Un élu de la coalition soutient la violence de résidents d’implantations à Huwara
Alors qu'un Palestinien a été tué, et que des voitures et des maisons ont été incendiées, Zvika Fogel a déclaré "une Huwara encerclée et brûlée, voilà ce que je veux voir"
Au lendemain d’un déchaînement meurtrier et sans précédent de résidents d’implantations qui ont incendié des dizaines de véhicules palestiniens ainsi que plusieurs maisons en représailles à une attaque terroriste palestinienne meurtrière, un membre de la coalition a apporté son soutien total aux émeutiers. « Une Huwara encerclée et brûlée – voilà ce que je veux voir », a déclaré le député de la coalition Zvika Fogel, du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit.
Il y avait un silence crispé dans la ville palestinienne de Huwara lundi matin. Des images postées sur les réseaux sociaux attestent de dizaines de véhicules brûlés et des bâtiments couverts de suie après ce qui semble être la pire explosion de violence de la part de résidents d’implantations depuis des dizaines d’années.
« C’était mortellement dangereux. Personne ne pouvait quitter sa maison sans craindre de recevoir une balle dans la tête à tout moment », a déclaré un habitant anonyme de Huwara à la radio de l’armée lundi matin, relatant les événements de la nuit précédente.
Le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne (AP) a déclaré qu’un homme avait été tué par des tirs israéliens au cours des émeutes dans la ville de Zatara, au sud de Huwara et à proximité de l’implantation de Kfar Tapuah. Selon le service médical du Croissant-Rouge palestinien, deux autres personnes ont été blessées par balle, une troisième a été poignardée et une quatrième a été battue avec une barre de fer.
Mais dans un blitz médiatique lundi matin, le député Fogel, qui est également le président de la commission de Sécurité nationale de la Knesset – a soutenu sans équivoque les émeutiers et a dénoncé le gouvernement dont le chef de son parti, Itamar Ben Gvir.
« Je veux rétablir la sécurité pour les résidents de l’État d’Israël », a déclaré Fogel à la radio Galey Israel. « Comment faire ? Cessons d’utiliser le mot ‘proportionnalité’. Arrêtons avec notre objection à la punition collective [juste] parce qu’elle ne passe pas auprès de toutes sortes de tribunaux. Ôtons nos gants. »
« Hier, un terroriste est venu de Huwara. Une Huwara encerclée et brûlée – voilà ce que je veux voir. C’est la seule façon d’avoir un effet dissuasif. Après un meurtre comme celui d’hier, nous avons besoin de villages brûlés lorsque Tsahal n’agit pas. »
Il a critiqué le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, affirmant qu’il avait honte que la coalition dont il fait partie « bégaie » dans sa réponse au terrorisme palestinien.
Dans une autre interview avec la radio de l’armée, Fogel a déclaré qu’il considérait le résultat du saccage de dimanche soir avec « beaucoup d’égard ». « Ils ont compris à Huwara qu’il existe un équilibre du terrorisme que Tsahal ne parvient pas à contrebalancer », a-t-il ajouté.
Dans les deux interviews, Fogel a affirmé que les émeutes des résidents d’implantations avaient permis de dissuader le terrorisme palestinien, ce qui n’avait pas été le cas depuis l’Opération « Bouclier défensif » de 2002, une opération majeure de Tsahal en Cisjordanie qui avait contribué à étouffer la Seconde Intifada.
Fogel a ensuite écrit sur Twitter que ses commentaires avaient été « déformés », sans toutefois expliquer dans quelle mesure.
« J’ai dit que l’État est celui qui doit agir pour dissuader les terroristes, certainement pas les civils. Nous ne devons pas arriver à une situation dans laquelle les civils prennent la loi entre leurs mains », a-t-il déclaré dans des propos qui contredisaient littéralement ses commentaires précédents. « Le travail du gouvernement et de Tsahal est de fournir la protection nécessaire – par l’offensive et la détermination, pas par la retenue. »
Pendant ce temps, à la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, son collègue le député Yitzhak Kroizer (Otzma Yehudit) a suscité une intense condamnation en comparant le déchaînement des résidents d’implantations à des violences mineures occasionnellement observées en marge des manifestations de masse contre le projet de refonte du système judiciaire du gouvernement Netanyahu.
« Je suis sûr que ces gens [les résidents d’implantations] se sont inspirés d’un mois et demi de manifestations ici », a-t-il déclaré, sous une pluie de condamnations de la part des députés de l’opposition.
« Je veux être clair concernant les images de Huwara. Je comprends la douleur, mais nous ne pouvons pas nous faire justice nous-mêmes. Celui qui doit faire face au terrorisme et le dissuader, c’est le gouvernement, et non les civils », a déclaré Ben Gvir – après avoir gardé le silence pendant des heures lundi matin – depuis l’avant-poste illégal d’Evyatar. Ben Gvir a adopté une position beaucoup plus dure contre les manifestants anti-gouvernement, les qualifiant « d’anarchistes ».
Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, n’a pas tardé à réagir aux commentaires de Fogel. « Ce n’est pas un gouvernement entièrement de droite [comme ses partisans l’ont fièrement appelé], c’est un gouvernement d’anarchie à part entière. Le député Fogel devrait aller en prison pour incitation au terrorisme », a-t-il écrit sur Twitter.
Le député Mickey Levy (Yesh Atid) a exhorté la coalition à évincer Fogel de son rôle de président de la commission de Sécurité nationale de la Knesset.
La cheffe du parti Travailliste Merav Michaeli a déclaré que Fogel devait être mis en examen pour incitation à la violence après s’être réjoui du déchaînement de violence de la part de partisans du mouvement pro-implantation dans un village palestinien de Cisjordanie, dimanche.
Michaeli a ajouté que la procureure-générale Gali Baharav-Miara devait ouvrir une enquête sur Fogel, avec la possibilité de le mettre en examen.
Dans un courrier adressé à la procureure-générale, Michaeli a déclaré que les propos tenus par Fogel « sont extraordinairement graves… la distance entre de tels propos et un nouveau pogrom ciblant des innocents est hélas plus courte encore qu’on est en droit de le penser. »
Des groupes de résidents d’implantations avaient appelé à des manifestations pour venger l’attaque palestinienne à Huwara plus tôt dans la journée, dans laquelle deux frères israéliens de l’implantation voisine de Har Bracha, âgés de 22 et 20 ans, ont été tués.
Les frères Hallel et Yagel Yaniv ont été tués dimanche alors qu’ils traversaient en voiture Huwara, une ville palestinienne régulièrement empruntée par des automobilistes israéliens et souvent le théâtre de vives tensions.
Tsahal a déclaré que le tireur palestinien a ouvert le feu à bout portant sur la voiture des Yaniv sur l’autoroute Route 60, puis a fui la scène, apparemment à pied. Il était toujours en fuite lundi matin.
Les victimes étudiaient dans une yeshiva et suivait le programme hesder, qui combine l’étude de la Torah avec le service militaire. Leur enterrement a débuté à 14 heures au cimetière militaire du mont Herzl, à Jérusalem.
Peu avant le début des incendies criminels, des centaines de résidents d’implantations ont commencé à marcher vers Huwara en scandant « vengeance », a rapporté la radio de l’armée.
הסרטון הזה שמסתובב ברשת מחריד.
וצה"ל עוד שומר על הטירוריסטים הללו במקום לעצור את כולם.
ביבי וחבורת הפירומנים שלו רצו אנרכיה, וקיבלו אותה בגדול. לא בתל אביב שמתקיימת בה מחאה ענקית, רגועה ומסודרת, אלא בחווארה שעולה בלהבות. pic.twitter.com/YeXFfvfLuW— בני רבינוביץ (@benirabin) February 26, 2023
Suite aux émeutes, des secouristes palestiniens ont déclaré qu’un homme avait été tué et quatre autres grièvement blessés à Huwara et dans d’autres villages près de Naplouse.
Selon les médias palestiniens, une trentaine de maisons et de voitures ont été incendiées. Des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux montrent de grands incendies brûlant dans tout Huwara et illuminant le ciel.
Ghassan Douglas, un responsable palestinien qui surveille les implantations dans la région de Naplouse, a déclaré que les résidents d’implantations ont brûlé au moins six maisons et des dizaines de voitures à Huwara, et a signalé des attaques contre d’autres villages palestiniens voisins. Il a estimé qu’environ 400 résidents d’implantations ont pris part aux émeutes.
« Je n’ai jamais vu une telle attaque », a-t-il déclaré.
טירוף מוחלט בחווארה. נקמה עיוורת של פורעים פעילי ימין. אבדן שליטה, הצתה של 15 בתים, עשרות רכבים, הרוג פלסטיני אחד לעכשיו, ייתכן מירי מתנחל. מי שאחראי על תפיסת המחבל אלו צבא ההגנה לישראל והשב״כ. אוי ואבוי אם מדינת ישראל תדמה לאויביה. pic.twitter.com/paNAzwHD3Y
— אוהד חמו (@ohadh1) February 26, 2023
Les forces de sécurité israéliennes n’ont pas réussi à contenir les émeutiers, malgré les avertissements d’une manifestation prévue dans la ville palestinienne. Les troupes étaient également soucieuses de retrouver le tireur qui avait tué les deux frères israéliens.
Dans une vidéo, une foule de résidents d’implantations juifs se tenait debout priant face à un bâtiment en flammes.
Selon les médias israéliens, huit résidents d’implantations ont été arrêtés à la suite des émeutes, bien que certaines informations suggèrent que six d’entre eux ont déjà été libérés. La police n’a pas confirmé ces arrestations.
Les émeutes ont été condamnées par les États-Unis, l’Union européenne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, entre autres, ainsi que par de nombreux Israéliens.
Le dirigeant de l’AP, Mahmoud Abbas, a condamné dimanche soir ce qu’il a appelé « les actes terroristes perpétrés par des colons sous la protection des forces d’occupation ».
« Nous tenons le gouvernement israélien pleinement responsable », a-t-il ajouté, affirmant que les résidents d’implantations s’étaient inspirés « des positions de certains ministres de ce gouvernement israélien d’extrême-droite ».
Lundi matin, 14 dirigeants locaux d’implantations ont publié un appel conjoint aux résidents pour « calmer les esprits », les exhortant à « laisser Tsahal gagner et ne pas prendre la loi entre [leurs] mains ».
Netanyahu a publié une déclaration dimanche soir appelant ceux qui cherchent à se venger de la précédente fusillade terroriste à ne pas faire justice soi-même.
« Je vous demande, alors que le sang bouillonne et que les vents sont forts – de ne pas tenter de vous faire justice vous-même », a-t-il ajouté. « Je vous demande de laisser Tsahal et les forces de sécurité faire leur travail ».
Le président Isaac Herzog a émis des remarques similaires. « Prendre la loi dans ses propres mains, faire des émeutes et commettre des violences contre des innocents – ce n’est pas notre façon de faire, et je condamne tout cela très fermement », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le chef du parti Taal, Ahmed Tibi, a partagé une photo d’un incendie, la qualifiant de « Nuit de cristal à Huwara », et d’autres ont également qualifié l’émeute sanglante de « pogrom ».
ליל בדולח בחיווארה
Kristallnacht in Huwara
ليل البلور في حوارة pic.twitter.com/Bb9Np1jsv9— Ahmad Tibi (@Ahmad_tibi) February 26, 2023
Le député Ofer Cassif (Hadash), a écrit que la violence était le fait de « milices terroristes de résidents d’implantations » travaillant sous la protection du « régime d’occupation » pour commettre des « crimes de guerre ».
Les tensions entre Israël et les Palestiniens sont élevées depuis un an, les forces de défense israéliennes menant des opérations quasi quotidiennes en Cisjordanie dans le cadre d’une offensive antiterroriste suite à une série d’attentats terroristes palestiniens meurtriers.
Ces dernières semaines, une succession d’attaques terroristes palestiniennes à Jérusalem a fait 11 morts et plusieurs blessés graves.
Plus de 60 Palestiniens ont été tués depuis le début de l’année, la plupart lors d’attaques ou d’affrontements avec les forces de sécurité, mais certains étaient des civils non impliqués et d’autres ont été tués dans des circonstances qui font l’objet d’une enquête.
On a également constaté une augmentation des attaques d’Israéliens contre des Palestiniens en réponse aux récentes attaques terroristes. Samedi, des résidents d’implantations ont incendié un certain nombre de voitures appartenant à des Palestiniens dans le village de Burin, près de Naplouse.
L’attaque de dimanche a eu lieu alors que des responsables israéliens et palestiniens, dont al-Cheikh, se sont réunis en Jordanie, sous l’égide des États-Unis, pour tenter de rétablir le calme en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
Les parties ont publié un communiqué commun dans lequel Israël s’engage à ne pas prendre de « mesures unilatérales » au cours des trois à six prochains mois.
Netanyahu et d’autres membres du gouvernement se sont empressés de démentir que Jérusalem avait accepté un quelconque gel des constructions au-delà de la Ligne verte.
Jacob Magid, Emanuel Fabian et le personnel du Times of Israel ont contribué à cet article.