Un Israélien, soupçonné d’escroquerie en réseau, arrêté dans un aéroport en Grèce
Ori Nagar, âgé de 37 ans, est accusé par l’Allemagne de fraude à l’investissement. Il est le dernier Israélien en date pris pour cible par des procureurs de Bavière et d’ailleurs
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël
Le mois dernier, la police grecque a procédé à l’interpellation, à l’aéroport de Thessalonique, d’un ressortissant israélien soupçonné d’escroquerie à l’investissement pour plus d’un million d’euros.
L’homme, identifié par un journaliste grec qui a assisté à une audience préliminaire, serait Ori Nagar, appréhendé le 24 août en vertu d’un mandat d’extradition délivré par les autorités allemandes.
Nagar, résident chypriote âgé de 37 ans, aurait personnellement escroqué 1,4 million d’euros à ses victimes, en Allemagne et dans le monde, selon les médias grecs.
Il effectuait un voyage en Grèce lorsqu’il a été arrêté. Les procureurs de Bamberg n’ont pas réagi à son arrestation.
Selon les informations disponibles, Nagar aurait été l’un des principaux membres d’un réseau qui dépouillait ses victimes après les avoir approchées par téléphone ou courrier électronique, les incitant à investir dans divers instruments financiers très rémunérateurs.
Le gang se serait approprié les fonds déposés par les victimes et les aurait transférés via un réseau complexe de blanchiment d’argent.
Des centaines, sinon plus, d’Israéliens se sont installés hors du pays ces dernières années pour travailler dans des centres d’appels chargés de vendre des instruments financiers frauduleux ou à haut risque, tels que les options binaires, le forex, les CFD ou encore les crypto-monnaies.
Amit Bahar, l’avocat de Nagar à Tel-Aviv, n’a pas répondu à la demande de commentaires du Times of Israel.
Nagar est l’un des six Israéliens soupçonnés d’escroquerie arrêtés ou condamnés par les procureurs bavarois depuis le début de l’année. Les lois allemandes sur la protection de la vie privée interdisent l’accès aux documents déposés devant les tribunaux. En conséquence, le nom de la plupart de ces hommes n’est pas encore connu de manière officielle.
Une source proche de l’enquête a indiqué au Times of Israel que les cinq autres inculpés pourraient être Benjamin Goldblueth, Tal-Jacki Fitelzon, Shalva Elishakov, Tommy Kostyukovsky et Lior Leo Bakshi.
Fraude par cybertrading
Depuis 2018, les procureurs allemands, et en particulier ceux de Bavière, enquêtent sur un phénomène qu’ils qualifient de « fraude par cybertrading ».
Lors d’une conférence de presse, en mai, le ministère bavarois de la Justice a qualifié la fraude par cybertrading de phénomène mondial par lequel les employés de centres d’appels – en Ukraine, Géorgie, Serbie, Bulgarie ou Israël – tentent de convaincre des cibles, à l’étranger, d’investir dans le forex, les CFD, les crypto-monnaies entre autres instruments financiers. Les investissements sont faux, et la plupart des investisseurs finissent par perdre la plupart sinon la totalité de leurs fonds.
Les procureurs allemands ont déclaré au Times of Israel que plusieurs réseaux criminels étaient impliqués dans ces fraudes et que la plupart d’entre eux avaient déjà trempé dans des fraudes aux options binaires en Israël, interdites par la Knesset en 2017.
Même si les petites mains se trouvent en Europe de l’Est, précisent-ils, des sociétés israéliennes sont souvent impliquées dans la commercialisation des escroqueries, mettant à leur disposition technologies et infrastructures de traitement des paiements.
Dans des pays comme l’Ukraine, la Géorgie, la Bulgarie ou Israël, ont-ils ajouté, l’escroquerie est à ce point importante qu’elle est devenue une industrie majeure.
Les procureurs allemands estiment que les pertes dues aux escroqueries par cybertrading se chiffrent, pour la seule Allemagne, en milliards d’euros chaque année. Depuis avril 2020, ils organisent des « journées d’action » en Bulgarie, Serbie, Ukraine, Albanie et Géorgie, au cours desquelles ils perquisitionnent avec la police locale, interpellent des suspects et saisissent des avoirs.
Ces « journées d’action » ont jusqu’à présent conduit à plus de 20 inculpations, dont plusieurs Israéliens.
En mai, Benjamin Goldblueth, âgé de 38 ans et titulaire de la double nationalité israélo-allemande, a été condamné à 4 ans et 2 mois de prison en Allemagne. Goldblueth travaillait dans un centre d’appels à Sofia, en Bulgarie, où il vendait des investissements frauduleux via les sites Web alphafinancialgroup.com, zurichfinancialgroup.co, genevacapitalgroup.com et promarketsgroup.com, selon les procureurs.
Goldblueth a été arrêté en juillet 2021 lorsque son bureau en Bulgarie a été perquisitionné par la police bulgare. Les procureurs allemands ont déclaré avoir identifié plus de 250 victimes de ce centre d’appels, qui ont perdu au total 14 millions d’euros. Goldblueth a été reconnu responsable à hauteur de 3,5 millions d’euros, escroqués entre octobre 2016 et juillet 2021.
Avant de s’installer en Bulgarie, Goldblueth vivait en Israël, où il faisait partie de la communauté d’expatriés de Tel Aviv.
Dans une autre affaire, l’Israélien Tal-Jacki Fitelzon a été condamné en janvier 2022 à six ans et 10 mois de prison en Allemagne.
Fitelzon était le « vice-président des ventes » pour un groupe de centres d’appels situés en Bulgarie, Serbie, Bosnie-Herzégovine et Géorgie, qui exploitaient des sites de trading en ligne frauduleux (Safemarkets, OptionStarsGlobal, Cryptopoint et XTraderFX). Il était le bras droit du « Loup de Sofia », Gal Barak, qui a passé quatre ans dans les prisons autrichiennes.
Fitelzon a été « reconnu responsable de pertes qui se chiffrent à 8,7 millions d’euros, infligées à 335 personnes entre mars 2016 et mars 2019, avec l’aide de complices », selon le communiqué de presse d’octobre 2021 annonçant son inculpation.
« On peut supposer qu’il existe un nombre considérable de cas non signalés », précise l’acte d’accusation.
Dans l’attente du verdict
Le 12 septembre, l’agent d’un centre d’appels israélien, Shalva Elishakov, a été jugé à Munich. Il serait responsable de 261 000 euros de pertes subies par plusieurs victimes. Son procès est en cours.
De leur côté, les chefs présumés du réseau d’escroquerie, Lior Leo Bakshi et Tommy Kostuyovsky, seront jugés à Nuremberg en octobre ou novembre prochain. Kostyukovsky serait responsable de 14,7 millions d’euros de pertes et Bakshi, de 8,6 millions.
Lors d’un entretien en 2017, Kostyukovsky aurait évoqué la rentabilité de son travail tout en assurant le détester et vouloir devenir parachutiste professionnel.
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« Je ne savais pas ce que je voulais. Chaque matin, je me réveillais et je me reprenais cette routine écoeurante : me lever, aller au travail, boire une bière, aller me coucher. J’ai gagné beaucoup d’argent, mais cela ne m’a pas rendu heureux », a-t-il déclaré.
Yaniv Segev, l’avocat de Kostyukovsky et d’autres ressortissants israéliens impliqués et détenus en Allemagne, n’a pas souhaité faire de commentaires.