombreux artistes à créer des modèles uniques de dreidels, rendant hommage aux victimes et à cette période tragique.

Une partie de la collection de dreidels d’Ezra Cohen post-7 octobre (Crédit : Autorisation)

Il a mentionné l’artiste Sabina Saad, qui avait déjà créé un dreidel sur le thème de la Shoah en forme d’étoile jaune portant les mots « Un grand miracle n’a pas eu lieu ici. » Récemment, elle a conçu une dreidel en bois en hommage aux otages, sur lequel figurent les mots « Ramenez-les à la maison maintenant » sur les quatre faces, en collaboration avec la Alon Foundation for Education.

L’année dernière, le fils de Saad a fabriqué sa propre toupie en carton, portant le nom d’Amit Shani, un ancien otage de 16 ans libéré la même année, a ajouté Cohen. Il a également évoqué un collier de dreidels vendu par une entreprise de Tel Aviv, sur lequel figure la phrase « Ya’had Nenatzea’h » (« Ensemble, nous vaincrons »). Enfin, il a mentionné un petit dreidel qu’il a lui-même créé à partir de cartouches de balles vides.

« Les dreidels sont des objets fédérateurs pour les peuples de toutes les cultures », a expliqué Cohen. « Tout le monde aime les faire tourner. »

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